Les fleurs du bien

Une vie parmi des milliards

Quand je vis cette nuit ma photographie

Froissée dans ta poubelle

Je compris que tes mots de bienvenue

Ne duraient que le temps d’une expression

Tu m’parlais des autres formidables

Et j’les trouvais effectivement formidables les autres

En c’qui me concerne tu disais peu de mots

Ton silence résonnait comme un vide dans ma maison

Une question sans réponse au fond de mes réflexions

Quelle image te faisais-tu de moi

Ma question était restée sur ce trottoir

Comme un courant d’air

Aujourd’hui j’ai tiré ma révérence au monde

Je m’en suis allé sur des chemins champêtres

Du côté de la mer

Les albatros m’ont raconté leurs périples

M’ont montré à chaque étape tous leurs nids

J’ai compris l’odyssée d’un exil au-dessus des déserts des châteaux et des palais

Combien faut-il en traverser des nuages

Des brumes des orages

Pour percevoir d’un visage

Ne serait-ce qu’un rivage

La vie est à la fois un si long et un si court voyage

Une photographie une nuit froissée à la poubelle

Suffit à en briser ce qu’elle a de plus belle

Je suis aujourd’hui au fond de cette corbeille

Et de l’ombre je m’en émerveille

C’est qu’il y a à la surface

Un soleil au coeur de cet abîme universel

Là où tout au fond de son iris j’me vois

Son regard m’élève jusqu’à lui

Un oiseau franchissant les frontières

Avec l’audace de son ramage

Il voit bien dans la brume qui luit

Un marais de toutes les couleurs

Sur les briques d’un pub irlandais

Les fleurs du bien une lande sauvage

Qui du spleen à la terre le retient

Quand je vois maintenant son portrait sur ses murs

Je comprends que la poésie

Ouvre une pléiade de fissures

Elle laisse entrer dans chaque obscurité de l’hiver

Doucement dans mon cœur sa tendre lumière

De la voix de tant de slameuses et slameurs

Tant d’écume bouillonnante déferlante de chaleur

Les fleurs du bien ici

Poussent dans la bière

Naissent parfois de petits riens amers

Sous ses lampadaires

Un mercredi au soleil couchant

De leur encre qui se répand

Thierry Rousse
Nantes, mardi 29 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”

