La vie pouvait être si belle

 

Je comptais, en ce samedi 28 novembre 2020, au matin, six arbres abattus. Six arbres abattus, le long de la Sèvre, à la Chaussée des Moines. De nombreux autres arbres, dont trois magnifiques sapins, tendus vers le ciel, étaient marqués d’une croix rouge. Seraient-ils également abattus ? J’apprenais par des habitants que le crime avait été accompli un jour de la semaine à six heures du matin avec des tronçonneuses silencieuses pour ne pas réveiller les alentours. Le Chef de Vertou n’avait pas attendu la réunion de concertation suite à un recours déposé par les défenseurs des arbres. Sur une grande pancarte, près de l’une des souches, était écrit : «  Révéler ce lieu historique, naturel et touristique… Réaménagement du quai de La Chaussée des Moines… préservation de la biodiversité… ». Révéler ce lieu naturel en abattant des arbres qui faisaient son charme , était-ce cohérent ?

Le ciel était bleu. Les couleurs de l’automne chatoyantes. L’eau de la rivière si paisible. Tout pour être heureux, ou, presque. Je ne comprenais pas tout à certains comportements humains. Six arbres avaient été abattus par l’unique décision d’un Chef élu par des habitants qui, aujourd’hui, regrettaient d’avoir voté pour lui. A Nantes, les commerces étaient de nouveau ouverts. Il y avait foule en ce samedi après-midi dans les rues piétonnes. J’attendais mon tour, au bout d’une longue file, devant la Fnac. J’espérais me procurer les deux DVD que j’avais repérés juste avant le confinement. « Un homme pressé » et « Le goût des merveilles ». « Un homme pressé » et « Le goût des merveilles » avaient disparu. J’avais beau chercher, ils n’étaient plus sur le présentoir. L’espace DVD avait changé de place et de nouveaux films avaient fait leur apparition, Je fouillais désespérément dans les rayons, quand, ces deux DVD, à dix euros, l’exemplaire, se glissèrent dans mes mains : « Donne-moi des ailes ! » et « Un monde plus grand » . Sans doute, étaient-ce ces deux films que j’avais besoin de voir en ce moment ? Après avoir acquitté mon dû, je me dirigeais à grandes enjambées à ma voiture. La forêt m’appelait de toute urgence. Quitter la métropole. Sentir la bonne odeur des feuilles humides sous mes pas, ces épines de pin, cette mousse si douce… Me laisser émerveiller par le jeu des rayons du soleil à travers les feuilles, un tableau aux cinquante nuances de vert, de jaune, de marron. L’or brillait à la pointe des arbres. L’étang était le reflet d’un monde de toute beauté. Les promeneurs étaient nombreux en de jour de libération conditionnelle. Vingt kilomètres et trois heures de sortie autorisés autour de chez soi. Les enfants jouaient, riaient. Les parents coupaient des branches de houx pour les décorations de Noël. Je ramassais quelques morceaux de bois le long du chemin. Les chiens s’en donnaient à coeur joie. Je me souvenais de mes balades avec mon chien Tostaky à travers la forêt de Fontainebleau. J’avais marché dans ma vie, beaucoup marché. Les arbres étaient mes amis, et mon chien, mon compagnon fidèle. Le soleil se couchait à présent. J’avais organisé ma soirée : une raclette au fromage accompagnée de pommes de terre et de salade autour d’un bon feu de cheminée. Puis je regarderais « Un monde plus grand ».

« Un monde plus grand » est inspiré d’une histoire vraie. Fabienne Berthaud a réalisé ce film. Cécile de France interprète le rôle de Corine. Corine avait perdu son grand amour, Paul, atteint d’une maladie. Avant qu’il ne disparaisse, ils s’étaient promis l’un à l’autre qu’ils se reverraient. Dans le cadre d’une mission en Mongolie afin d’enregistrer des chants traditionnels, Corine rencontre la chamane Oyun. Celle-ci lui annonce qu’ « elle a reçu un don rare et doit être formée aux traditions chamaniques ». Corine est d’abord incrédule et quitte ces éleveurs de rennes avec empressement. De retour à Paris, elle prend conscience qu’elle possède véritablement un don, la capacité à ressentir ce qui vit l’autre. Corine retourne auprès d’Oyun et s’initie. Elle apprend l’importance d’accorder de l’attention à chaque petit geste accompli, et, finira, après son premier rituel, par revoir Paul.

Cette histoire était triste et belle à la fois. La capacité à ressentir ce que vivait l’autre. Il y avait, je pressentais, une part de mystère, un savoir oublié, le langage des arbres. Pourquoi je me sentais aussi bien dans la nature ? Qu’y trouvais-je ? Une part de moi-même ? Une communion ? Une harmonie ? Les arbres, pouvaient-ils nous enseigner l’amour ? Après avoir visité mon Papa, le lendemain, dimanche 29 novembre 2020, je retournais marcher dans la forêt de Touffou. Cette forêt avait bien des choses à m’apprendre. La vie pouvait être si belle …

Thierry Rousse,

Nantes,

Dimanche 29 novembre 2020

«  A la quête du bonheur »

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