Temps entre deux

Ciel bleu soleil vent pluie chaleur

Grisaille froid bourrasque pâleur

Les dessins animés de ta journée

Nous pouvions avoir tout ça mixé

Temps entre deux ce genre bipolaire

Temps entre deux ne savais plus quoi faire

Hiver ou été comment te vêtir

Tu ne savais plus à quoi t’en tenir

Quoi ? Ce que tu ferais aujourd’hui

Bronzette sur l’île ou lecture au lit ?

Ciel bleu soleil vent pluie chaleur

Grisaille froid bourrasque pâleur

Les dessins animés de ta journée

Nous pouvions avoir tout ça créé

Temps entre deux ce genre bipolaire

Temps entre deux vraiment quelle galère

Tu trimballais partout ton sac à dos

Plein à craquer les degrés au plus haut

Parce qu’une heure après, ça pouvait être

Vent d’hiver et ton pull over à mettre

Dingue il te manquait plus que le verglas

Qui avait déréglé le thermostat

Qui, toi au nord, toi au sud, toi à l’est

Non le coupable c’est toi à l’ouest

Au centre à l’abri on s’mouille pas

J’vais pas réparer c’foutu thermostat

Ce dragon serpentant dans l’océan

Crachant son sel brûlant dans les courants

Ciel bleu soleil vent pluie chaleur

Grisaille froid bourrasque pâleur

Les dessins animés de ta journée

Nous pouvions revoir tout ça brûler

Temps entre deux ce genre bipolaire

Temps entre deux tu voulais changer d’air

Malins nous inventions les dieux

Et des vents, et de la terre, et des mers

Pour nous laver les mains et les yeux

De nos guerres et nos égos amers

C’était plus facile de nous en prendre

A l’autre qu’à nous-mêmes, pas nous rendre

A l’évidence : poursuivre ainsi

N’avait plus de sens pour notre survie

Ciel bleu soleil vent pluie chaleur

Grisaille froid bourrasque pâleur

Les dessins animés de ta journée

Nous pouvions vouloir tout ça jeter

Temps entre deux ce genre bipolaire

Temps entre deux terminer cette affaire

Désirons l’éternité,  NO soucis

Cessons d’éventrer l’ventre de la vie

Sur les scènes de Nantes au Québec

Nous ouvrirons, et haut, et fort, nos becs

Cessons de consommer sans fin la terre

Slamons au naturel à découvert

Ciel bleu soleil vent pluie chaleur

Grisaille froid bourrasque pâleur

Les dessins animés de ta journée

Nous pouvions avoir tout ça réglé .

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 19 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"

C’est gratuit

C’était le grand soir

Le soir de la panne

Fallait bien que ça arrive

Ton stylo tarissait de désolation dans son miroir

De l’autre côté sur l’autre rive

S’étaient fermées les vannes

Toujours garder le rythme

Tu t’étais lancé ce défi

Un texte par jour écrit

Guetter dès l’aube l’inspiration

Ou au soleil couchant les constellations

Prendre de l’avance plein de mots dans ton sac

Pour une journée paisible dans ton hamac

T’avais tout pioché ces derniers jours le moindre rebond

Jusqu’aux textes les plus courts

Et cette fois-ci tu t’retrouvais à tourner en rond

Enfermé dans une cour

Rien qui venait dans tes pensées

Pas un mot qui glissait qu’une idée qui frappait dans la butée

L’heure n’était pas à compter tes pieds

Tu voulais juste être de ce trou noir délivré

Mais rien pas un chat

Rien qu’un long tralala

Juste rester serein ou pâlir

Juste la vie ordinaire l’accueillir

Partir au Badeya

Pêcher un amour fraternel

Sur la Côte d ‘Ivoire

La vie ordinaire finirait bien à toi par s’offrir

Quelques mots qui te feraient repartir

Un SMS reçu sur ton écran

Et ce noeud qui te tordait au dedans

Et cette envie de l’écrire

Pour le dénouer

Ne plus avoir à en souffrir

Qu’importaient les rimes faciles

Entre elles embrassées

L’écriture était un bien fragile

Bien sûr

C’est gratuit

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit mon loyer

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit l’acte de me nourrir

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit l’abonnement

A ma téléphonie

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit l’abonnement

A mon internet qui nous relie

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit

L’assurance de ma Peugeot

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit le coût du gazoil ou d’un billet de train

Bien sûr

C’est gratuit

C’est gratuit

C’est gratuit

C’est gratuit

Comme est gratuit un café ou une bière dans un café ou dans une bière

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit un pain ou un croissant chez un boulanger

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit un poulet frites au snack frites du quartier

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit un livre dans une librairie

Bien sûr

C’est gratuit

Comme est gratuit un pantalon dans une boutique de prêt à porter

Bien sûr

C’est gratuit

Bien sûr

Tout est gratuit

Tout est gratuit

Et c’est dans ce monde tout gratuit où tu vis

Dis-moi

Toi l’homme du nouveau monde

Quand tu réponds par SMS

A ma proposition d’atelier clown

Intéressant

Mais rassure-moi

Bien sûr

C’est gratuit

J’aurais bien dit oui à ton point d’interrogation

Si tout ce que je payais était gratuit

Je t’aurais bien dit oui à ton envie

Si je n’avais pas fait ce choix depuis douze ans

Vivre essentiellement de l’enseignement et de la création artistique

Je savais

J’avais donné

Nombre de prophètes comme toi

Avaient à cœur de rassembler

D’innover

De promouvoir

De sensibiliser

De faire connaître leur nouveau monde

Par le biais d’animations gratuites

Un portail fort attrayant qui attirait tous ces êtres en quête de sens

Ces prophètes s’étaient-ils vraiment posés la question de la gratuité

Le monde de la gratuité était envisageable sous la condition où tout était gratuit, où tout reposait sur un mode d’échanges de savoir-faire, de biens, de services équitables …

Cette faisabilité était complexe, et l’argent matériel puis numérique était venu résoudre la complexité voire l’impossibilité de la chose