Une heure d’hiver

Une vie parmi des milliards

A ton réveil ce dimanche matin

Ton téléphone indiquait neuf heures

Et ton horloge murale dix heures

Tu réfléchissais

Que se passait-t-il dans les grandes aiguilles

Une heure avait disparu dans ta maison

Qui était entré chez toi pour la voler

Elle

La fameuse heure d’hiver

Sur l’instant

Se présente

Tu souris

Elle

Est de retour

Tu la prends dans tes bras

T’éprouves cette heureuse sensation

D’avoir gagné une heure sur ta vie

Aussitôt tu bondis de ton lit

Ragaillardi

Une heure sur ta vie

C’est pas rien

Une heure sur ta vie

Et le coeur rajeuni

Tu cours emprunter ce long chemin des prés

Le ciel s’éclaircit

Ces chèvres et ces fermes

Te rappellent les temps jadis

Et tu marches

Et tu marches pensif

Vers l’infini de ton regard

Tes pas goûtent aux perles de l’aube

A l’odeur des flambées de joies

Des longues tablées d’ami.es

Des pots au feu d’autrefois

Une heure sur ta vie à midi

Tes pommettes mûrissent

Tous les arbres

Tous les oiseaux

Te saluent

Une heure gagnée sur ta vie

En sursis

C’est pas rien

La cueillette des champignons

Des bouquets de bruyère

Un panier bien garni

Une troupe de lutins anoblis

Les jeux alanguis du dimanche

Et déjà ce temps disparu

Au crépuscule venu

Le roi soleil las s’obscurcit

Et te berce à son coucher

De longues pensées mélancoliques

Déjà la nuit profonde

Et cette triste sensation

D’avoir perdu une heure de soleil sur ta vie

Les pétales d’une matinée juste frôlées

Des cendres à tes pieds

Des fermes oubliées

Où dormaient les chèvres

Dans les champs du ciel

Le chemin des arbres

Sur ton regard

S’était refermé

Un peuplier replié

Un olivier sans olives

Une heure sur ta vie

Ce n’était pas rien

Quel maître du temps

L’avait volatilisée

T’aimerais bien la retrouver

Cette heure

Au milieu des prés

Accrochée au pistil

D’une fleur endormie

Le long d’un ruisseau

Un trouble d’oubli

Que te manquait-t-il pour être heureux

L’odeur de ce feu de bois ressassée

Des tablées d’autrefois

La besogne du paysan accomplie

Le pain et le fromage partagés

Le sourire de Violaine cette femme qui t’aime

De quoi se mêle donc la cour royale

A vouloir changer nos heures

Nos simples bonheurs

En calculs savants

Qu’elle laboure plutôt sa terre

Et vive au temps de Dame Nature

Plutôt qu’au temps de ses ratures

Ce tribun hautain voudrait te soumettre à son éloquence

Te convaincre de ses projets utiles pour toi et la terre comme cette heure d’hiver

Sitôt gagnée sitôt perdue

Que le roi se fie plutôt à l’horloge de la lune

Pour plaider la cause de sa voisine

Le bon sens revient à la vie

Que l’horloge du ciel reste souveraine

Alignée à tout l’univers

Que l’automne annonce enfin une trêve

En cette heure d’hiver

Thierry Rousse
Nantes, lundi 28 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Sur mes lèvres esquissées

