Sakura, les cerisiers du Japon

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Les cerisiers du Japon étaient en fleurs

Quelle heureuse surprise de les découvrir

Presque partout

Le long des rues de Nantes

Ces cerisiers du Japon qui enchantaient mon coeur pas après pas

Pourquoi me fascinaient-ils autant

Était-ce la beauté de leurs pétales ouvrant leur trésor caché à mes regards

Fleurs du Japon

Sakura

Annonçant le printemps

Annonçant tous les poèmes que nous irions accrocher aux branches de leur coeur

Sakura

Peut-être parce que le ciel était décidément gris

Sakura

Peut-être parce qu’il pleuvait depuis cinq mois

Sakura

Peut-être parce Nantes la rebelle était envahie

Depuis quelques années de toutes ces grues glignotantes

De toutes ces tours qui s’élevaient en désordre

Voyage fatal vers le futur

Sakura

Peut-être parce que le béton grignotait les derniers espaces en friche

Les dernières voies ferrées

Les dernières usines définitivement fermées

Les dernières places de liberté

Sakura

Peut-être parce qu’il y avait toutes ces guerres interminables

Sakura

Peut-être parce qu’il y avait tous ces décrets de plus en plus répressifs

Sakura

Peut-être parce qu’il y avait de moins en moins d’espoir

Sakura

Peut-être parce qu’il n’y avait plus qu’un trou à ta ceinture

Sakura

Il restait les cerisiers du Japon

Dans ce chantier de vingtième et unième siècle

Dans cette coulée de béton et de verre

Dernier siècle des humains

Sakura

Peut-être parce que Nantes n’avait plus rien d’un Berlin

Sakura

Peut-être parce que Nantes enterrait son eau et se prenait pour Tokyo

Sakura

Peut-être parce qu’il nous resterait la désolation d’un urbanisme démesuré

Englouti dans le débordement des fleuves et des mers

Sakura

Peut-être parce qu’aucun bloc de béton et de verre ne pouvait contenir

Sakura

Peut-être parce que régnait sans rival le dérèglement général des guerres et des intérêts stratégiques

Sakura

Peut-être parce que l’homme meutri n’avait pas de limite dans sa vengeance

Sakura

Peut-être parce que le plafond bas du ciel etait gris de béton, de grues et de tours écrasées

Sakura

Peut-être parce que seules ses fleurs roses pouvaient nous ramener à l’envie

Sakura

La dernière espérance

Avant le verdict final

Sakura

Ras de marée

Extinction d’une humanité exténuée

Sakura

Bob

Tu chantais à l’instant

Au fond de ce café où j’écrivais mes pensées

Un rayon de soleil traversait mon coeur 

« Everything’s Gonna Be Alright »

Au Shake Point de Jane et Lucie

Les deux jeunes patronnes

Au joli corps tatoué

La guerre ne passerait pas ce samedi

L’amour avait rendez-vous avec les anges

Il était temps de quitter Napoléon

Et de retrouver

Les cerisiers du Japon

L’ultime appel à nous retrouver

Dernier élan de sororité

Derrière la vitre du Sakura Tram

Samouraï d’amour

Surfant le long du château et de ses chats errants

Sakura

Coulée verte des âmes retrouvées

Laisse partir ce vieux bateau de guerre

Laisse entrer ces voiles roses de la paix

Quarante pieds à danser

Quarante pieds à nous aimer

Porte ouverte d’un estuaire

Il était temps

De

Changer d’air

Sakura

Rafales de baisers

Sur les pétales des cerisiers

« Tout va bien se passer » (1)

Sakura sera notre force

La percée de nos rêves

Dans les murs des pouvoirs obsolètes

Sakura sera la force de nos sentiments dans nos têtes

Elan rose

Jolie couleur pour un printemps

Rose

Et renaître

Rose

Et renaître

Thierry Rousse
Nantes, lundi 18 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"
(1) Bob Marley, « Everything's Gonna Be Alright »