Alors

Ce soir

Tout était gratuit

Point d’interrogation

Ou de suspension

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 18 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"

Un Kerouac et quoi d’autre

Est-ce qu’il y avait en

Chacun de nos êtres

Un Kerouac

L’appel à partir presque disparaître

Partir pour vivre une nouvelle vie

Déployer nos ailes d’oiseaux insoumis

L’appel de l’ouest

Le grand jour

Qui vient toujours

Des froideurs de l’est

Un Kerouac sans même l’avoir vu

Un Kerouac et l’avoir toujours entendu

Un Kerouac

Un breton

Un américain pour de bon

Qu’en savais tu

Pas vu

Dans tes leçons

Un Inconnu au bataillon

Que son nom

Attendre cinquante sept ans

Sur un étagère

Un soir de pluie chez Marguerite

La tête en l’air

Près des vieux bouquins interdits

Pour découvrir

La Beat génération

Totale libération

Quelque part en apesanteur dans l’univers

Croiser

Enfin

Kerouac l’alcoolique

Qu’avait-il de si puissant

Emblématique

Ce Kerouac

Ce rouquin

L’air d’une relique sacrée

Ou d’un paumé vraiment paumé

Son corps et son âme ne faisaient-ils qu’un

Errant jusqu’au bout du monde

De ses précipices amers

Explorées par ses sondes

Tu avais ton Kerouac

Ton petit Kerouac

Et ton Dead depuis longtemps

Sans le savoir vraiment pourtant

Quelques temps après

Ton plus grand des regrets

La disparition de ta maman

Vers l’âge de vingt sept ans

Dean était Lolo dans ton roman

Lolo le lorrain avait déjà bien trinqué dans sa vie

Un beau père complètement indifférent à lui

Et sa petite amie qui venait d’avorter à Nancy

Lolo n’aurait pas d’elle son enfant désiré

Lolo s’accrochait au bar de Melun seul et paumé

Il entrait à la nuit tombée dans un pub irlandais

Et t’entraînait dans les paradis des trains sans arrêt

Wagons des coeurs brisés

Esseulés

En quête de tendresse

Et d’ivresse

Un p’tit tour

Et tant d’autres pour oublier le jour

Des tourbillons de verres vaste palette

Jusqu’au retentissement de la clochette

Du White Horse

Le dernier verre

Triplette

Et pipelette

Dernière heure

D’un cheval blanc achevé les quatre fers en l’air

Un jet 27 cul sec

Pour tourbillonner dans le précipice des étoiles

Crinière au vent

Far west

Des billards

Des flippers

Les yeux flippés égarés dans le brouillard du petit matin même pas peur

Le vieux cheval titubant

Partait

Fuyait

Ses larmes salées d’épouvantes

Dame blanche

De Meule de foin

A

Souppes-sur-Loing

Un p’tit tour les copains

A travers la forêt

Les sombres marais

Un cubi de vie sanguinolente

Et tant d’autres

Jusqu’à l’ivresse assommante

Le dernier verre ballon d’argent

Le cheval vert du Pmu gagnant

Qui des deux toquards emporterait la course des obstacles

La folle course de l’oubli

Toi Marcel la tête dans le ciel

Ou Lolo le lorrain

Le coeur encore à Nancy

Pouvais-tu échapper à

Ta tristesse

Pensais-tu trouver la perle rare sur un chemin d’errances

De la soupe à l’oignon

Au p’tit matin

A

Château-Landon

Au lendemain

Qu’un pas pour les victorieux

Encore debout

Leurs désirs titubants

Sur la rage

Écorchée vive

De Marlène

Les cœurs qui saignent

Dans un Whisky coca glaçons

Une Vodka

A l’herbe de bison

Appels des pieds sous une table

Partir

Partir vers l’ouest

L’ouest était toujours au sud

Dans la brume des nuits blanches

Des indiens

Après ton Dean

Il y avait Joe

Il y avait Marlène

Kerouac se multipliait à l’infini

Miroirs des fêtes foraines

Labyrinthe du Palais des Glaces

Qui disait

Nous rêvions tous dans nos solitudes

Du grand huit de l’ouest

La ruée du Désordre

Goûter à tous les plaisirs défendus

Jusqu’au bâton

Lécher le nectar de l’envie

Woodstock again

Marcher de travers

Chanter dans les rues

Dégainer vos fous rires

Clamer que ces rues sont à nous

Et que les voitures cabossées

Avaient bien assez des trottoirs

Pour s’éteindre dans le noir

Que les lumières étaient en nous

Des réverbères sur la lune

Des petits princes et des roses

O Paname des amoureux

Virées mémorables

Dans les recoins obscurs de la Bastille

Sous les pavés

Encore la plage

Qui nous tient

Vous réveiller sur les falaises d’Étretat

Au p’tit matin

De vos lendemains

D’errances

Fin du manège

Tu entendais les cris des mouettes

La mer était en fête

Un ciel si bleu

Presque pur

Allez

Ton copain t’appelle

Un dernier p’tit tour

Un Muscadet pour les huîtres

Une chope de bière pour les moules-frites

Ultimes aventures

Du Luxembourg

A la

Descente de l’Ardèche

Canoë de la grande chevauchée

Les plus beaux hôtels

Les plus grands restaurants

Caviar et champagne

Au guide Michelin

Ne plus compter

Claquer ce qu’il te restait

La grande vie des vauriens

Le commencement de la dèche

Des interdits bancaires

Oublier l’absence

Ramer dans la galère

Escalader à mains nues les falaises écorchées

Te restait-t-il encore de l’essence au-moins

Ton cœur était en panne d’amour à sec

Perdu dans les tourbillons ascentionnels

De la jouissance

De la souffrance

Derniers espoirs

Avec Kerouac

Cap sur Barcelone

Changer de langue

Changer d’auberge

Tu gambergeais

Marcel

De cet amour à trois inattendu

Qui serait le roi et la reine

Élixir de la grande Chartreuse monastique

Lolo rigolait de ce trio infernal Joe Marlène et leurs chimères

Un p’tit tour

Et les cœurs saignent

A l’enseigne des Noir Désir

Dans les taxis

Ou

Brillent les yeux de la nuit

Sous les tangos argentins

Pas chassés enlacés endiablés

Serais-tu un brin libertin

Dans les bains romains

Ou pèlerin

Tu chantonnes

Sur la route de Barcelone

Erreur de trajectoire

Ce n’était pas François

C’etait finalement Capdevielle

Qui vous accompagnait dans la traversée des Pyrénées

Et faisait causette

Le politiquement incorrect

Disparu brutalement du show-biz

Il te restait ses mots sur une cassette audio-

Y a toujours un carillon qui résonne (1)

