Jeu d’enfants ou jeu de grands (1) – Le chat et la souris

Une vie parmi des milliards

Le chat et la souris

Règles du jeu

Le chat attrape la souris

Et quand la souris est attrapée

La souris devient chat

La règle est simple

Suffit de l’appliquer

A la ligne blanche

Un jeu d’enfants

Est-ce ce modèle

Qu’on veut t’enseigner

Afin de vivre en société

Être le chat ou la souris

Choisis ton camp

Maître Chat

Ou soumise Souris

Être belle et rebelle

Te laisser prendre pour être chat

Et acquérir le pouvoir

D’attraper tes semblables souris

Ou bien rester

Dans ton quartier

Toujours souris

Toute ta vie

Au risque d’être prise

Par Maître Chat

Affamé de sourires

Jeu cruel

Pour le plaisir

Le chat est bien portant

Et son enjeu important

La compétition

Dans la cour

Est commencée

Chat ou Souris

Si t’es nommé.e Souris

Ou si tu choisis de sourire

Sache que tu vis déjà

Dans la menace d’un chat

Et que ta vie sera toujours combat

Pour rester toi

Ou être chat

A moins

Que le chat coupé

Peut être ne te sauve

Si une autre souris

Passe entre lui et toi

Il te laissera volontiers libre

Sauvage courir par les prés

Pour suivre sa nouvelle proie

A moins que le chat perché ne te sauve

Si tu trouves montagne ou un toit

Où grimper

Sache que ta liberté n’est qu’éphémère

Il t’faudra pourtant un jour

Redescendre sur la terre

Au risque d’être jetée à terre

A moins que le chat blessé ne te sauve

Si souris t’es attrapée

Tu t’retrouves chat handicapé

Bien en peine d’attraper une souris vive

A moins que l’chat baissé

Soit la bonne réponse

A toutes nos grandes questions métaphysiques

Y’a qu’à comme c’est écrit

Te baisser

T’abaisser Souris

Et Chat ne pourra plus te toucher

Te voici donc soulagée

Dans ces bas-fonds utopiques

Tu souris épargnée ma Souris

Tu t’es sauvée de Maître Chat

Sous ce pont féerique

Dans la sobriété heureuse

Tu resteras Souris

Toute ta vie courbée

Rebelle et insoumise dans le cœur

Retiens-ça une bonne fois par choeur

T’as rien à craindre

Si tu restes

Plus petite

Que Maître Chat

Est-ce à la fin de ce conte d’autrefois

Une leçon à retenir

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Chat ou Souris

Qu’il ne soit qu’un jeu pour de rire

A moins que les règles ne changent

Qu’un nouveau monde ne commence

Et si la souris attrapait le chat

Et si le chat devenait souris

Et bien souris le chat

C’est moi petite souris

Par l’infime trou que voici

Tu vois un peu c’que l’humanité

Pourrait faire de nous

Une grille d’aération

Un jardin de récréation

P’t’être bien une cour d’éducation

Simplement ne plus nous mettre à genoux

Face à leur raison être un peu fous

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Le chat et la souris

Deux humains philosophes

Une nuit

De cette farce ont bien ri

Dans un baiser

Dans un souffle

Un murmure

Par delà les murs

Ils se sont dit

Attrape-moi

Et tiens-moi la main

A deux

Toi et moi

Nous pouvons refaire demain

Chat et Souris

Amis toujours pour la vie

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Faut bien tricher un peu

Rester toujours un coeur aimant

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 20 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”