Ne rien faire au Chat Noir

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Ne rien faire

Difficile de ne rien faire

T’obliger à ne rien faire

Tu sentais toujours en toi le besoin de faire quelque chose

Où que tu sois

Où que tu respires

Remplir ton temps

Un défi

Remplir ton temps

La vie était si courte

Un éclair tu le savais

Tu avais besoin de remplir ta vie

De tous les sens que tu voulais lui donner

Marcel

A ta vie

Remplir ta vie

Marcel

Tu avais toujours plein de choses dans ton sac

Ton sac à dos

Ton sac à bosses

Tu ne manquais de rien

Mieux trop que rien

Tout sauf le vide

Tout sauf le néant

Tu disais

Marcel

Ne pas perdre de temps

Sur le quai à attendre

Mais là

Ce jeudi soir

De dix huit heures à dix neuf heures

Entre deux temps

Sortant d’un atelier de théâtre pour enfants

Tu t’obligeais à ne rien faire

Ne rien faire

Comme c’était long ne rien faire

Un supplice

Dans ta caboche

Une heure à boire une pinte de Moustache

Près d’un arbre enfermé

Avais-tu vu grand

Trop grand

Une heure de ta vie à boire cette pinte de Moustache trop grande

A rien faire

Cette pinte servie par une jolie serveuse tatouée

Qui te tutoyait

Dans ses yeux

Marcel

Tes vingt ans renaissaient

Une heure maintenant de temps perdu

Tu voyais tout ce temps s’effilocher

Une heure dans ta vie répandue

Une tâche qui grossissait à perte de jus

Marcel

Ressaisis-toi donc

Combien d’heures avais-tu mordues dans ta vie

Croquées

Mâchées

Avalées

Le temps d’une autre vie

Que tu voulais rattraper à tout prix

Impossible combat contre toi-même

Temps irrécupérable

Depuis dix ans

Tu t’acharnais

A rattraper ce temps révolu

Toujours un tas de bouquins

De carnets dans ton sac de randonneur

A lire

A noter

Quand ce n’était pas ton ordinateur

Qui bouffait tes heures libres

Souvent d’un travail colossal et vain

Tout un bureau dans un train

Qui aurait pu justifier à présent ton temps à ne rien faire

Ton temps à n’Être

Rien qu’à vivre

Qu’à observer le temps qui passe

Qu’à observer la vie des autres gens

Pour oublier la tienne

La vie des autres gens était tellement passionnante à tes yeux

Marcel

A l’entrée du Chat Noir

Tu rêvais de ta jeunesse

Étudiant

Tu aspirais

A retrouver cette insouciance

Ce désir d’être

De tout refaire

Pouvions-nous tout refaire

Les rides de ton corps te rappelaient à cet impossible retour

L’heure était écoulée

Et le tram t’attendait pour deux heures chez Marguerite

Deux heures de verres de porto et de poésie

A savourer

A oser lire quelques lignes parmi les grands

Les vrais poètes

Te frayer un timide chemin

Quelques lignes de vie sur ta main nue

Les mots perçus des bribes de la rue

En attendant

Ton programme était le suivant

Ne rien faire au Chat Noir

Ne rien faire

Difficile à ne rien faire

A t’obliger à ne rien faire

Ca cogitait dans ta tête

Où était parti le petit chat

Noir de l’espoir

Destination

Aléatoire

Le vide d’une absence

Ne rien faire au Chat Noir

Que l’attendre

Juste le caresser

A son retour

Lui donner à boire

Et à manger

Aimait-il le saucisson pendu

Juste prendre soin du petit chat noir

Qui t’avait accueilli sur sa planète

Juste lui rendre sa planète

Aussi belle qu’il te l’avait offerte

Balayer le ciel

De tes excès

Libérer la mer

De tes filets

Et ne plus rien faire

Qu’aimer au Chat Noir le petit chat noir

Entre dix huit heures et dix neuf heures

Un jeudi soir

Et tout le reste de ton temps

Et tout le reste de ton temps

Commencer par être

Marcel

Par être

Juste

Etre

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 17 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"

Les murs des mondanités

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

C’était quoi les modalités

Écrire

Et ne recevoir aucune réponse

Téléphoner

Et t’entendre dire

Quand avez-vous envoyé ce mail

Je ne le trouve pas

Si on est intéressé, de toute manière, on vous rappellera

Sans doute ta lettre était passée directement à la corbeille sans même avoir été lue