Au-dessus du port de Barcelone

Même si son air est monotone

Il peut pas chanter pour personne”

Filer dans l’espoir de ce carillon

La femme rêvée au bout qui t’attend

Dans le port de Barcelone

A fond le poste

Vous saouler de musiques et paroles

Faire le plein de Whisky détaxé

Et franchir à toute allure les Pyrénées

Traverser les combats de la liberté

Franco était ratatiné

Cracher sur les dictatures

Et vous poser

Dans un dernier hôtel

Sur la baie de la Méditerranée

Le bout d’une route

De lacets

Derniers sous de vos poches percées

Longue plage de sable doré

Et drôle de cathédrale jamais finie

Dressée désespérément vers les anges du ciel

Soudain

Tu as la dalle

Tapas à toute heure

T’as pas un peu de monnaie copain

Maintenant

Boire

Et

Danser

Sous les étoiles tombées

Au fond d’un bar louche

Qui faisait discothèque

Les plus grands musiciens

Dans l’une de ces ruelles

S’ y étaient cachés

Dans les lueurs de Barcelone

Des carillons qui résonnent

Trop fiers pour faire la quête

On a tous un p’tit Kerouac en nous

Qui dure le temps d’un deuil

Le temps d’une liberté

Jusqu’à l’épuisement

L’effondrement

La fin d’un livre

Déchiré

D’accord

Rien à voir avec la traversée de l’Amérique

Juste une traversée de toi-même

Du nord au sud de la France

Juste ce que tu avais désiré

Une simple expérience

Pour perdre ta peine

Mais oublie-t-on vraiment le passé

Dans le fond du gouffre

A découvert

Au bout d’un fil coupé

Tout serait à reconstruire

A ton retour vidé

Reconstituer le puzzle d’une jeunesse morcelée abîmée éventrée

Passent l’été et ses liesses

Le début d’un hiver solitaire

Paradis et enfer

Définitivement fermer ta porte

A toutes ces errances qui rimaient avec déchéance

Que te restait-t-il de cette aventure

Comment dépenser en un mois

Tout ton héritage

Des vaille que vaille

Qui te menaient sur la paille

Que te restait-t-il de Kerouac

“Sur la route” sinueuse des pages jaunies

L’alcool et les filles

A consommer au comptoir

La Beat génération

L’espoir du désespoir

La Beat génération celle qui écrit avec sa bitte

Et quelques brefs éclairs de poésie

La traversée d’une Amérique colonisée

D’est en ouest

D’ouest en est

Était-ce une vie

Toujours repartir

A la quête de quoi

Vivre

Ou fuire ton ennui

Vivre

Ou suivre

Ce frère maudit l’esprit alerte

Qui t’attirait vers sa perte

Le quitter

Comme Kerouac avait quitté un beau matin Dean

Alors

Un Kerouac et quoi d’autre

Te mettre à l’eau pure des montagnes

Renaître à ton esprit libre

Serais-tu au fond un brin écolo mon ami Kerouac

Plutôt qu’un alcoolo

Toi qui rêvais de quitter New-York

A l’appel du printemps

Irrésistiblement attiré vers les terres du New Jersey

Tu espérais cette fin

En cette quatrième partie de billard

Une autre Amérique

La vérité au Mexique

Dean ne t’avait pas au fond lâché

Ni toi

Tu diras

Quoi

Au mets

Final

Qui comprendra ce que nous avons vécu

Du désastre de nos idéaux

Du fracas de nos mots

Qui verra le coin déchiré de nos photos

Existera-t-il encore des théâtres

Des lieux uniques

Pour porter la force de nos mots

Tu verras à la fin de ton périple

Une autre humanité

Celle qui nous précédait

Celle qu’on avait violée

Vidée

Délogée

Déracinée

Expulsée

Enfermée

Tu voyais

Dans une révélation

Sur ta route

Les indiens fellahs

La ligne équatoriale de l’univers

Tous leurs visages

Toutes leurs terres traverser ton âme

Malaisie

Bali

Inde

Arabie

Maroc

Mexique

Polynésie

Qu’avions-nous fait de leurs vies

Le sang des colons impunément répandu

Coulait encore sur les doigts de notre orgueil imbu

Le rêve indien de Kerouac n’avait été qu’éphémère

Les filles revenaient aussitôt sur le tapis

Allons se faire des filles dans les bordels du Mexique ou d’Afrique

Tu lançais à Dean

Rien que l’expression

Se faire des filles

Ferait bondir aujourd’hui

La plupart des féministes

La Beat génération portait décidément bien son nom hélas

Une génération d’hommes dépravés

Qui ne voyaient qu’en la femme l’objet de leur jouissance

L’accomplissement de leurs fantasmes

L’assouvissement de leurs besoins

Le territoire de leurs conquêtes

Ces cow-boy au revolver en manque

Ne considéraient les femmes qu’au seul rang de simples corps apaisant leurs pulsions sexuelles

Des putes

Des poules

Et un peu plus romantiques

Des filles

Des gamines

Des mignonnes

Des courtisanes

Des copines

Le but au final

Était semblable

Les quelques préliminaires d’usage accomplis

Les allonger aussitôt sur un lit propre ou sali

Et les pénétrer de tous les coups dans tous les sens

De leur phallus tout-puissant

Qui des deux corps pénétrés prenait vraiment du plaisir

Le cow-boy

Ou l’indienne

La musique couvrait leurs cris

Au Mexique

Rue Saint-Denis et partout ailleurs

Rue du commerce des filles

De la chaleur de la sueur et des pleurs

Le narrateur jouissant librement de ses corps à peine majeurs osait exprimer son entière compassion