Une vie parmi des milliards

Sur les lèvres esquissées

Sur les lèvres effleurées

Sur les lèvres des récifs

Sur les lèvres ouvertes

Un dernier cargo solitaire

Dépose un baiser

Sur les lèvres retroussées

Sur les lèvres déployées

Sur les lèvres du désir

Sur les lèvres consternées

Sur les lèvres attristées

Sur les lèvres révoltées

Sur les lèvres excitées

Le soleil dépose une mèche allumée

Sur les lèvres portuaires

Sur les lèvres des mers

Sur les lèvres des rivières

Sur les lèvres douces et salées

Un p’tit poisson remonte à sa source

Sur les lèvres apaisées

Sur les lèvres endormies

Sur les lèvres des nuits

Sur les lèvres de la lune

Quatre lèvres s’entretiennent

Du monde

Et des pêcheurs de perles

Sur les lèvres collées

Sur les lèvres lettrées

Sur les lèvres de baisers

Sur les lèvres bleutées

Un timbre ne se décolle plus

Sur les lèvres des colombes

La parole s’est tue

Sur les lèvres de la paix

Sur les lèvres fermées

Sur les lèvres abusées

Sur les lèvres violées

Sur les lèvres défendues

Un cri étouffé

Sur les lèvres des guerres

Sur les lèvres en prières

Sur les lèvres éphémères

Sur les lèvres passagères

Se laissent faire

Sur les lèvres

Qui veulent être

Sur les lèvres prudentes

Sur les lèvres audacieuses

Sur les lèvres savoureuses

Sur les lèvres fidèles

Sur les lèvres éternelles

Sur les lèvres du ciel

Sur les lèvres de la terre

Un volcan de révolte

Sur les lèvres meurtrières

Sur les lèvres d’inventaires

Sur les lèvres rouge à lèvres

Sur les lèvres élégantes

Sur les lèvres puissantes

Sur les lèvres discrètes

Sur les lèvres clientes

Sur les lèvres avenantes

Sur les lèvres en manque

Embrassent le désert

Sur les lèvres d’oasis

Un palmier se déploie

Sur les lèvres en émoi

Sur les lèvres en nage

Sur les lèvres assoiffées

Sur les lèvres asséchées

Sur les lèvres qui se meurent

Une dernière parole se dessine

Sur les lèvres en coeur

Sur les lèvres qui expirent

Sur les lèvres identiques

Sur des lèvres uniques

Sur les lèvres cachées

Sur les lèvres poétiques

Sur des lèvres érotiques

Sur les lèvres hermétiques

Sur les lèvres magnétiques

Sur les lèvres solitaires

Sur des lèvres à la Prévert

Sur les lèvres amoureuses

Sur les lèvres ukrainiennes

Sur les lèvres palestiniennes

Sur tes lèvres qui sont miennes

Sur mes lèvres qui sont tiennent

Sur nos lèvres

Se retiennent

Sur les lèvres interdites

Sur les lèvres de Roméo et Juliette

Sur les lèvres de Clisson

Sur leurs lèvres

Glisse un bonbon

Sur les lèvres sucrées

Sur les lèvres gourmandes

Sur les lèvres taquines

Sur les lèvres coquines

Sur des lèvres tragiques

Sur des lèvres punies

Un baiser enseveli

Sur des lèvres meurtries

Sur des lèvres survivantes

Sur les lèvres nues

Sur des lèvres exilées

Sur les lèvres battues

Sur les lèvres confondues

Sur des lèvres infinies

Le soleil et la lune

S’embrassent

Sur mes lèvres esquissées

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 27 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”
Inspiré par l’exposition “Sur tes lèvres” du 26 octobre 2024 au 12 janvier 2025, Le Lieu Unique, Nantes, collection du FRAC des Pays de La Loire.