Deux corps deux femmes

Une vie parmi des milliards

Deux femmes

Chacune l’une à côté de l’autre

Déterraient leur mort au coeur de la cité

Y’avait quelque chose de surréaliste

Dans leurs gestes déployés

Avec tant de précaution

Personne n’y prêtait vraiment attention

Les gens pressés avançaient sans les regarder

Derrière les hautes grilles

Deux femmes déterraient chacune leur mort

Couchaient une petite croix sur leur liste

Deux corps ensevelis

L’un à côté de l’autre

Les bras croisés

Deux corps figés

Qui ne pouvaient plus se regarder

Quelle pouvait être leur histoire

Une maison sur leur vie s’était bâtie

Aujourd’hui démolie

Deux corps

Deux femmes

Exhumaient leurs souvenirs de la terre

Avec délicatesse

Deux femmes connaissaient le temps de la tendresse

Deux femmes caressaient les os de la mort

Crois-tu que les squelettes parlent encore

Dit-elle à sa voisine

Qu’ont-ils à nous raconter

A l’aube d’Halloween

Quoi

Tu ris et tu pleures

Sous une nuit de pleine lune

Sors donc mon amie ta plume

Et écris les mots coincés dans ta gorge

Deux femmes

Deux corps

Tu lisais Marcel ce samedi soir dans le journal

Quatre vingt sept corps retrouvés

Non rien d’un crime dissimulé

Aucun mystère dans ce quartier

Qu’un cimetière médiéval

Et ses pierres tombales

Deux corps

Deux femmes

Et juste sous leurs pieds

Une cité antique

La belle civilisation s’écrivait par tranche

De murs détruits

De milles feuilles d’oublis

Exhumés à la surface

Un port

Une rue

Des gens vivaient là autrefois

Déchargeaient le bois des bateaux

Transportés sur la Loire

Naissaient

Travaillaient

S’aimaient

Donnaient la vie

Et mourraient

Deux femmes

Deux corps

Et des sarcophages

Et des cercueils

Et des linceuls

Et d’autres jetés seuls à la fosse publique

Tous les rangs d’une société

Se retrouvaient ici dans la mort

Comme dans la vie

Inégaux

Puis un jour on remercierait ces femmes

On comblerait ce trou d’humanité

Ces reliques de la mort

Ces profondeurs du temps

D’une nouvelle ville à élever

Et d’autres vies encore à enterrer

Et d’autres morts encore à exhumer

Deux corps

Deux femmes

Au coeur de cette cité

Aujourd’hui

A Rezé

Le temps s’était arrêté

Deux corps

Deux femmes

Au coeur de cette cité

Aujourd’hui

A Rezé

Le temps s’était dévoilé

Que ferait-on de ton corps

Et de ton âme

Marcel

Deux corps

Deux femmes

Thierry Rousse
Nantes, samedi 19 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

P’tit terrien au planétarium

Une vie parmi des milliards

Depuis l’temps

Qu’tu voulais les voir

Les étoiles

Au planétarium

Tu les as vues

Innombrables

Les étoiles

Connaître de chacune

Leur nom

Leur prénom

Leur adresse

Leurs passions

C’était bien trop demander à ta mémoire

Il te fallait alors les relier les unes aux autres

Pour t’en souvenir un peu

Tiens c’est la grande casserole

Et la petite

Et juste au-dessus d’sa queue

Juste au-dessus

Solitaire

L’étoile polaire

Y’avait aussi à côté la fée Cassiopée

Et d’autres

D’autres encore qui brillaient

Des personnages d’épopées

Des animaux fantastiques

Le ciel était ta grande bande dessinée

Le livre qu’t’aimais lire dans la nuit

Ces histoires qu’tu t’racontais

Pour t’endormir

Ça ne marchait jamais vraiment

Tu lisais ce grand livre illustré sans fin

Jusqu’au p’tit matin

Ta journée elle te cacherait ces trésors

De l’univers

Toutes ces étoiles dévorées par tes yeux

Ces questions qu’tu te posais sans cesse

Mais d’où j’viens

Et pourquoi suis-je ici

Et puis

Après

Qu’y-a-t-il

Après

Quand tout serait fini

Tu regardais ces pierres

Tombées d’une vitrine

Ces pierres qui venaient du fond de l’inconnu

Ces pierres qui avaient fait un grand trou dans la terre

Qu’avaient-elles à te murmurer

De la vie

De ta vie

C’est certain

Fallait qu’tu retournes au planétarium plus souvent p’tit Terrien

Regarder les étoiles

Pour retrouver ton chemin

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 17 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Et disons-nous à aujourd’hui