Quinze ans

Seize ans

Dix huit ans

Le choix était offert aux clients

Comme un menu alléchant

Un pur divertissement

Tu osais alors lui dire

Pauvre fille du Venezuela

En arriver là dans mes bras

Pour quelques billets

Que puis-je pour toi

Le mal était déjà fait

Cow-boy

Tu avais souillé de ton plaisir son jeune corps innocent

Elle avait beau le frotter encore et encore

Les blessures de son coeur resteraient gravés

Comme un tatouage pour l’éternité

Elle se noyait dans l’alcool et la drogue pour oublier son corps

Elle flottait à sa surface comme un ange

Avait pitié de toi ou te haïssait

L’ivresse la faisait basculer dans ton monde superficiel

Toi le cow-boy du Farwest

Qui ne pensais décidément jusqu’à la fin du voyage qu’au sexe

Remontant dans son catalogue jusqu’au plus jeune âge

Visitant toutes les cabines du monde pour te satisfaire

Ton « tu » à peine s’était confondu d’excuses

Keyrouac et quoi d’autre

Écrivain

De tous ces moments où l’autre n’était presque rien

Que le prolongement de tes pensées

Tu t’étais perdu dans un bain de jouvence

Entre âmes

Délivrées

Eprouvées

Y prônais-tu la totale liberté du sexe fort

Ou voulais-tu en montrer là toute sa déchéance

Une histoire de pesos

Une histoire de dollars

De monnaie faible

De monnaie forte

Les bourses

Où tout s’achète

Où tout se vend

Le libéralisme dans toute sa splendeur

Tous ces isme

Tous ces schismes du marché

Mettant l’amour de côté

Action

Inflation

Consommation

Production

C’est combien

L’amour

Dans une chambre

Une voiture

Une cabine

Ou

Derrière les cactus

Les fougères

Les pins

Les montagnes

En pleine nature

Serais-tu vraiment un brin écolo mon ami Kerouac

Ou complètement accro

De l’autre côté de la frontière

Au Mexique

Cow-boy new-yorkais

Là où tous tes sens t’excitent

Ferais-tu de la misère ta fortune

Caressant toutes les lunes

Des plus belles au plus moches

Seulement guidé par ton instinct bestial

Flairant la proie facile et fragile

Que tu séduirais par ta voix agile

Cow-boy

Ton âme était servie

Entre

Ceux qui te louaient des filles

Ceux qui te vendaient des crucifix

Du haschisch de l’héroïne ou de la coke

Bienvenue au Mexique

L’amour en stock

Tu connaissais la musique

Tu t’élevais ravi au septième ciel

En de sempiternelles chapelles

Génération des viandards

De bons rosbeefs saignants

Tout était consommé

Consumé

Avais-tu fait partie Marcel de cette génération

Qui se justifiait en disant

C’était une époque où tout était permis

La littérature passait avant la morale

La vie n’était qu’une expérience

L’expérience était-elle vraiment finie

Depuis Hiroshima mon amour

Comment décimer les derniers survivants de Gaïa

Tourner le bouton du radiateur

Laisser monter la température

Décapiter les arbres

Apprivoiser les pangolins

Répandre les épidémies

Comme une armée de Mongolie

Comme une menace redoutable

On s’amusait bien sous les tables

Mexico

Tu n’etais jamais descendu si haut .

Cinquième partie

Pour te tendre une main

Bohémien

Rien

Qu’une fin

Qui ressemblait au début

Est-ce qu’il y avait en

Chacun de nos êtres

Un Kerouac

L’appel à partir presque disparaître

Partir pour vivre une nouvelle vie

Déployer nos ailes d’oiseaux insoumis

Je compris que j’étais mort et revenu à la vie un nombre indéterminé de fois” (2).

Thierry Rousse
Nantes, mardi 16 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"
(1) Jean-Patrick Capdevielle, " Barcelone"– (2) Jack Kerouac, "Sur la route", Gallimard

Je ne suis pas donc je suis

Au début haut débit

Ce poème au fond toute ma vie

M’avait toujours accompagné

Même au long de ces calmes soirs

Peut-être où j’avais perdu tout espoir

Où je me sentais vraiment vraiment fatigué

Te dire à cette heure ici qui je ne suis pas

Pour te dire au présent qui je suis là

Je ne suis pas une vie logique (1)

Je ne suis pas une table arithmétique

Je suis le fruit d’un mystère

Je suis né de la terre

Je ne suis pas tendance, évidence

Je suis temps, danse, errance

Je ne suis pas pressé, calibré, policier

Je suis monde, vagabond, liberté

Je ne suis pas une parodie

Je suis le cri de la vie

Je ne suis pas une certitude

Je suis, j’écris ma solitude

Je suis devenu un mythe

Je suis un sens illogique

Je suis la naissance de la mort

Je suis l’oeil qui s’endort

Je suis mon dernier repos face à la mer

Je ne suis pas infidèle, je retourne à la terre.

Je ne suis pas

Donc

Je suis.

Thierry Rousse
Nantes, lundi 15 avril 2024
(1) Poème "Je ne suis pas" paru dans l'ouvrage collectif "O Débu" ( Atelier d'écriture animé par Stéphanie Fouquet ), 2002.