C’était quoi les modalités

Celle qui t’appellait pour te dire qu’elle était intéressée par ce que tu faisais

Puis qui ne te donnait plus aucun signe de vie

Et se gardait bien de décrocher à tes appels

C’était quoi les modalités

Celle qui était prête à te recevoir mais au chapeau

Au chapeau

Depuis quand le loyer

Le pain

Étaient au chapeau

Chapeau troué du mendiant

C’était quoi les modalités

Ce genre de réplique aussi ingrate

Qui êtes-vous on ne vous connait pas

Et toi de lui donner la réplique

Justement c’est pour cela que je vous appelle

Pour vous rencontrer et faire connaissance

Et elle de se justifier

Le responsable est très occupé

Il ne peut pas recevoir tout le monde

Voici

Maintenant

Tu le savais

Tu étais tout le monde

Marcel

Et tout ça n’avait plus aucun sens

Toute cette société-la

A tes yeux

Tout ce monde fabuleux

Tous ces êtres bien lotis

Qui jouaient les pauvres

Jamais d’argent dans les caisses des riches

Quand le pauvre lui voyait toujours le verre à moitié plein sans se plaindre

C’était bien connu

Marcel

Un riche te dira toujours qu’il n’a jamais d’argent

Pourquoi t’épuiser à proposer tes spectacles

A des personnes au fond qui n’en ont que faire

La personne qui était vraiment intéressée par ce que tu jouais, par ce que tu écrivais

S’adresserait naturellement à toi

Et serais heureuse de t’accueillir

En pensant au public qui se réjouirait

De ce que tu partagerais avec lui

Ça au-moins

Ça avait du sens

Ce n’était pas une parole en l’air

Restait à rencontrer cette personne qui avait entendu parler de tes créations

Qui était-elle

Où logeait-elle

Dans quelle hémisphère

Sur quelle planète

L’autre choix était

De renoncer

Baisser les bras

Abandonner tes rêves

Les sourires des enfants quand tu jouais pour eux

Des personnes bien placées dirigeaient le monde

Et elles te renvoyaient à ta place sur la touche des perdants

Il te restait à mourir lentement de ta toux

Qui n’en finissait pas d’en finir

Victime d’un dérèglement

Climatique

Economique

Politique

Ethique

Tes malles ne seraient plus jamais ouvertes

Tu croupirais en silence invisible

Derrière les murs des mondanités

Un mot aussi dur à dire que ses murs

Combien de talents avaient été ainsi ignorés

Reconnus bien trop tard leurs pieds sous terre

Combien n’entraient pas dans les cases des modalités

Du pedigree de l’entre-soi

Marcel

C’était fini

Et tu pleurais dans ta solitude

Personne ne voyait tes larmes transparentes

Tu étais tout le monde

Marcel

On ne voyait jamais tout le monde

Disparaître

Que les gens connus

La grâce te rappellait vers elle

De ses ailes

Coquillage d’une plage

Une sirène murmurait à ton oreille

Moi, j’ai envie que tu vives

Parce que moi je t’aime

Tu es mon cœur

Tu es mon oeil

Tu es ma main

Tu es mon pied

Tu es le sens de ma vie

De toute ton oeuvre

J’ai envie

Marcel

Et je te dis

Au bout du monde

Allez chauffe

Marcel

Allez chauffe

Marcel

Dans la rue des Olivettes

Il y a bien encore un peu de soleil

Pour la cueillette des amours

Allons-y ma grâce

Y faire un tour

Et nous remplir les yeux

D’un nouveau jour

Les murs ne sont que des façades

Au destin peu glorieux

Seuls derrière les grilles

Les fleurs sont nos amies

Et le jardinier qui prend soin de leur vie

Derrière les chants d’avril

Tenons fidèle

Notre fil

Nos regards vers le ciel

Loin des mots durs

Qui sentent le renfermé

Mondes vanités

Mondanités

Allez chauffe

Marcel

Allez chauffe

Marcel

Mange tes mots

Dans un bar

Vivant

Ils te tiendront chaud

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 15 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"

Au Café du Matin de Talensac

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Au Café du Matin à Talensac

Fatigué ,Marcel tu poses ton sac

Trois euros vingt , deux tartines beurrées

Et un café, tu bois ta liberté

Souris tu es filmé, la vie est belle

Le beurre est salé, un rien rebelle

Devant toi, tous les fruits de la mer

Derrière toi, la nuit des mères.

