La boîte à compliments

Une planche

Une scie

Des clous

Un marteau

Et Marcel

Et Marcel à cette heure

Construisait sa boîte

Pas sa boîte de nuit

Ni sa boîte de jour

Pas plus sa boïte de conserve

Ou sa boîte à oeufs

Ou sa boîte à noeuds

Ou sa boîte cranienne

Ou sa dernière boîte

Tout de bois lisse

L’ultime boîte vernie

Que des hommes en noir glisseraient

Au fond d’un trou

Lissée d’un ciment gris

Et enmurée d’un marbre noir

Ou des cendres d’un volcan

Non

Marcel

Au pied de son arbre

Qui construisait sa boîte

A cette heure

Patiemment

N’était pas saoûl

Marcel boîtait juste

Parce qu’il avait une jambe

Plus longue que l’autre

Marcel

Ou plus courte

Marcel ne s’en était

Jamais rendu compte

Jusqu’à ce que la réalité lui fasse remarquer

Les imperfections de son corps

Et de sa boîte

A oisillons

Marcel

Suspendu en équilibre à cette branche

Marcel boitillait sur le chemin de celle-ci

Marcel le boiteux

Marcel le bienheureux

Marcel le boit-sans-soif

A l’orée d’une source d’étoiles

Une planche

Une scie

Des clous

Un marteau

Et Marcel

Construisait simplement

Lentement

Sa boîte

A compliments

Marcel avait fini de se juger

De se lancer des pierres pointues

De se cogner contre des mots trop durs

Marcel

Le coeur tout couvert de bleus

Dans la rue des Sales Gosses

« Je suis un bon à rien

Un amoché

Un tas d’années râtées

Le constat d’un échec

Des astres qui dégringolent

Une météorité échouée

Dans un puits bien trop sec

Sans enfant pour prolonger ma vie »

Marcel glissait maintenant

A la place de ces mots

Des compliments dans sa boîte infinie

Tous ceux qu’on lui adressait

Et tous ceux qu’il s’adressait à lui-même

Chaque matin

Et chaque soir

« Ta voix est belle

Ta voix est douce

Marcel »

Marcel le bohême

Laissait passer les autres mots

Les regardait en souriant

Les retournait avec sa raquette

Vers toutes les bouches qui les prononçait

A quoi bon se nourrir

De ces fruits pourris

Marcel allait dès lors

Vers les âmes qui l’aimaient

Et déployait ainsi ses ailes

Un sourire l’accueillait

L’encourageait

Un habitat

Bien plus que des murs

Un habitat

Qui ressemblait à un arbre

Rempli d’oiseaux

Du monde entier

Bob dans la chambre de son hôtel

Grattait les cordes de sa guitare

Et chantait

« Shot of love »

Marcel voulait comprendre

A quoi pouvait ressembler une dose d’amour

Qui voulait lui glisser des compliments dans sa boïte

Toi et toi et toi

Et moi

Et nous ?

Marcel se disait

« Quittons nos toits

Un vaste ciel nous ouvre ses bras

Les oiseaux réclament juste une dose d’amour

Une coupe de tendresse

Pétillante

Enivrante

Aussi délicieuse qu’une tarte aux abricots »

Marcel prenait de l’eau dans ses mains

Et lavait son visage

De toutes les larmes du passé

Qu’importe ce qui avait échoué

Le présent était là

Le sourire

D’un nouveau

Départ

Une piste de décollage

Pour les mots les plus beaux

Les mots qui se taisent

Et t’écoutent

« Merci

Mer

Si merveilleuse

Tu m’as tendu tes ailes

Cette nuit

Où mon esprit était parti »

Thierry Rousse

Lundi 26 juin 2023

« Une vie parmi des milliards »

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