Un été en avril

Cinq mois de pluie

Quasiment sans répit

Cinq mois de tempêtes à répétitions

Et là

Soudain

Un samedi treize avril deux mille vingt quatre

Une chaleur estivale

Te tombait sur le crâne

Chance ou malchance

D’un réchauffement climatique

Chance ou malchance

D’un dérèglement mondial

Chance ou malchance

D’une zone désertique

Ou d’un oassis

Autour de la cabane

Aux cornets de glace fondue

Les corps un à un épanouis

Se dévêtissaient

Enfin délivrés

De leur prison

Leurs doigts de pied pouvaient tranquillement se délasser

Faire causette

S’enlacer au soleil

Sur les terrasses de la ville

Boire leurs pintes de bière

Jusqu’à s’aimer sur l’herbe tendre d’un printemps

Le coq tout excité chantait pour leurs orteils

Quelques airs de liberté

C’était le retour des amours

Des parterres de pâquerettes

Et tu avais envie d’écrire ce jour

Sur ton cahier

Rien qu’à l’oreille

A l’ombre

Au bord de l’eau

Sous les séquoïa

Ces quelques mots

On va au champ de tirs

Non pas aujourd’hui

Pas aujourd’hui

Pas aujourd’hui envie de faire la guerre

Pas aujourd’hui juste la sieste

Juste faire la sieste aujourd’hui

Juste écouter le chant des oiseaux

Juste ça aujourd’hui

Le chant des oiseaux

Ou le chant de l’eau

Juste écouter entre deux rochers

Le chant de l’eau

Comment isoler le chant de l’eau

Juste l’isoler du monde

Et ne plus entendre que le chant des oiseaux qui batifolent au-dessus de l’eau

Ne plus entendre le reste

Tout le fracas strident du monde

Ne plus l’entendre

Qu’être éblouis par les oiseaux qui batifolent au-dessus de l’eau

Que les oiseaux libres de toute frontière

Qui batifolent d’un arbre à l’autre

Qui s’envolent d’un nuage à l’autre

Sur les branches de leurs pensées

Ne plus penser

Qu’écouter

Que te remplir de cette beauté

Cinq mois de pluie

Quasiment sans répit

Cinq mois de tempêtes à répétitions

Et là

Soudain

Une chaleur estivale

Le bonheur

Te tombait sur le cœur

Chance ou pas de chance

Un samedi treize avril deux mille vingt quatre

Un été en avril

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 14 avril 2024
Incluant un texte écrit lors de l'Atelier d'écriture animé par Francis Lempérière et Marie-Frédérique Rhabiller à La Cocotte Solidaire, samedi 13 avril 2024.