Tu veillais sur elles et leurs enfants

Tout juste nés dans le monde des grands.

Veilleur de nuits et veilleur de vies

Marcel, au p’tit matin, tu leur souris

Vois déjà mille talents dans leur sac

Remplir de perles d’or un triste lac.

Au Café du Matin à Talensac

Réjoui, Marcel, tu ouvres ton sac

Carnet et crayon, tu écris la vie

Ordinaire, au marché, elle est sans prix.

Thierry Rousse
Nantes, mardi 14 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"
D'après Carnet personnel, souvenir du dimanche 28 janvier 2018

Le piano de la gare de Nantes

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Dans le train gris, je m’étais assoupi

Je ne vis plus rien que ma nuit

J’étais parti bien loin, bien seul

Sur d’autres rails à l’abri d’un tilleul

Quand le choc de l’arrêt me ramenait

A la gare, « Nantes », je vis le quai

Elle aussi de très loin me souriait

Il nous fallait maintenant atterrir

Dans ce monde froid qui nous attendait

Toi et moi cet émoi de nos sourires

« Bonne journée !» , toi, l’inconnue, me dis

Enfilais ton manteau puis partis

Loin sur ce quai , je voyais tes pensées

Vers un autre à pas légers s’en aller

Ma nuit était finie, mon tilleul

Était un magnolia bien seul.

Matin nantais, un piano m’attend

La douceur de sa main et un roman

Et des fleurs blanches, des yeux d’amour

Ma nuit avec toi un si beau jour

Ce piano de la gare de Nantes

Isolé dans son coin chaque matin

Depuis, le train de ma vie, enchante

Ses notes grises, bleues sont notre écrin.

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 13 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"
D'après Carnet personnel, 23 janvier 2018

Tout quitter

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Tout quitter travail appartement région

Tout quitter tout simplement

Désirer vivre une autre vie

Tout quitter là un trente et un décembre

Partir

Partir la voiture pleine à craquer

Coucher de soleil face à toi

Et maintenant une autre vie

Après avoir roulé toute une journée sous la pluie

Là construire là une nouvelle vie

Ta nouvelle vie

Nouvelle région

Nouvel appartement

Nouveau travail

Lutter pour trouver ce nouveau travail

Ce travail où tu te plaieras

Là rien de gagné

Rien ne se passe comme tu l’avais imaginé

Une offre t’emmène ailleurs

Et tu perds le travail que tu visais

Et tu perds tout au fond

Rien ne se passe comme tu l’avais imaginé

Alors tu dois te battre

Refaire surface

Eplucher les offres une à une

Leur répondre de ta plus belle plume

Sourire parce que sourire c’est important

Ne jamais montrer aux autres que tu es vaincu

Parce que c’est d’un gagnant que les autres veulent

Les autres les recruteurs

Un gagnant

Alors tu enfiles tes gants

Et tu te bats

Pour remonter à la surface

Ne pas dégringoler plus bas

Eponger tes dettes

Gagner le point final

Au dernier set

Franchir la ligne

Juste un peu en-dessous du seuil de pauvreté

Tu seras veilleur de nuit

Et chaque jour ne sera plus comme avant

Tu vivras en décalage

A la marge

Te voici cette fois pauvre

Sous la ligne de flottaison

Tu comptes tes pièces

Rond après rond

Des bulles dans l’eau

Tu te prends pour un poisson

Tu échapperas aux requins

C’est sûr

Petit poisson invisible

Tu vis la nuit

Tu as enfilé les gants de l’ange

Qui rêve des étoiles

Et tu brilles

Un soir par hasard

Sur la scène noire de la Libre Usine

A dire tes mots avec d’autres

Entre les tours et l’Amazonie

Un fleuve charrie tous vos désirs

Tout quitter pour le dernier combat

Juste être toi

Simplement être toi

Tu as tout quitté sauf toi

Ici à cette table tu t’es retrouvé

Ce n’est que le début

Bats-toi

Rien n’est acquis

Pas même la vie

Tout est fragile

Enfile tes gants de plume

Tu as encore un peu de temps

Thierry Rousse
Nantes, mardi 12 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"
"Boxe à Malakoff, raconter ses combats", atelier animé par Guillaume Lavenant, La libre Usine du Lieu Unique, Nantes, Lundi 11 mars 2024