Doudoune et Doudou

Une vie parmi des milliards

Doudoune et Doudou

Trois ans

Déjà confrontée à ce monde un peu fou

Déjà séparée de tes parents

Doudoune

Faudra bien qu’tu trouves d’autres regards

D’autres mains

D’autres voix qui t’rassurent

Avec ton doudou qu’tu trimballes

Entre toi et tous ces murs

Doudoune

Faudra bien qu’tu t’nourrisses

De livres et d’images

D’images et de sons

De sons et de mots

De mots et d’histoires

Plein d’histoires

Plein d’fissures

Pour te glisser

A travers ces couloirs interminables

Des pièces que t’assembles

En reconstituer l’heure ensemble

Une maison et toi

Et papa et maman

Et moi

Et l’éléphant

Et la souris

Et le chat

Et doudou dedans

Des dinettes et plein d’autres jouets

Des animaux et toutes sortes d’objets

Pour te raconter plein d’aventures

Te créer tes mondes à la Jules Verne

Tout c’qu’t’as déjà découvert

Et tout c’qu’t’as déjà tracé

Ton théâtre imaginaire

Où t’aimerais grandir dedans

Voyager

Explorer

Deviner

Retrouver

Et montrer

Et mimer

Des comptines pour retrouver la paix

Des bagarres pour t’affirmer

Des non et des oui

C’est à moi il m’l’a pris

Trois ans

Déjà confrontée à ce monde un peu fou

Déjà séparée de tes parents

Doudoune

Faudra bien qu’t’apprennes à t’débrouiller

Te servir

Débarrasser

Nettoyer

Demander à t’lever

Doudoune

La collectivité

Te propulsera

A vitesse grand V

Dans l’monde de ses géants

Et tu seras propulsée parmi ses rois

Savante ou servante

Doudoune

Et ton doudou que deviendra-t-il dans tout ça

Sera-t-il toujours près de toi

Seras-tu toujours près de lui

Comme deux inséparables amis pour la vie

Doudoune et Doudou

Créer et jouer

Deux actions qui vous sont essentielles

Pour trouver votre place de sujet

Passer de l’abstrait au concret

Laisser vos premières traces

Gribouillées

Sur les pages de vos paysages

Sur les pages d’vos visages

Colorés

Doudoune

Trois ans

Déjà confrontée à ce monde un peu fou

Déjà séparée d’tes parents et d’ton doudou

Faudra bien qu’t’intègres son fonctionnement

La chanson du rangement

Avant l’heure du grand rassemblement

Écouter les activités

Qui te sont proposées

Sur tes tempes tourner trois fois tes doigts

Pour réfléchir et faire ton choix

Quel métier te ferait envie

Princesse

Starlette

Infirmière

Ou

Guerrière

Songe un instant

Toi l’animateur

En fin de carrière

Que cette infante

A qui tu lis ton histoire

Est peut-être

La future présidente de l’humanité

Celle qui changera ses temps

D’escargots en fleurs

Qui inventera des singuliers au pluriel

Des milliers de bonheurs

Dans un monde immergé

Où flottent encore des drapeaux

Devant ton château de sable mouillé

Doudoune

T’es pas la seule

Trois ans

Déjà séparée de tes parents

Déjà confrontée à ce monde un peu fou

T’es pas la seule à avoir perdu ton doudou

Écrasé sous les nuages des géants

Des tonnes de bombes

Quand les grands ne savent plus épargner

Tous les enfants

De leurs jeux cruels

Quand les grands déchirent leurs dessins de fées

Quand les grands tuent leur doudou bien-aimé

Toi Doudoune

A trois ans

Tu rêves d’un monde plus doux

Sous les pluies des orages

Des oranges arc-en-ciel

Accroche-toi à cette pomme dorée

Ton doudou sera ton étoile

Et tu s’seras sa déesse préférée

Thierry Rousse
Nantes, samedi 26 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Repaire d’automne andalou

Une vie parmi des milliards

Parce que tu voudrais bien ne plus bouger

Rester sous ta couette après la fin de l’été

Faire la grève de la guerre et d’la misère

Sentir les parfums de roses dans les frimas de l’hiver

Lire écrire aimer des heures caresser son corps

Comme un chercheur solitaire éperdu d’or

Les yeux clairs d’une lune suspendue au dehors

Lui laisser te dicter ses mots comme ton plus décor

Parce que tu voudrais bien ne plus affronter ce monde

Dans ce qu’il a de tourments de plus immonde

Parce que tu voudrais bien hors de lui vivre

Être un moine séduit de ses jolies rondeurs

Amoureux d’un instant infini boire à son élixir

Les songes d’un lent voyage en cueillir toute sa chaleur

Depuis ce temps que tu désirais le rencontrer

Le poète de la lune était né Federico Garcia Lorca

Sa nostalgie avait le goût du miel son désir du ciel allaité

O de la cigale enchanteresse de l’au-delà

Que pouvais-tu clamer après son chant

Qu’un éternel hymne jaillissant des vents

Pouvions-nous disparaître dans la lumière

A peine enfant sorti d’une mère sur la terre

Tous nos rêves de père encore en jachère

Broyés dans le sein même de nos chairs

O cigale prophétesse pour l’ici-bas

Sous la plume du prodige Garcia Lorca

Tu partais dans la musique de tes ailes

Pour nous conduire avec toi si loin du réel

Et pourtant ta vie n’était nourrie que de ses graines

Tout ce qu’un regard de sa profondeur égraine

Dans tes souvenirs grenouilles et grillons t’accompagnent

Au creux des sillons à l’ombre de nos chères campagnes

Parce que tu voudrais bien ne plus bouger

Rester sous ta couette après la fin de l’été

Faire la grève de la guerre et d’la misère

Sentir les parfums de roses dans les frimas de l’hiver

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 25 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