L’élan de la dernière

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Théâtre d’Angles

Dernière sur ton calendrier

Y-aurait-t-il une autre fois

La question revenait à chaque fois

A ce jour

Aucune autre date n’était en vue

L’inquiétude était là

Palpable

La tristesse aussi

Mais ce samedi

L’heure était à la joie

La joie de répéter

La joie de bien préparer toutes tes affaires

La joie de rencontrer le public qui viendrait voir ton spectacle

La joie de jouer avec ton public

Ton public

Le public serait-il au rendez-vous

Sans public

Tu le savais

Pas de spectacle

Tu connaissais la fragilité du spectacle vivant

Celle qui te rappellait

La fragilité de la vie

Sans l’autre qui étais-tu

Pouvais-tu au-moins vivre

Grandir

Révéler toutes les potentialités qui sommeillaient en toi

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Théâtre d’Angles

Dans ce petit village de Vendée

Tout près de l’océan

C’était un vrai théâtre

Qui t’attendait

Un vrai théâtre

Avec tout d’un vrai théâtre

Qui s’offrait à toi

En ses moindres détails

Le hall d’accueil

Les rideaux noirs

Les fauteuils rouges

Tu en dénombrais cent cinquante trois

La rampe d’accès pour les décors

Un vaste plateau

Des loges larges et confortables

Et même une douche

Et même une douche

Et à l’étage

La régie lumières et la régie son

Un vrai théâtre

Comme autrefois

Qui te rappellait cette prestigieuse époque

Où tu jouais Le Malade Imaginaire en Avignon

Théâtre des Corps Saints

Ou dans ce joli théâtre à l’italienne de Fontainebleau

Aujourd’hui

Ce dimanche

Tu jouais Le Potager des Contes

Au Théâtre d’Angles

Presque au bord de l’eau

Et ton visage te souriait dans le miroir

Tu revivais

Tu étais toi

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Théâtre d’Angles

Tu avais installé tous tes objets

Monter le décor peint

Qu’un ami t’avait prêté

Un magnifique champ de pommes de terre

Tu n’avais plus qu’à manger

Te reposer puis t’échauffer

Avant l’horaire fixé

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Quinze heure

Théâtre d’Angles

La pluie avait dissuadé plus d’un

A affronter les gouttes d’eau pour rejoindre un théâtre

L’écran de la télévision au chaud l’avait peut-être emporté

Mais les enfants qui étaient là

Dans ce théâtre

Avec leurs parents

Etaient bien présents

Attentifs et ravis de jouer avec toi

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Théâtre d’Angles

Seize heure trente

Le rideau se fermait

Le public s’en allait

Tous tes objets tu rangeais

Ton champ de pommes de terre

Tu le démontais vers d’autres terres

Cette dernière te donnait un nouveau souffle

Cette braise ravivée

Par ton public

Leurs regards

Leurs sourires

Leur plaisir de monter sur une scène

Ranimait en toi l’espoir

C’était aux enfants que tu le devais

Et aux adultes qui croyaient en toi

Qui étaient sensible à tes créations

Oui

Jouer avait encore un sens

Tu ne pouvais pas t’arrêter comme ça

Parce que tu n’avais plus de date

Tu ne pouvais pas t’y résoudre

Au fond de ton cœur

Cette pièce déchirée

Il te fallait la recoudre

Une petite voix te disait

Une fée peut-être

C’est important que tu continues

A partager ce qui te porte

C’est important

Important pour toutes celles

Pour tous ceux qui aiment jouer avec toi

Important pour la planète

Important pour le vivant

Important pour les générations futures

Un jour amplement

Les portes des autres théâtres

Des autres bibliothèques

Des autres centres de loisirs

S’ouvriraient au Potager des Contes

Il fallait juste y croire

Croire au bouche à oreille

Croire à ces petites graines semées

Croire qu’un jour vraiment

Ça se dise

Que tu existes

Dans l’entre soi des âmes essentielles

Que la culture n’existe qu’à deux

Une cour et un jardin

A tes côtés déjà

Il y avait cette fée qui se démenait pour te faire connaître

Seul on est bien peu devant la cour des rois

Il fallait tant de coktails aujourd’hui

Des fastes au palais des glaces de Versailles

Pour être connu

En ce bas monde

Connu

De tous les élus

Connu

De tous les décideurs

Connu de tous les shérifs

Qui détenaient les clés du magot

Il en fallait également tout un attirail d’indien

Toute la panoplie des photographies

Des vidéos

Des teasers

Des dossiers

Etre dans les lieux où il te fallait être et te montrer

Te frayer un chemin

T’exprimer

T’affirmer

Oser dire

Vous avez besoin de moi

Plutôt que t’agenouiller

Comme un saltimbanque suppliant

J’ai besoin de vous Majesté

Ayez la grâce de me permettre de jouer pour ces enfants qui m’attendent

Tu connaissais

De ta passion

Le prix à payer

Vivre sous le seuil de pauvreté

Depuis plusieurs années

A te serrer la ceinture

Le théâtre était-il un sacerdoce

Un dévouement corps et âme

L’ultime mission

Avec le jardinage

Avec l’artisanat

Pour sauver une humanité à l’asphyxie

Le Potager des Contes

Dimanche sept avril deux mille vingt quatre

Théâtre d’Angles

Si ça plaisait à Angles

Pourquoi ça ne plairait pas

A Carré, Rectangle, Triangle

Pourquoi pas

Tu n’avais plus de temps à perdre avec ces êtres insensibles à ce que tu donnais de toi

Plus de temps à perdre avec ces êtres qui ne cessaient de mettre des bâtons dans tes roues

T’empêchant d’avancer

Plus de temps à perdre à t’adapter à ces êtres qui fonctionnaient sur une autre logique

D’autres intérêts

Ces êtres épuisaient ta précieuse énergie

Ton énergie était bien plus utile à offrir

Aux êtres sensibles à ce que tu donnais de toi

Sur la route ce dimanche matin

Tu allais aujourd’hui vers les êtres qui te désiraient

Qui t’aimaient

Qui t’attendaient

Qui t’encourageaient

Ces êtres qui avaient vraiment envie d’être à tes côtés

Ces êtres qui te rendaient la route large douce tendre

Et ton cœur en était apaisé

Soulagé

L’élan de la dernière te poussait à recommencer

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 12 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"

Fin du vieux monde

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

La tour de Bretagne

De Nantes

Celle que tu avais vue

Un jour

Affublée à sa cime

D’un nez de clown

Était

Entièrement

Vide

Bouclée et murée

Depuis

Deux mille vingt

Mémorable année du confinement

Le motif

Car il y avait toujours un motif énoncé

Avant une catastrophe mondiale

Etait

Des poussières d’amiante

Ont été retrouvées

Dans certains volets

De désenfumage

Du bâtiment

Terne paysage

Alerte générale

Alerte générale

Évacuation

Évacuation

Sur le champ

Descendre

Tout en bas

Descendre

Fini de regarder le monde d’en haut

Exil du vieux monde

Atterri

Au rang des ruisseaux

Même les oiseaux noctambules

Ne se posaient plus sur la terrasse de son nid

C’est dire

Le vieux monde n’avait plus la côte

L’avait-il eu seulement

Un jour des oiseaux

Le vieux monde

Désillusion d’un voyage

Désillusion d’une machine infernale

Flagrant fiasco d’un phallus dressé

Sorti une nuit des corps pensant

Décor d’un maire et de son architecte

Voulant sans doute rivaliser

Avec les autres têtes d’égos verticaux

Avec tous ces mâles des ces mégas cités

Paris, New York, Londres, Dubaï, Tokyo, Shanghaï, Pékin, Hong Kong…

Attirer les grandes sociétés de ce monde

Ces araignées multinationales

Qui aimaient par-dessus tout dominer

Te considérer de leur piédestal

Cette triste colonne solitaire

Tour d’ivoire de ces hommes d’affaires visant le ciel

Était

Le reflet

De la fin d’un vieux monde obsolète

L’expression d’un clown éperdument triste

Bousculé par un charivari de guerres en pagaille

Économiques

Financières

Des guerres

Déclenchées

Avec l’aval de yeux enfouis dans le sable

Tant d’erreurs

Répétées

Depuis des siècles

Tant de gouvernances qui n’avaient pas su placer le vivant au coeur de leurs projets

Trop concentrés sur leurs calculs stratégiques

Le temps était venu de reprendre racines

Se reconnecter avec l’humus

Retrouver l’odeur de la terre

Multiplier les jardins dans la ville

Élargir les trottoirs et les pistes cyclables

Redonner aux animaux leurs territoires

Apprendre à cohabiter

En toute intelligence

Revoir les moulins les vaches les tulipes

Les riads les dromadaires les oliviers

Goûter au charme d’un oassis oriental en Hollande

Plutôt que garer ses envies inassouvies

Sur le parking d’un vieux monde bétonné

Sur la route du vieux monde

Kerouac

Tu l’avais déjà pressenti

L’homme d’affaires voulait lui aussi exister

Mais il avait “tendance à exister aux dépens des autres” (1)