Presque une journée parfaite

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Cela aurait pu

Être

Presque une journée parfaite

Ce dimanche enfin gorgé d’un soleil de printemps

Presque une journée parfaite

Cette journée entre amis

A nous régaler d’huîtres

Dans le vignoble du Muscadet

Presque une journée parfaite

Dans cette grande villa provençale

Du vignoble nantais

Piscine et oliviers

Où des chevaux de toute beauté

Dans les prés retournés

Nous invitaient à la plus délicieuse liberté

Cap à l’ouest

Les pieds en éventail

Presque une journée parfaite

Si l’une des langues de ces amis

La langue de Diane

N’avait fourché

Comme une cisaille

A parler d’une absente

A dire ainsi qu’elle devait être bien heureuse sur son île

Que la vie était belle

Qu’elle en profitait bien

Cela aurait pu être presque une parole parfaite

Que du bien dit sur elle

S’il n’y avait sur le bout de ta langue

Diane

Cet air vilain

Tant de mépris

Pour mon amie

Tant d’ignorance

Pour sa maladie invisible

Si tu avais compris

Seulement

Diane

Qu’elle n’avait eu d’autres choix

Que de se retirer sur cette île

Au milieu de l’Océanie

Que rien en France

Ne l’avait vraiment soutenu

Pas même toi

Que la peur de tous ces gens

Se protégeant dans leur bulle de bien-être

La position parfaite d’un yoga déraciné

Cela aurait pu être

Autrement

Presque une journée parfaite

A savourer ce soleil radieux de l’amitié universelle

Presque

S’il n’y avait encore toutes ces guerres de mots déplacés sous les cieux

Cela aurait pu

Être

Presque la paix

Proclamée

La paix

Des lèvres des prophètes qui en brandissaient

Haut dans le ciel l’étendard

Presque un monde possible

A moins qu’il ne fut d’artifices bâti

Presque une journée de sourires

De petits princes et de renards

Si tu ne l’avais brisé

Diane

En mon coeur

Par tes jugements

A la légère

Attirant vers toi tout l’auditoire

A prononcer tes mots de vipère

Contre mon amie absente

Je suis parti

Chercher un autre paradis

Je me suis frayé un chemin entre les fougères

C’était presque une journée parfaite

Et j’ai marché

Tel un Robinson Crusoé

Au bord de la grande marée

Et j’ai trouvé ce village coloré

Bien caché

Et sur ce banc

Entre deux hôpitaux

Je me suis assis

Pour écrire ces mots

Et retrouver le repos

De mon âme

Près d’un renard

Qui m’a souri

Veux-tu être mon ami

Je te préviens

Je suis blessé

Nombre de chasseurs ont voulu me tuer petit prince

Renard

Lui ai-je répondu

Tes blessures sont les miennes

Veux-tu être mon ami

Et tous deux

Sommes repartis

Dans notre tanière

Au milieu de la mer

C’était presque un monde parfait

S’il n’y avait encore

Autour de nos corps

Tous ces tirs

Sans sourire

Et ces derniers soupirs

Criant

Je veux vivre

Le sursaut des étoiles

A cette heure

M’a réveillé

C’était presque une nuit parfaite

Thierry Rousse
Nantes, lundi 11 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"