La maison du nomade

Une vie parmi des milliards

Fuiras-tu

Nomade

Au moindre rayon du soleil

Ta maison

Fuiras-tu

Nomade

Aux moindres gouttes d’eau

Ta maison

Fuiras-tu

Nomade

Le soleil

La pluie

Le vent

Les champs

Les torrents de ta solitude

Quand les signes des temps seront trop prégnants

Abandonneras-tu ta maison

Nomade

Ou prendras-tu grand soin d’elle

Tout ce qu’elle a bien voulu sauvegardé

Sous son toit

De toi

Qui s’amoncelle

Resteras-tu en ta maison

Nomade

Pour en découvrir tous ses secrets cachés

Tous ces murs que t’as imaginés fissurés de roses

Resteras-tu en ta maison

Nomade

Pour ouvrir ses souvenirs fermés

Poursuivre ses histoires écloses

Resteras-tu en ta maison

Nomade

Pour ranger tout le désordre du monde

Resteras-tu

Ou fuiras-tu

Nomade

Ses yeux te voient

Épuisé

Ses fenêtres t’appellent

Rentre en elle

Sa porte t’ouvre grand ses ailes

Ta maison est l’humanité

Nomade

Et son cœur une étoile

Reviendras-tu pour sa douce lumière

De toutes tes galères

Nomade

Regarde

Sa cuisine est un jardin

Sa chambre un oasis

Sa salle de bain une cascade

Son lit une barque de douceurs

Où les mots nagent de plaisir

Au soir de leurs nuits blanches

Resteras-tu en ta maison

Nomade

Pour y vivre

Le bonheur

Et l’accueillir

Et s’il te faut des années

Corps errant

Pour être reconnu

Du dehors

Toi l’étranger

Toi l’exilé

L’handicapé

Aux yeux de cette société sédentaire

Ta maison

Elle

Te connaît

Et t’accueille

En toute saison

Viens donc t’y blottir

Comme un Ripaillon du désert

Ta maison est une tirelire de songes

Une roulotte de sons et de mots

Jonglant avec les étoiles et les planètes

Ta maison n’est que dans ta tête

Un dessin de fils qui se lient

Pas vraiment nette

Un pull-over de lettres enlacées

Pour les longs hivers

Ta maison

Est au bord d’une rivière

Au bord de tes rêves

Au bord d’un estuaire

Une maison de correspondances poétiques

Une pierre d’angle

Où la vie est si belle

Où la vie est un ciel

Où la vie étincelle

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 24 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

La grosse araignée

Une vie parmi des milliards

Et tu criais

En voyant cette grosse araignée

Et tu m’disais

Ecrase-la

J’m’sentais obligé d’obéir à tes ordres

Pour te sauver d’une folle panique

Et pourtant tout en douceur

Discrètement

J’voulais sauver l’araignée de sa fin fatale

Et t’épargner l’apoplexie

Prendre la bête velue avec délicatesse sur mon mouchoir de poche

Sans la moucher

La grosse araignée paraissait si fragile si craintive pleine de tendresse

Laisse-toi faire araignée ou tu finiras bien sous mes doigts écrasée par maladresse

Laisse-moi je t’en prie t’épargner

Nous nous sommes enfin compris tous les deux

J’ai pu ouvrir la fenêtre et la déposer dans l’herbe

Aussitôt j’ai refermé

De crainte qu’elle ne revienne au chaud se blottir et te terrifier

La peur est vraiment sans pitié

On jette dehors les êtres vivants qu’on craint

N’avaient pas qu’à se réfugier chez nous dit-on

Mais c’est où chez nous

Sommes-nous plus chez nous chez elles

Qu’elles ne sont chez elles chez nous

Songe si t’étais cette araignée

On t’écraserait d’un coup de pied

Toi l’âme étrangère

Piétinée à terre

Craintive et fragile pleine de tendresse

O toi l’artiste tisseuse aux toiles de lumière

Qui piège pour nous nos ennemis

Est-ce ainsi qu’on te remercie

Nous sujets de l’espèce humaine

Arrivée bien après

Qui nous affirmons en maîtres

Avons-nous oublié de te regarder

Et t’aimer

Toi la grosse araignée

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 23 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Quand tu t’sens aimée