Le vieux monde des affaires

Qu’était-il au final

Des kilomètres industriels

Bâtis par les oligarchies bien pensantes de la consommation

Qui avaient engendré en toi des frustrations

Ce que ton professeur d’économie et de sociologie

Vous partageait

Quand il faisait cour à ta classe option B

Sur la pelouse du lycée

A l’approche de l’été

Avant que la haute autorité

Ne le sanctionne

D’un laisser-aller

Qu’était le monde exactement

A quoi ressemblait-il

A pied tu ne voyais pas le même monde qu’en voiture

A vélo tu ne voyais pas le même monde qu’en avion

A la nage tu ne voyais pas le même monde qu’en bateau

En bus tu ne voyais pas le même monde qu’en train

Ainsi à tes yeux

Le monde

De là où tu l’observais

Était différent

Plus beau ou plus laid

Plus attirant ou plus repoussant

Parfois tu aimais ralentir

Parfois accélérer

Tracer jusqu’aux confins de nulle part

Voir

Ou ne plus voir

Ou revoir

Ou ne jamais revoir

Ton plus grand cauchemar

Ou ton plus beau rêve disparu

Le nouveau monde sans cesse côtoyait le vieux monde

Depuis des siècles

Et chaque fleur était là pour te montrer le bonheur

Et puis

Comment le regardais-tu ce vieux monde

Avec le temps

Tu avais appris l’art de la distance

Mieux valait en rire

Que t’en rendre malade

Tenir un miroir et lui refléter sa face

Le rouge criard de son maquillage

Ce vieux monde qui

Pas même d’un regard

Daignait

S’approcher de toi

Et t’écouter

Ce vieux monde

Qui passait sans te voir

Et te rangeait dans une case

Cette case était bien plus utile à lui qu’à toi

Ce vieux monde décrépit

Ce vieux monde pourrissait

Tu avais appris toutes ses stratégies

Pour t’influencer vers ses intérêts

Ce vieux monde vaniteux

Ce vieux monde d’envieux

Tu n’étais pas dupe

De son jeu

Ce vieux monde

Ce vieux jeu

Ce vieux je

Les tremblements de terre

Déjà le renversaient

Les incendies

L’encerclaient

Le vieux monde s’embrasait

Les arbres se sacrifiaient

Et combien d’animaux les suivaient

Pour sauver les dernières braises de vie

La mer montait

L’eau

Des grilles et de la terre

Jaillissait

Et les vaniteux

Prétentieux

Finiraient bien par reculer ou s’y noyer

Un nez de clown flottait à la surface des océans comme une bouée

Et la musique enchantait déjà ton âme

Le soleil était de retour

Après cinq mois de pluie

Trop chaud tu le savais

Déréglé le climat

Quand les icebergs fondaient

Le nouveau monde le savait

Et cultivait la terre

Comme sa plus belle amie

D’attentions nobles

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 11 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"
(1) Jack Kerouac, « L'océan est mon frère », Gallimard

La nuit d’un répit d’avril

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Le ballet des phares

Au pied du château de ma Duchesse

Jusqu’au dernier carosse motorisé

Enfin le silence des sabots d’Hélène

Et des autos pressées

Enfin Anne

Avant le déferlement du premier train de marchandises

Un court instant de répit d’avril

Maudire les lampadaires

Bien tirer tes rideaux qui raccrochent

Juste te délecter du noir

Et des reflets d’étoiles

Dans un miroir d’eau

Et là

Tout ce monde qui s’arrête

Crois-tu bien dire

D’autres travaillent la nuit

D’autres sauvent des vies la nuit

D’autres luttent pour survivre la nuit

D’autres vivent leur dernière nuit

Et tout ça près de chez toi

Tout près tout ça de chez toi

D’autres surveillent la nuit

D’autres attendent la nuit

D’autres dorment dehors dans la nuit

D’autres font l’amour où ils veulent dans la nuit

D’autres font l’amour où ils peuvent la nuit

D’autres y trouvent de l’or la nuit

D’autres espèrent simplement s’endormir la nuit

Seulement quitter un temps le monde

T’en extraire

Doux refuge de la nuit

Ou enfer

D’autres vivent à l’heure des guerres toute la nuit

D’autres ont peur la nuit

La nuit du loup

D’autres écoutent son cœur battre la nuit

Et pour d’autres

Bien d’autres

La nuit c’est le jour

La terre tourne

Et le soleil tourne aussi

Et la lune tourne aussi

Tout tourne aussi

Tes pensées tournent aussi

Tes mots aussi tournent

Comment veux-tu

Que dans ce tourbillon

Cette tarentelle incessante

Ton âme se repose un instant

La nuit du derviche tourneur

T’élève vers ses astres

Attise ton désir

De mille et une muses

Pour ne pas mourir

C’est la nuit de tous les plaisirs qui s’enlacent

Nuit des angoisses qui s’éveillent

Nuit des tensions à refroidir

Te réveilleras-tu demain

Le soleil aussi

Se réveillera-t-il

De son heure de grâce

Le monde sera-t-il encore debout à l’aube

Ou le monde sera-t-il

Complètement irradié

Brûlé par un fou furieux

Qui aura de son pouce appuyé

Orgueilleux

Sur le bouton gagnant et perdant

D’une énorme énorme bombe nucléaire

Ou le monde ou le monde sera-t-il

Complètement anéanti

Par une petite petite météorite

Extermination mondiale

Encore plus rapide

Voudras-tu définitivement rester dans la nuit pour ne plus avoir à affronter la folie de ces jours à la Prévert

Des tempêtes

Des pluies diluviennes et glaciales

Qui n’en finissent pas de se passer le relais

Quand en Thaïlande cognent sur l’habitant quarante degrés

Et déjà un air bien trop chaud

Pour être heureux

Quand dans cette journée ici

Tu peux passer du tee-shirt à l’écharpe

Tu te dis ce radiateur est complètement déréglé

Le monde se disloque

Pièce après pièce

Le mécanicien

Et le chirurgien

Sont dépassés

Exténués

L’infirmière s’est dévêtue

Entre les bras d’un médecin désespéré

Mieux vaut dormir

Ou plutôt vivre la nuit

Écouter l’origine du monde

Parler aux anges

La nuit est bien plus remplie

Que tu ne le penses

C’est peut-être le meilleur temps pour écrire

L’élan des coeurs amoureux

Nuit

Laisse-moi te pénétrer

Jusqu’au nectar de ta source divine

Pour d’autres la nuit tu le sais

La nuit n’est que nuit parmi d’autres nuits

Nuit de défonce

De paradis artificiels

La nuit nuit aux fragiles

Pour d’autres la nuit tu le sais

La nuit grandit les sensibles

En font d’illustres

Ou d’inconnus

Mystiques

Ignorés du jour

N’est-ce pas grâce à la nuit qu’on voit ta lumière

La nuit des chimères

La nuit des saintes et des saints

La nuit d’effusions

La nuit des naissances

Fusion des corps

Séparations

La nuit des pleurs

Des douleurs

Des horreurs

La nuit des croix

La nuit

Le monde est en toi

Profite de ce répit

Pour l’embellir

La nuit

Te suit

Avec toutes ses caresses de tendresse

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"