Conte for Kids

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Il était une fois

Un voyage en bus flexible

De la Bretagne à la Capitale

Marcel avait rendez-vous avec Béa

Tout près de la cinémathèque

Au café des spectacles de Bercy

Béa était musicienne

Béa jouait de la guitare et un peu de tout

Béa chantait aussi

Do ré mi fa sol la si

Béa était pile à l’heure ou presque

Des salutations chaleureuses

Portes ouvertes

Paris grand air

Direction la vallée de Chevreuse

Où elle habitait heureuse

Avec son chien et son chat

Une maison de montagnards

Dans la vallée de l’Yvette

Au bout d’un chemin privé

Il était déjà tard

Une nuit étoilée

Et une belle surprise qui attendait Marcel

Ce dimanche soir seize novembre deux mille dix sept

Il était une fois un ami de Béa

Originaire du Venezuela

Qui racontait et chantait des histoires de son pays

Des histoires de là-bas

Où il était né

Des histoires qu’il avait traduites

Avec beaucoup d’humour et de liberté

Des histoires et un peu de sa vie

Qu’il avait réduite

Marcel était venu à Paris pour une prestation

Et Béa l’accueillait gentiment pour trois jours

Deuxième jour

Lundi dix sept novembre deux mille dix sept

RER

Direction École quarante deux

Dix septième arrondissement

Paris

Startup For Kids

« Le meilleur moyen de prévoir le futur, c’est de le créer »

Marcel lisait douze fois tout au long de la journée Cendrillon

Pour des classes d’enfants à l’occasion de l’installation Bakou

L’une des démonstrations du Startup For kids

Bakou était un ingénieux procédé qui permettait au public de voir projetés au plafond

Les jolis dessins du conte tout en écoutant l’histoire

Une agréable manière de s’endormir

La journée se clôturait autour d’un buffet pour la remise des prix de toutes ces inventions présentées

Des Startup au service de l’éducation des enfants

Bakou et Jules aux anges emportaient le trophée Disney

Béa et son amie conteuse Alice venaient de rejoindre Marcel dans la salle principale de l’école quarante deux

Les coupes de champagne et les petits fours de la récréation étaient là

Réception

Digne d’un château

Des contes de fées

Il était une fois Alice grande et forte

Alice était catégorique

Lire Cendrillon de Perrault n’était pas conter

Lire était un véritable blasphème au conte

Marcel était montré du doigt tout près de Perrault

Tous deux se retrouvaient penauds sur l’échafaud

Marcel était pourtant réjoui de voir avec quel enthousiasme Jules avait défendu son invention, son Bakou, le projet de sa vie, offrir du rêve aux enfants, leur permettre d’entrer avec douceur dans le monde de la nuit en choisissant leur histoire

Alice, ne démordait pas, elle était en rage défendant avec force la genèse du conte et son principe d’oralite depuis la nuit des temps

L’art de la parole se transmettant uniquement de génération en génération, en dehors de tout livre, de tout pouvoir qui aurait voulu l’enfermer, le figer

Point final

Alice avait certainement raison dans le fond, cependant Marcel se sentait tellement ravi d’avoir été convié dans cette Capitale pour lire douze fois sans s’arrêter Cendrillon, un honneur, un défi pour lui

Heureux de toutes ces félicitations qu’il avait reçues

Lui qui était à cette époque veilleur de nuit dans un centre d ‘hébergement pour les gens à la rue

A la Roche vendéenne de Napoléon

Marcel aurait voulu pleinement savourer ce bonheur

Sans peine

Cette nuit de gloire

Sans la foudre d’Alice

Pour la déchirer

De désespoirs

Il était une fois Marcel

Marcel n’était donc qu’un simple lecteur

Qu’un simple veilleur de mots

Qu’un

Aucun

Alice l’avait banni de la grande famille des raconteurs d’histoires et s’en était allée crachant majestueusement sur la Startup des Kids

Il était une fois Béa

Béa reconduisait le petit Marcel puni

Au fond de la maison des montagnards

Traversant le champ percé

Des cimes de la Défense

Bakou

Raconte-moi une histoire de silence

Dessine-moi dans le ciel

Pas des building

Mais les fleurs du bonheur qui dansent

Un jour

On ira

A New-York

Toi et moi

Cendrillon

Tu verras

Tu verras

Toi et moi

Un jour

Tu verras

Cendrillon

Que le monde ne tourne pas rond

Et pas même

L’amour

Il était une fois le troisième jour

Un lundi dix huit novembre deux mille dix sept

RER

Direction Bercy

Gare routière et graffiti

Et déjà le retour de Marcel dans le bus flexible

Et plein de sourires d’enfants dans le cœur

Une larme suspendue sur le bord de sa lune

Bakou

Où es-tu

Je me sens si seul dans la nuit

Bakou

Dis-moi

Conte for Kids

Is for me ?