Une vie parmi des milliards

Quand tu t’sens aimée

Tu t’sens des ailes

Tu veux bousculer tout l’ordre établi

Sortir de toutes ces académies

Montrer qu’la vie c’est pas fini

Quand tu t’sens aimée

Tu t’sens vraiment épanouie

Libre d’aller où tu veux

Libre de danser jusqu’aux cieux

Quand tu t’sens aimée

L’espace devient une fête

Où chacun de tes pas

Est la meilleure des recettes

Qui propage le bonheur

Quand tu t’sens aimée

T’as l’envie d’aimer tout l’monde

De répandre autour de toi

Tout cet amour que tu reçois

Quand tu t’sens aimée

Tu fais de tes pas de côté

Des heureux.ses

Comme une reine

T’entraîne tout l’monde

Les vieux

Les sans abris

Les amoureux transis

Dans un tourbillon d’ivresses

Quand tu t’sentais aimée

Et qu’un soir tout s’est dévoilé

Dans un s.m.s. sur ton écran

Que ses mots de tendresse

N’étaient qu’un quiproquo

Quand il t’avait donné rendez-vous sur cette place

Juste pour te dire qu’il ne voulait plus te voir

Alors ta danse céleste aussitôt se suspend

Ton corps en liesse dans la foule se fige

Ta vie d’un coup se brise en mille morceaux

Au milieu de cette rue

Tu déverses tes mots dans son caniveau

Comme un vase percé

Ton jardin fleuri aussitôt se fane

N’est plus qu’un lit de feuilles mortes

Rougeoyantes

N’en reste à Paris aujourd’hui

Dans ce jardin public

Que son vague parfum

Aux embruns d’une fin

Thierry Rousse
Nantes, mardi 22 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”
Inspiré par le court-métrage “A Contre-temps” de Mélina M’Baye

Quand tu marches

Une vie parmi des milliards

Quand tu marches

T’as toujours un pied sur terre

Et l’autre dans l’vide

Quand tu marches

T’as trouvé au-moins cet équilibre

Pour pas chuter

Quand tu marches

Forcément t’avances

Et parfois tu te perds

Et tu reviens en arrière

Quand tu marches

Tu sais où tu vas

Ou pas

Ou presque

Quand tu marches

Tu t’es donné un objectif

Un but où aller

Ou simplement marcher

Quand tu marches

Sous la contrainte

Tu traînes des pieds

Quand tu marches

L’esprit libre

Tu marches d’un bon pied

Quand tu marches

Sans savoir pourquoi

Tu tournes souvent en rond

Et tu t’demandes pourquoi je marche

Quand tu marches

Quand tu sais pourquoi

T’as l’impression de voler

Quand tu marches

T’oublies toutes tes pensées

Quand tu marches

Tu rumines toutes tes pensées

Quand tu marches

Quand tes pieds sont lourds

Tu t’enterres

Quand tu marches

Quand ta tête est lourde

Tu rêves d’avoir des ailes

Quand tu marches

La tête légère

Tu traverses les nuages

Quand tu marches

Et qu’t’aimerais nager

T’attends la pluie

Quand tu marches

Dans le désert

Tu pries les étoiles

Quand tu marches

Pour t’reposer

Un ange marche pour toi

Et te prend dans ses bras

Quand tu marches

Comptes-tu tes pas marcheur

De ta naissance à ta mort

Quand tu marches

Un pied déjà à trépas

Tu songes à l’éternité

Quand tu marches

Éclairé par tes ampoules

Tu t’prends pour un saint

Quand tu marches

Dans la nuit obscure

Tu l’éclaires

Quand tu marches

Bourré d’incertitudes

Crois vraiment en la lune

Quand tu marches

Jusqu’à l’usure de tes semelles

Espère des sandales plus belles

Quand tu marches

Sans réfléchir

Tu t’donnes enfin ce temps d’accueillir la vie

Quand tu marches

Parce que tu peux plus t’arrêter de marcher

Une force invisible au lointain t’appelle

Quand tu marches

Et qu’toutes tes chaussures sont usées

T’es bien embêté

Quand tu marches

Avec la dernière paire qui prend l’eau

C’est vraiment qu’t’es au bout du rouleau

Quand tu marches

Les pieds trempés

Pense à construire ton radeau

Quand tu marches

Dans le déluge

Quand tu marches

Sur les braises

Quand tu marches

Et qu’tu voudrais qu’tout s’apaise

Quand tu marches

Pour fuire

Quand tu marches

Pour t’enfuire

Quand tu marches

Vers un autre monde

Quand tu marches

Seul dans la foule

Quand tu marches

Main dans la main

Avec toi-même

Quand tu marches

Main dans la main

Avec l’être que tu aimes

Quand tu marches

Ne t’arrête pas

Quand tu marches

Sur un fil

Ne le coupe pas

Quand tu marches

Sois un aigle

Ou un dromadaire

Quand tu marches

Sois nomade

Sédentaire

Quand tu marches

Suis les mères du désert

Quand tu marches

A travers les forêts de Brocéliande

Sois ta propre légende

Pèlerin fou d’amour

Ta marche sera ton nouveau jour

Thierry Rousse
Nantes, lundi 21 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Jeu d’enfants ou jeu de grands (1) – Le chat et la souris