Une vie parmi des milliards

Parce que

Depuis bon nombre d’années

Maintenant

Y’avait les sites

Pour rencontrer l’âme sœur

Ou l’aventure d’un jour

Ou d’une nuit

Parce qu’y avait les réseaux virtuels

A défaut d’pouvoir vraiment nous rencontrer dans le réel

Parce que notre rituel

Métro tramway boulot dodo

Allait trop vite pour prendre le temps

D’nous poser à tous ces changements

Parce que les rencontres dans l’vent étaient incertaines

Pas vraiment claires

Tu veux ou tu veux pas

Des vœux qui tombent à l’eau

Y’avait ces sites formidables qui nous faisaient espérer le grand amour

Ou la satisfaction de nos désirs les plus fous

Parce que tout semblait pouvoir s’acquérir

Dans ce nouveau marché du plaisir

Alors nous faisions des fouilles

Et cliquions sur cet objet un joli joujou

Ou sur ce sujet qui nous ressemblait

Ou qui nous manquait

On lui écrivait une p’tite bafouille

Coucou comment ça va et moi

A chaque pied sa tong sa basket

Sa botte en caoutchouc

Son soulier vernis

Son mocassin

Son chausson

Ou sa claquette

Y’avait des sites pour tous les âges

Tous les genres

Classés par envie

Génération

Motivation

Ou passion

Catégorie professionnelle

Ou penchant culturel

Fallait vraiment être né quasimodo

Pour point trouver là son égo

Alors on faisait défiler les profils

On s’arrêtait sur un visage

Un sourire

Une silhouette

Des biceps

Une paire de seins

Une jolie main

Belle situation

Ou gros revenus

Un mot

Un espoir

Et si c’était lui

Et si c’était elle

On cliquait

Des j’aime

Un peu beaucoup à la folie

Ou pas du tout

On mettait ça dans son panier

On verrait bien à la caisse

Au premier rendez-vous

Si la photo correspondait bien à l’article posé dans son caddie

Puis au fil des temps

Des glaces qui se brisent

On s’révèlerait l’un à l’autre

Nos forces et nos faiblesses

Constance

Promesses

Mensonges

Disparition

Trahison

On s’donnerait du bonheur

On s’ferait du mal aussi

Des rires on basculerait dans les pleurs

Sur des chemins périlleux

On apprendrait à s’connaitre

A savoir c’qu’on voulait être

Où poser nos vies

Seul ou à deux

De nous deux c’qu’on avait à faire

Là où on voulait vivre

Chacun chez soi

Ou sous l’même toit

Qui choisirait la couleur des tuiles et des rideaux

Qui aurait l’dernier mot

Toi ou moi

Moi et toi

Les années passaient

A la campagne

On restait ensemble comme on pouvait

On s’arrangeait

On s’adaptait

La vie à deux

On s’disait

N’était que compromis

Rien de parfait

Où l’imparfait

Était mieux qu’être rien

Puis

Y’avait l’être de passage

Qui te tournait la tête vers la grande ville

Tu pouvais tout quitter pour cette idylle de jeunesse

Ce mirage t’était fatal

Y’avait des ruptures

Qui laissaient des traces dans l’cœur

Des abandons de tendresse

Venait l’temps révolu

Tu n’croyais plus aux beaux sentiments

L’amour de Vénus te quittait

Où tu la quittais

Alors c’était la longue solitude

Du célibataire renfermé

Dans les champs de pommes de terre oubliés

Tu basculais dans la catégorie sénior

C’etait plus vraiment ta ruée vers l’or

Ça sentait déjà la fin

Ton dernier rêve

Le songe d’une nuit d’été

Où tu t’raccrochais

Dans ce bar de Clisson

A ces chansons sous les halles

Crois-tu qu’tu peux encore grimper

A cette roche

Jusqu’à ce nuage

Rencontrer derrière son visage

En haut du donjon

Des prisons dorées

Allons danser au bal

Ma mie

Et disons-nous à demain

Et disons-nous à demain

Comme deux p’tits vieux attendris

Jamais aigris

Les pommettes de deux enfants farceurs

Qui choisiraient toujours l’bonheur

Parce que c’était simplement mieux que l’malheur

Alors vivons

Alors aimons

Ma mie

A fond

De tous nos sentiments

C’est maintenant

C’est maintenant

Et disons-nous à aujourd’hui

Pour toute la vie

A aujourd’hui

Pour toute la vie

Thierry Rousse
Clisson, vendredi 18 octobre 2025
Une vie parmi des milliards”

