“J’voudrais faire un slam
Pour une grande dame
Qui m’connait
Depuis qu’j’suis tout petit”
Hé
Bravo
Grand Corps Malade
J’t’ai reconnu
C’est pas lui
Dit l’arbitre
Grand Corps Malade
Il a une canne
Bon d’accord
J’recommence
Avec une canne cette fois-ci
J’voudrais faire un slam
Pour une grande dame
Qui m’connait
Pas encore
Pas accepté
Plagiat
M’dit l’arbitre
J’retourne à ma case départ tout penaud
J’suis cette fois-ci bel et bien disqualifié
J’regagne le coin du mur
Ma place bien au chaud
Avec ma canne brisée
Désolé
Ça commence comme ça
Sur la touche d’un bar
Le slam
Un jeu de dés
Ou
Un match où il faut gagner
S’affirmer dans toute la mêlée
Comme au foot
Tu t’souviens
Hé
T’étais pas Platini ni Rocheteau
Et tu seras pas Grand Corps Malade non plus
Avec ou sans ta canne
C’était pourtant bien joué p’tit
Reprendre le tube de ton boss
Mais c’est les bosses de ta caboche
Qu’on veut entendre
Même si les mots des autres
Te paraissent d’élégants carrosses
Bien plus beaux que tes roulottes
Bien meilleurs que tes refrains
C’est tes lettres venues d’ici
Pas d’ailleurs
Aujourd’hui
Pas demain
Qu’on veut lire sur tes lèvres blessées
Tes correspondances au fond si tendre d’artichaut
C’est par leur langue maladroite
Trébuchante
Qu’tu vas renaître
Par ta plume fragile
Par ton écran tactile
Qu’tu vas reprendre ta vie en main
Cesser d’être cet éternel bancal remplaçant
Tu sais
C’est pas si difficile
D’avoir la tête en l’air
Et mille pieds sous terre
Y’a qu’à t’la raconter
Comme un monument historique
Ta vie
Ta canne de paroles t’aidera dans ce périple
Te dire en plusieurs exemplaires
Que t’es le seul être unique ici
Ou pas
Là où là-dedans
C’est bien trop rempli
Peut-être la galère
De tes nuits solitaires
Là où des accords de blues
Faut qu’ça sorte
Les coups d’encre
Les jets d’rires
Les boules de rage
Les pavés de rêves
Car c’est d’abord ton chemin bleu entre tes dunes
Qui touchera peut-être une nuit un coeur de fée
Et ton regard vert au ralenti sur toutes ces autoroutes levant ta canne
Car c’est d’abord toi et tes mots
Qu’on veut goûter au comptoir
Puis comment tu les dis
Tes vers en déroute
L’odyssée d’un chœur qui boîte
Peut-être savourer chacune de tes voix
Là où ça s’accélère
Là où ça ralentit
Là où ça grimpe tout là-haut
Sur des cimes déjà fondues
Pointe un peu ta canne
Ce trop plein émotif
Faut qu’ça sorte
Faut ça jaillisse
Comme des rafales de pluie
Des morceaux de terre qui tremblent
Qu’ça redescende
Par des cascades de rus
Des bosses aux creux
Où tout s’apaise
Où les silences confondus
Se font fenêtres
Entre les éclairs de ton déluge
Un lac si paisible
Où dansent entre les signes les cannes
Où tu connais enfin tes mots par coeur
Sur le bout d’ton coeur
Là où ils sont encore nus
Dans la mémoire de ton corps
Là où tous tes efforts
Liés à toutes les contraintes de l’apprentissage
T’enseigneront la liberté
Faire danser tes mots de passage
Une vraie rééducation pour une canne
A travers les scènes ouvertes ou pas
C’est p’t’être là aussi
Qu’ça peut déraper
Quand tu finis peut-être
Par acquérir un brin d’notoriété
Qu t’joues ta star écorchée
Qu’tu rentres dans le clan
Des grands Baudelaire
Qu’tu t’es trouvé ton pseudo
Dans les tournois
D’ces chevaliers poètes
Prenant ta canne pour une lance
Là où y’a émulsion
Compétition
C’est quoi
Dis-moi
Qu’tu vises alors
Plus qu’une libération
Gagner les coeurs
Ou un trophée
Le show-biz des mots
Tous ces micros
Qui reflètent tes égo
Vois qui s’entretient à la pause
Les p’tits cercles des élites
Qu’t’approches
Par tes p’tits pas audacieux
Hé
Tu gagnes des grades fiston
Le droit d’approcher leurs cieux
Peut-être
Un jour
Qui sait
T’auras
L’permis
D’entrer
Au zénith
Des Grand Corps Malade
Mais dis-moi
Que c’est pas I.A.
Qu’écrit tes textes
Ou c’est I. A
L’intelligence artificielle
Qui s’introduirait dans tes arc-en-ciel
Tu veux que j’te dise
Laisse tomber le show-biz des mots
Fais plutôt la bise à la serveuse
I.A. est déjà envieuse
De ta canne
Parle-lui
Dis-lui quelques mots
J’ai fait un slam
Pour les gens ordinaires
Qui aiment tout simplement
Boire un verre
Et glisser quelques vers
A la maison des utopies
Avant qu’ça dérape sur la glace
Rends-moi ma canne
Thierry Rousse
Nantes, jeudi 21 novembre 2024
"Une vie parmi des milliards"