Une vie parmi des milliards

Le chat et la souris

Règles du jeu

Le chat attrape la souris

Et quand la souris est attrapée

La souris devient chat

La règle est simple

Suffit de l’appliquer

A la ligne blanche

Un jeu d’enfants

Est-ce ce modèle

Qu’on veut t’enseigner

Afin de vivre en société

Être le chat ou la souris

Choisis ton camp

Maître Chat

Ou soumise Souris

Être belle et rebelle

Te laisser prendre pour être chat

Et acquérir le pouvoir

D’attraper tes semblables souris

Ou bien rester

Dans ton quartier

Toujours souris

Toute ta vie

Au risque d’être prise

Par Maître Chat

Affamé de sourires

Jeu cruel

Pour le plaisir

Le chat est bien portant

Et son enjeu important

La compétition

Dans la cour

Est commencée

Chat ou Souris

Si t’es nommé.e Souris

Ou si tu choisis de sourire

Sache que tu vis déjà

Dans la menace d’un chat

Et que ta vie sera toujours combat

Pour rester toi

Ou être chat

A moins

Que le chat coupé

Peut être ne te sauve

Si une autre souris

Passe entre lui et toi

Il te laissera volontiers libre

Sauvage courir par les prés

Pour suivre sa nouvelle proie

A moins que le chat perché ne te sauve

Si tu trouves montagne ou un toit

Où grimper

Sache que ta liberté n’est qu’éphémère

Il t’faudra pourtant un jour

Redescendre sur la terre

Au risque d’être jetée à terre

A moins que le chat blessé ne te sauve

Si souris t’es attrapée

Tu t’retrouves chat handicapé

Bien en peine d’attraper une souris vive

A moins que l’chat baissé

Soit la bonne réponse

A toutes nos grandes questions métaphysiques

Y’a qu’à comme c’est écrit

Te baisser

T’abaisser Souris

Et Chat ne pourra plus te toucher

Te voici donc soulagée

Dans ces bas-fonds utopiques

Tu souris épargnée ma Souris

Tu t’es sauvée de Maître Chat

Sous ce pont féerique

Dans la sobriété heureuse

Tu resteras Souris

Toute ta vie courbée

Rebelle et insoumise dans le cœur

Retiens-ça une bonne fois par choeur

T’as rien à craindre

Si tu restes

Plus petite

Que Maître Chat

Est-ce à la fin de ce conte d’autrefois

Une leçon à retenir

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Chat ou Souris

Qu’il ne soit qu’un jeu pour de rire

A moins que les règles ne changent

Qu’un nouveau monde ne commence

Et si la souris attrapait le chat

Et si le chat devenait souris

Et bien souris le chat

C’est moi petite souris

Par l’infime trou que voici

Tu vois un peu c’que l’humanité

Pourrait faire de nous

Une grille d’aération

Un jardin de récréation

P’t’être bien une cour d’éducation

Simplement ne plus nous mettre à genoux

Face à leur raison être un peu fous

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Le chat et la souris

Deux humains philosophes

Une nuit

De cette farce ont bien ri

Dans un baiser

Dans un souffle

Un murmure

Par delà les murs

Ils se sont dit

Attrape-moi

Et tiens-moi la main

A deux

Toi et moi

Nous pouvons refaire demain

Chat et Souris

Amis toujours pour la vie

Jeu d’enfants ou jeu de grands

Faut bien tricher un peu

Rester toujours un coeur aimant

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 20 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”