Brunch chez Madeleine

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Après mon linge avoir bien lavé

Au lavoir express de mon quartier

J’ai tourné où la vie m’a appelé

Là au bout d’une ruelle pavée

Je vis un hangar et ces mots sucré

Et salé l’ambiance m’a donné

L’envie douce d’approcher et d’entrer

La serveuse aux jolis bras tatoués

Avait le sourire des matinées

Entre ami.es des plats de brunchs tamisés

Madeleine était la reine des oeufs

A la coque la plus belle des teufs

Chez elle on ne pouvait que se sentir

De tout son cœur aimé et lui dire

Les mouillettes de bon beurre trempées

C’est l’bonheur d’une vie ressuscitée

Si simple comme le bon pain qu’on gagne

Cette envie de grimper mille montagnes

Goûter au fromage des fermières

Et dire merci à toute la Terre

J’étais à ma table oubliant mes peines

Seul avec mon œuf à ne plus penser

Qu’au pur instant d’une joie retrouvée

Un délicieux moment d’autrefois

Où la tendresse fait de toi un roi

Après mon linge avoir bien lavé

Au lavoir express de mon quartier

J’ai tourné où la vie m’a appelé

Là au bout d’une ruelle pavée

Je vis un hangar et ces mots sucré

Et salé l’ambiance m’a donné

L’envie douce d’approcher et d’entrer

Ah si tout l’monde s’appellait Madeleine

Il n’y aurait plus tant d’amours express

Et tant de mots violents qui nous blessent

L’oeuf d’amour A chasserait toutes les haines

Au lavoir express de mon quartier

J’ai tourné où la vie m’a appelé

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"

Ecrivain ou écrivant

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Écrivain ou écrivant

Ça t’amusait au fond cette question

Écrivain ou écrivant

Cette question

Que tu avais entendue

Dans un atelier d’écriture

A la Maison Gueffier

André Gueffier était un avocat

Et un homme politique

Et un individu humaniste

Né en mille neuf cent

Et décédé à l’âge de quatre vingt neuf ans

Cette maison qui portait si bien son nom

Etait à présent liée à la Scène nationale de La Roche sur Yon

Le Grand R

Elle accueillait des écrivains en résidence

Des bourses à l’écriture leur était allouées

L’animatrice de l’atelier d’écriture insistait bien sur votre statut d’écrivant

Pour bien vous différencier des écrivains

Des écrivains qui vous partageraient certains week-end leur talent d’écrivain

Eux étaient payés pour écrire

Et toi tu payais pour écrire

Écrivain

Ecrivant

Chacun a sa place

Et les vaches étaient bien gardées

Comme on disait par chez nous

Savez-vous planter les choux

A la mode

A la mode

Alors

Que te fallait-il pour être écrivain

Être à la mode

Avoir lu quantité de livres

Exposés sur leur commode

Être capable de citer tel et tel auteur

Connaître la teneur de leurs œuvres

Être capable de citer de mémoire un tas de phrases

Être un érudit sorti de l’Université agrégé de Lettres

Écrire chaque jour

Et se nourrir de tout

Pour ça tu y étais presque

Alors

Que te fallait-il pour être écrivain

Avoir trouvé ton style

Toi tu changeais de stylo

Et t’amusais des styles

Alors

Que te fallait-il pour être écrivain

Oser aller en des chemins inconnus

Te différencier de tous les écrivains qui t’avaient précédé

Faire scandale ou charmer

Etre au-dessus de la mêlée

Être porté en tête de gondole

Avant de finir au pilori

Ou pire

Dans les rayons des écrivaillons proscrits

Ou mieux

Les féministes écolos

Que te fallait-il pour être écrivaine

En attendant

Après ta mort

L’heure de ton apogée

La cérémonie funèbre

De tes poèmes jamais édités

Tu disais tes textes

Tu disais tes textes

Partout où tu pouvais les dire

Sur toutes les scènes ouvertes

Tu avais autant cette envie de partager

Que d’écouter les mots des autres

Que tu trouvais si beaux

Tu aimais lire

Presque slamer

En toute liberté

Laisser le souffle porter tes sons

Pour ta mémoire c’est vrai

Souvent elle te faisait défaut

C’est ainsi on ne naît pas tous égaux

Académicien

Grand Prix Médicis

Ou Prix Nobel

Quoique que si

Peut-être tous génies

Tombés dans la grâce

D’une vie si belle

Marcelle avec ses deux ailes

Il nous restait à les accueillir

Laisser glisser dans nos veines

La voix créatrice

De Mère Gaïa

Accomplir en nous la bonté de son œuvre

Ses doigts longs et fins

Guidaient ton chemin

Écrivant

Tu avais le vent avec toi

Écrivain

Tu n’avais rien

Certains même un air hautain

Et d’autres

Ecrivaines

La grandeur

L’humilité

La sensibilité

De l’écrivant

Chaque jour

S’adonnant à son labeur quotidien

Un lundi sous la pluie

A la fin d’un atelier

A la libre Usine

Tu avais lu ton texte

Le combat d’une page blanche

Et cette femme t’avait demandé à la fin

Tu es écrivain

A sa question

Tu lui avais répondu

C’est quoi être écrivain

Et elle t’a répondu

Avoir des livres édités

Au-moins c’était sa vérité

Ton livre

Une vie parmi des milliards

Etait juste vivant

Publié pour l’instant

Dans ton corps

Tu le savais

Depuis ta naissance

Dans tous tes pores

La maison Gueffier

Jamais ne serait ton terrier

Tu avais bien plus à espérer

Un jardin au Paradis

Pour cultiver tes mots

Sur la terre

Écris

Le vent

Qui te pousse au devant

Ecrivant

Mange tes mots

Ils te nourrissent

Et te font grandir

Ou

Au-moins vivre

Simplement vivre

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"