Naissance

Une vie parmi des milliards

Et maintenant

Laisse tes yeux se fermer

Lâche tes contractions

Mets-toi à l’aise

Dans la position

Que tu préfères

Ose celle que t’envies

Au milieu des mers

Comme un cosmonaute ou un astronaute dans l’univers

Il n’est pour toi

Ni à l’ouest ni à l’est

Aucune frontière

Ressens chaque partie de ton corps

Entre les algues les tortues et les poissons

Flotter dans la bouée de ton esprit

Et sois fier.e

Imagine-toi ce bébé dans l’eau

Entre zéro et six mois

A quoi songe-t-il dans le lit de son berceau

Être roi

Être reine

Ou sirène

Rester ou sortir de sa bulle

Dis-lui simplement

T’es vraiment beau

T’es vraiment belle

Même rigolo

Plein de toi fragile

Balbutiant tes mots

P’tit.e

Tu te dévoileras

De tout ton éclat

Aux regards du dehors

Fais confiance à tous ces gens de la terre

Ils t’accueilleront

Te nourriront

Te protègeront

Dans leurs hameaux

Et s’ils t’abandonnent

Sali.e de leurs éclaboussures

Dans les sillons de leurs guerres

Déjà pour d’autres semences

Sois toi-même

Et ce père

Et cette mère

Qui te souhaiteront la bienvenue inconditionnelle

O toi le roi

O toi la reine

O toi la sirène jetée nue dans la pâture des misères

O toi l’enfant exclu

Dis-toi que des fissures du ciel

T’es pas né.e quelque part par hasard

Dans le foudroiement des éclairs

Le monde adulte a besoin

De ton besoin d’amour

Et de ton éternel désir

Afin de s’élever silencieusement

Dans la lumière d’un soupir

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 16 octobre 2024
"Une vie parmi des milliards"

Solitudes croisées un dimanche

Une vie parmi des milliards

Toute cette misère

Cette sensation de la misère

Le monde

Toute la misère du monde

Ou presque

Une sensation

Tous ces hommes seuls qui attendent

Tous ces hommes seuls et jeunes qui attendent

Tous ces groupes d’hommes jeunes et seuls qui attendent

Qui attendent

Qui attendent

Qui attendent

Regroupés

Quoi

Toutes ces meutes d’hommes

Jeunes et seuls qui attendent quoi de la rue

Les uns sur des murets

Les autres sur des trottoirs

Les autres sur des bancs de pierre

Les autres le long des parterres

Les autres autour d’un stade déformé

Et les autres vieux tous collés

A la terrasse d’un café P.M.U.

Tous ces hommes seuls jeunes et vieux au téléphone

Qui se parlent

Ou qui se taisent

Qui attendent quoi

Qui attendent qui

D’un pays

Tout un dimanche-là sans bouger

Ou presque

Tout un dimanche-là à leur place

Ou presque

Puis tous ceux qui marchent

Puis tous ceux qui marchent pour aller où

Puis tous ceux qui attendent le tramway

Puis tous ceux qui montent dans le tramway

Puis tous ceux qui sont assis dans le tramway

Puis tous ceux qui descendent du tramway

Puis tous ceux

Puis

Presque tous

Jeunes et vieux hommes seuls

Aux vêtements dépareillés

Déchirés

Decolorés

A l’apparence négligée

Aux odeurs nauséabondes

De tous leurs pores qui abondent

Ou presque

Des corps pas lavés

Des corps délavés

Des coques échouées

Puis tous ceux qui sont défoncés

Ou alcoolisés

Ou défoncés et alcoolisés

Un homme peut faire deux choses tragiques à la fois

Tous ces hommes habiles défoncés et alcoolisés seuls jeunes et vieux à la réalité augmentée