Suis-je un enfant

Perdu dans le temps ?

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 10 mars 2023
"Une vie parmi des milliards"

Le petit Dali

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Dali

Comment être à ce point

Si imbu de toi-même

Si ancré dans les lignes de tes mains

Dali

Par tes fines moustaches relevées

Et ton air hautain

Et excentrique

Tu amusais

Toute la galerie

Ou presque

A parler de toi

A la troisième personne

Monsieur Dali

Étais-tu vraiment drôle

Quand tu jouais à tirer sur les pigeons

Fier comme un roi

Quand tu méprisais ton chauffeur, ta maîtresse de maison, les modèles qui posaient pour toi

Tout ce monde ébloui ou acheté

Affairé à tous tes caprices

Petit Dali

Quand tu n’avais que cette préoccupation

Que tous les regards convergent vers tes petites moustaches à la fleur de Lys

Maître Dali

Tu étais

Bien petit

Dans ton palais

Toi

Qui ne faisais que te regarder

Te glorifier

Tu ajoutais

Une grisaille de plus

A ces jours de pluie qui n’en finissaient plus

Pauvre Dali

Ridicule baron d’Espagne

Triste portrait

Pourquoi

S’extasiait-on

Riait-on

Dès qu’on prononçait ton nom

Dali

Pinceau

Génie de quoi

De tous ses égos

Qui nous voulaient soumis

A ses folies

Peintre Dali

Toutes les guerres commençaient ainsi

Quand plus aucun sens de la vie nous reliait

Que le chaos des pulsions

D’auto-destruction

A moins que tu nous jouais cette funeste comédie

Les dédales de l’inconscient

Professeur Dali

Pour nous ouvrir les yeux

L’égo poussé à sa perte

Anéanti

Vagues souvenirs de tableaux surréalistes

Tout était fini

Petit Dali

Il était temps de grandir

Et de contempler l’infini

D’autres visages

La beauté des paysages

Avant que toutes ces guerres n’embrasent le monde

Dali

Toi

Moi

Si nous quittons nos miroirs

Et regardions l’oiseau qui veut vivre

L’oiseau qui veut retrouver son nid

Dans le désert

Petit

Dali

Thierry Rousse
Nantes, samedi 9 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"
D'après le film « Daaaaaali ! » de Quentin Dupieux

