La pluie d’Amphitrite

Il pleuvait. Encore. Il pleuvait au milieu de l’été. Sur Nantes comme ailleurs. Des larmes de ciel bleu. Chaleur écrasante. Vent. Nuages noirs. Pluie. Fraîcheur. Nuages gris. Nuages blancs. Nuit. Quelques bribes de nouvelles apparues sur l’écran de mon smartphone. L’actualité me rattrapait. Je courrais. Pas suffisamment vite peut-être. Dans d’autres contrées, des forêts  s’embrasaient du fait de la canicule. Les mots m’encerclaient. On me parlait de la Grèce, de la Tunisie, avant, du Canada. Et encore ? Deux villes où il n’était plus possible de vivre. J’avais oublié leurs noms. L’oubli. Fallait-il oublier?  Tout oublier? Ou tout retenir ? Le monde me submergeait, couche après couche, entre le réchauffement climatique, l’arrivée du Delta Plane, les menaces terroristes, le « Pass » sanitaire, ce protocole dernier-né, dernier cri, nous contraignant peu à peu à nous faire piquer. La couche était pleine. Le bébé hurlait. Qui voulait bien s’occuper de lui ? Quelle sage-femme ? Quel sage-homme ? Un dieu peut-être ? Ou, une déesse ?

J’enquêtais sur les bienfaits et les dangers du vaccin. Les témoignages abondaient dans un sens comme dans un autre. J’étais stupéfait de constater avec quelle virulence, quel mépris, certains vaccinés convaincus par les bienfaits du vaccin s’en prenaient aux hésitants ou aux convaincus des dangers de celui-ci. Stupéfaction et tristesse au milieu d’un champ de guerre. Je regardais la Lune. La Lune à portée de mes mains, la Lune à portée de mon coeur avait toujours au fond de mes yeux ce charme secret, la tendresse d’une caresse que je désirais atteindre. Sitôt sur la Lune à la vitesse Lumière des déceptions et des désillusions, je contemplais avec nostalgie la Terre. Qu’elle était belle cette Terre, abondante de vie, qu’en avons-nous fait ? Je retournais sur ce globe, l’orange bleue des poétesses. Quel était mon rôle de père ? Quelle était ma mission? Petit être éphémère entre deux roses trémières qui pouvait à tout instant disparaître comme un escargot écrasé sous le poids de l’ignorance ?

Marcher encore un pied devant l’autre sur la ligne verte des hommes et des femmes. La revue « Kaizen » me redonnait quelque espoir en l’humanité. Des femmes et des hommes. Des femmes. Des mères. Car, il nous fallait bien encore un peu d’espoir pour nous enlacer et enfanter la vie. Un peu d’espoir sous la pluie qui se brisait sur ma vitre. Et encore ?

Hugo Schiavi sur la Place Royale soudait la ruine, vestiges d’une civilisation victime de ses désirs inassouvis, infinis. Une civilisation rouillée de sa croissance industrielle qui se fracassait contre les corps robustes et sveltes des dieux. Amphitrite, déesse de la mer, avait le dernier mot de ces marins perdus, ivres de conquête, de pouvoir et d’argent. L’eau reprenait sa place. L’eau, mère de la vie, traversait ces lambeaux de ferraille.

Je marchais sur une plage et je me sentais revivre. Un ciel bleu de douceurs. Caresses des grains de sable et de l’écume des vagues. J’en oubliais la laideur du béton pour ne songer qu’à tes yeux. Un reflet d’étoiles. Je tombais d’envies. Une envie de glaces. Regarder la beauté. La savourer. La beauté pure d’une goutte d’eau. L’étoile de mer me souriait. « Pour toi, je suis tombée du ciel ». Déluge d’amour. Port de deux mains réunies.

Il pleuvait. Il pleuvait. Tout ce que la Terre avait à nous dire. « Homme fou, qu’as-tu fait de ce que je t’ai offert, l’alliance de mon baiser? ». J’embrassais les pieds nus d’Amphitrite. « Pardonne-moi, ô, ma mer, toi qui m’as bercé, dorloté, nourri, abreuvé de ton sein délicieux ! ».

Un nouveau test PCR pour être en règle, un goût amer, en règle avec une société dérèglée. Je retournais à mes rêves, la Lune, qui fut jadis une Terre.

Voyage dans le lit d’Amphitrite. Retour aux songes antiques.

Et encore?

A la quête du bonheur…

 

Thierry Rousse

Nantes, mardi 3 août 2021

« A la quête du bonheur »

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