Puis tous ceux qui font la manche

Et cette jeune femme avec son enfant parmi ces hommes

Sur le trottoir à la sortie d’un Carrefour City

Qui te sourit pour une pièce

Et cette jeune femme en jupe d’été qui se rend à la messe

Une couverture en laine bleue sous le bras

Elle l’avait apportée pour ce vieil homme habitué de la rue

Sa maison était une marche

Devant le porche de l’église Saint-Nicolas

Ce vieil homme n’en veut pas de cette couverture-là

Il la fait rire

La jeune femme à la jupe d’été sourit

Et repart

Sa couverture en laine bleue sous le bras

Sur le parvis de l’église Saint-Nicolas

Elle attend de la lune blanche

Que sonnent les cloches

Des anges de l’au-delà

D’un dieu étranger

Toutes ces solitudes croisées un dimanche

Où la seule exposition ouverte de ta ville

Te parle des rites funéraires

Tu n’sais donc pas que la mort ça s’fête

Là où abonde la plus grande des misères

Tout près d’une place Royale

Faut bien se rattacher à quelque espoir

Une autre fontaine plus belle

Un autre monde parallèle

Mais quand parlerons-nous de la vie

Après celle des morts et des chevaliers

De toutes ces solitudes croisées

Quand d’la rue les voix seront déliées

Quand d’ces corps abîmés

Des visages de poète.sses seront nés

D’un bras de fer enlacé de deux coeurs

D’une fleur malade guérie par ses mots

Un dimanche d’automne

Flamboyant

Sous le regard

De la Duchesse Anne

Thierry Rousse
Nantes, mardi 15 octobre 2024
"Une vie parmi des milliards"

Un homme de mousse

Une vie parmi des milliards

Planté là

Les pieds

Dans

L’eau

Ruissellait sur lui

Interminable

Plantés autour

De ces carrés de plantes

Dans le cimetière d’la terre

Derniers souvenirs

Retenir tous les noms

Te souvenir

Ce qui existait

Existait encore

Sauvegarder

Montrer

Apprendre

Mémoriser

Planté là

Regarder

S’en aller les gens

Qu’adviendrait-il de l’être ruisselant

Un homme de bois

Qui s’tient tout droit

Malgré le temps

Ou avec

Se sera-t-il adouci

Purifié

Courbé

On reviendra

Mon enfant

Le voir

Et on verra

Ce que la solitude

Un dimanche

Au jardin des plantes

Aura fait de lui

Un homme de mousse

Une femme fougère

Un roi lichen

Un arbre

Ou une forêt

Un océan d’oiseaux

Marécage des visages

Angélique des marais sauvages

Thierry Rousse
Nantes, lundi 14 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Le canapé des mots