L’enfant Tiste

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

On voyait écrit dans les petites annonces des cités

Tiste cherche une île pour l’accueillir

On voyait écrit dans les souterrains des villes

L’artiste est d’une grande sensibilité

On voyait écrit sur les troncs des magnolias

On ne sait d’où il vient

Séparation

Scission d’un atome

Tiste

Comme

Ar

Tiste

Comme

Tiste

Tiste

Comme

Artiste

Ce cordon qui te reliait à ta genèse

Vallon prenait ses aises

Paysage fuyant

Jusqu’à l’océan

Très tôt

Tu étais parti

Appelé à ta source

Comme un aimant

Qui t’attirait

On voyait écrit à l’entrée des cinémas

L’artiste livré corps et âme

Dans l’art

Comme dans un miroir

Et maintenant

A l’aube de tes soixante ans

Le temps était venu pour toi t’écrire

Ce que la vie t’avait donné

Tu écrivais avec ton corps

Tu écrivais avec ton âme

La page était ton miroir

Tout ce que tu avais donné de toi

Et reçu des corps et des âmes

Longue odyssée si brève à la fois

Vivre encore un dernier instant pour cet enfant

Vivre encore un dernier instant pour ce monde

Porter un dernier message avant la guerre

Le dernier acte final

On voyait écrit sur les grilles des jardins

Et à côté de l’artiste

L’enfant qui court

Et qui a bien raison

La vie est urgente

D’attentions lentes

On voyait écrit ces graffitis dans les toilettes publics

Qui court dans le jardin de sa ville

Voit des fleurs en chaque chose à cueillir

On voyait écrit sur les pétales des roses

Seule la beauté peut nous donner raison d’exister

Tu avais vingt ans

Et la grande vie devant

Marcel

Tu avais rêvé d’être journaliste

De publier tes canards

Tes regards sur le monde

L’infinie diversité des êtres et des pages

Tu remuais la terre

Affrontais ta mère

Te liait à ton père

Tu avais choisi le camp des rejetés

Des âmes insultées

Rubrique des soleils

Des faits d’hiver

Rubrique

Des poètes captifs

Inlassablement

Tu cherchais cette île pour t’accueillir

De la vie à la scène

Timides pas franchis

Sous les feux des projecteurs

La famille maternelle s’indignait

C’est quand même incroyable de patauger ainsi

Que fera-t-il de sa vie

Quelle femme voudra de lui

On voyait écrit dans cette absence

Qui comprend l’âme autiste

L’eau qui la relie au ciel

L’inconscient au bord du temps

Regards accusateurs

Que percevez-vous dans ce vallon de bonheurs

Rien

Ce côté-là de ta famille ne voyait que ton errance

Allons

Petit poisson

Laisse parler l’ignorance qui te condamne

Réfugie-toi dans le silence

D’une marre

On voyait écrit au fond de l’eau trouble

Le malheur des autres nous rend souvent tristes

On a le cœur gros de les voir ainsi

Et de ne pouvoir rien leur dire

Ton père cachait sa souffrance dans un bar

L’enfant courait comme au cinéma

On voyait écrit dans ses yeux

Une lumière au plafond

Dans le ciel se balance

Connais-tu dans ce monde

Les anges

Un p’tit oiseau venait de se poser sur la main de l’artiste

Il y avait du pain dans sa vie

Une tendresse dans son cœur

Miettes de bonheurs

A l’abri des chasseurs

Et puis

Épuisé

Tu jetais tes mots

Comme des bouteilles à la mer

Passé

Présent

Tu déchirais les feuilles de tes blocs notes

Aucune phrase ne sonnait

Tu ouvrais la porte

Papa

Maman

J’ai mis de la musique africaine

Pour réchauffer l’atmosphère

Pour toucher aux racines

Pour grandir

La poésie de l’image et du son

Était l’avenir

Dessiner les courbes qui parlaient à ton cœur

Et sourire

On voyait écrit sur tes lèvres

Les mots me bouffent

Affamés d’amour

Je ne puis en écrire d’autres

Depuis que tu m’as quitté

Source tarie

Vallon aride

Mosaïque d’humanité

Ton canard était déchaîné

Trop vite

Les pages étaient tournées

De peur de laisser derrière toi

Un cadavre de canard

Exquis

Tiste

Écrivain de l’avent

Ture

Tiste

Ture

Texture

Il y avait écrit dans ton cœur

Ces fissures

Je n’ai qu’une hâte

Connaître votre expérience

Du mot

Et

De la vie

Qui du premier a enfanté l’autre

Ton père écrivait pour survivre

Glissait chaque jour ses textes dans les pochettes transparentes de son classeur

Cent textes

Il t’avait dit

J’écrirais cent textes

Pour toi mon fils

Ton père avait tenu sa promesse

Perdu

Dans la tempête

Par sa force d’écrire

Il t’avait guidé

Ramené à la vie

Depuis tu lisais

Et écrivais

Il était écrit entre vous deux

Nous mangerons ensemble

Toi et moi

Le cadavre exquis

Chacune

Chacun

Est artiste

L’excellence était de vivre

A la hauteur d’une fleur

Tiste

Tu l’avais vu

L’Enfant artiste

Marcel

Au milieu de la cour

Sous la pluie

Tu l’avais compris

Tiste était d’un autre monde

Ferais-tu ce pas

De le découvrir

Pas après pas

Il était écrit patience

Est la science

Des sages

Grappe d’été 87

L’enfant Tiste

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 8 mars 2024
"Une vie parmi des milliards"