Une vie parmi des milliards

Le canapé était confortable

J’n’avais pas tout compris

J’m’étais endormi

Tu m’dis

La poésie n’est pas affaire de compréhension

Mais de perception

Alors j’n’ai pas tout perçu d’la poésie

J’lui dis

J’vais boire un verre

Pour y voir plus clair

Crois-tu j’suis l’seul dans ce cas

J’voudrais bien m’accrocher à leurs mots

De quoi ils parlent

Qu’est-ce qu’ils racontent dis-moi

Qu’est-ce qui vibre

Là sur l’clavier de leurs touches

Quelque chose d’urgent qui m’touche

Est-ce qu’ils nous voient

Au-moins

A qui ils parlent

A un micro

Qui porte leurs mots

A qui ils parlent

Au miroir de leur égo

A qui ils parlent

A leur copain Oulipo

Le canapé était confortable

J’n’avais pas tout compris à leurs mots

J’m’étais endormi

La poésie avait ses publics

Ses langages

Ses mondes parallèles peut-être

A quels carrefours pouvait-on se rencontrer

On se croisait

On s’voyait

Est-ce qu’on se parlait

Est-ce qu’on s’écoutait

On s’jugeait

On s’méprisait

On s’ignorait

On s’acceptait

On cherchait

On questionnait

On apprenait

On s’cultivait

On s’élevait

On régressait

On n’avait peut-être rien à dire

P’t’être qu’on voulait rien dire

Ou qu’on ne savait pas comment le dire

Alors on décortiquait le langage

Comme un objet

C’était quasiment purement formel

On s’créait un réel

On recopiait les notices des jeux vidéos

Les conversations virtuelles

Tout devenait des tas d’réels

Des vies de toutes pièces inventées

Fuites d’un monde insensé

Ou pures vacuités

Pures vanités

Des mots distordus

Exercices d’écriture

On s’construisait des cercles fermés

Sur les sièges des universités

On s’congratulait d’éloges

Et puis après

Surgissaient enfin les mots qui te saisissaient

La force d’un souffle

Les mots qui jaillissaient

Comme des vagues d’une source intarissable

Des cascades d’images

Des litanies de sons

Fallait qu’ils sortent tous ces mots allongés sur l’canapé

Fallait qu’ils sortent c’était vital

Des marées de mots d’hirondelles

Là où l’corps avait besoin de s ‘exprimer

Là où ça faisait mal

Quand son élan avait été contraint au silence

Des mots d’Iran ou d’Haïti

Là où le poème était un pain quotidien

La parole était partagée

La parole était libérée

Thierry Rousse
Dimanche 13 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »

Quand ça arrive tout ça

Une vie parmi des milliards

Quand ça arrive tout ça

Les feuilles mortes sur les trottoirs

Quand ça arrive tout ça

Les jours qui raccourcissent

Quand ça arrive tout ça

Les brumes des p’tits matins

Quand ça arrive tout ça

Les pluies diluviennes

Quand ça arrive tout ça

Les bleus du ciel

Quand ça arrive tout ça

Les lampadaires diffusant

La douceur d’un soleil

Quand ça arrive tout ça

Des clairs de lune de tendresse

Quand ça arrive tout ça

Des amis se retrouvant

Sur les terrasses des brasseries

Quand ça arrive tout ça

Des amoureux dormant sur les marches

Quand ça arrive tout ça

En haut des marches

Tu vois déjà Noël

Quand ça arrive tout ça

Tu voudrais qu’ta vie soit belle

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’les gens seuls

Se cachent sous des feuilles mortes

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’leurs nuits

S’allongent dans l’hiver

Quand ça arrive tout ça

Que leur reste-t-il après le travail

Quand ça arrive tout ça

Les brumes des vendredis soir

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’ils ne peuvent plus écrire

Noyés dans des pluies diluviennes

Quand ça arrive tout ça

Des bleus dans leur tristesse

Quand ça arrive tout ça

Des lampadaires diffusant

La douceur d’un soleil

Quand ça arrive tout ça

Des clairs de lune de tendresse

Thierry Rousse
Nantes, samedi 12 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »

Un dernier chapitre

Une vie parmi des milliards

Comment ça s’terminerait toute cette histoire

Dis

Comment ça s’terminerait

C’est qu’il s’en était passé des épisodes

Des envols

Des disputes

Des silences

Des pardons

Des ailleurs

D’autres rencontres

Des retrouvailles

Des voyages

La détermination

Les réussites

L’indépendance

Les déceptions

La solitude

Les amours éphémères

Et puis toujours lui

Qui revenait

Qui s’accrochait à toi

Comme son dernier espoir

Et cette surprise

Qui bousculait ta vie

Celle que tu n’attendais pas

Au matin d’une nuit d’ivresses

Que faire

Que faire de cette vie

Fragile

Balbutiante dans ton corps

La laisser grandir

Atterrir sur la terre

Ou

Ou

Et après

Le dernier chapitre en dévoilerait la fin

Allais-tu le lire Marcel maintenant

Ou

Laisserais-tu passer la nuit

Comme un train de nuit

Comment tout ça finirait

Pour toi

Pour elle

Pour lui

Pour cette p’tite graine du hasard

Qui n’avait rien demandé à la vie

Cette p’tite graine née dans l’océan d’ton corps

Tout ça finirait dans ces pages

Posées sur ta table de chevet

Qui t’attendrait demain

Qui t’attendrait demain

Une nouvelle vie

Ta nouvelle vie

Ton dernier chapitre

Qui l’écrirait

Toi

Elle

Lui

L’auteur de ce roman

Le hasard

La providence

L’humeur d’un instant

Une longue réflexion

La voix de l’intuition

Ton dernier chapitre

Tu venais de le lire Marcel

Natalia avait choisi de laisser naître cette p’tite graine de son corps

Avait rappelé son ami Simon

Et tous trois unis

Commençaient une nouvelle vie

Il est certains livres qui se finissent bien

Certains livres qu’on aimerait écrire

Comme un dernier chapitre

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 11 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”
Inspiré de
Rien n'est jamais écrit d'avance”
Roman de Daniel Bercheux
Éditions Maïa