Comment vas-tu ?

 

Ecrire, rien que quelques mots, être fidèle à mon rendez-vous quotidien. Quelques mots à la quête du bonheur. Quelques mots partagés.

Tout commençait par le réveil. Je me souvenais des paroles d’un ami. Chaque matin, devant sa glace, il s’envoyait deux ou trois compliments, histoire de bien commencer sa journée. « Ce qui est pris n’est plus à prendre » était sa devise. Et il partait ainsi, confiant en lui, à la recherche de nouveaux tournages, de nouveaux casting. Cela lui réussissait plutôt bien. Il avait obtenu son statut d’intermittent du spectacle. Quatre années consécutives déjà. « Le positif attirait le positif ». La loi de l’attraction nous l’enseignait. Depuis que j’avais lu ce livre, je m’efforçais de toujours aller bien, quoiqu’il m’arrive. A la question « Comment vas-tu ? », je répondais toujours « bien ». Dire qu’on allait « Pas bien » pouvait faire fuir les autres. Certains livres nous encourageaient à fréquenter les personnes qui allaient « bien ». Le « bien » attirait le « bien », il était contagieux. Le contraire était également contagieux, D’où l’importance de prendre ses distances avec celui qui n’allait pas « bien ». Le fameux « geste barrière », la célèbre « distanciation sociale ». « Etre bien » en toutes circonstances était un choix résolument tourné vers le bonheur. Le bonheur se décidait. Je choisissais d’être heureux. J’allais « bien ».

Que faisais-je du reste ? Refoulais-je mes émotions lorsque je me sentais affecté, triste ? Ne pouvais-je confier mes états d’âme mélancoliques qu’à une personne rémunérée pour m’écouter, me comprendre, me soutenir ? Le bonheur n’était-il pas aussi la possibilité , sans transaction d’argent, d’exprimer ce que je ressentais, la joie comme la tristesse, à une personne qui m’ appréciait. Une écoute, juste me sentir écouté pouvait suffire à retrouver le sourire. Et réciproquement. J’éprouvais autant de joie à me sentir écouté qu’à écouter. Le bonheur était plus grand que nous ne le pensions.

Ce matin, le nouveau dentiste que je rencontrais était d’une attention remarquable. Il prenait son temps à m’examiner et m’expliquer les soins nécessaires à accomplir. La gentillesse qui était associée parfois à une faiblesse, une simplicité d’esprit, une naïveté, contribuait, en réalité, au bonheur. Je poursuivais ainsi ma quête par un rendez-vous à la Maison des Confluences, m’entretenant avec la directrice suite à un appel à projets auquel j’avais répondu. Là, aussi, ce moment fut très agréable, une belle écoute. Tous ces petits instants d’attention pouvaient changer le cours d’une journée. Echanger, prendre des nouvelles, correspondre, téléphoner, entretenir les relations. Plus j’entendais les autres messages, plus je les voyais apparaître placardés un peu partout dans les rues, les lieux publics jusqu’aux réseaux sociaux, « veiller à maintenir les gestes barrières », plus j’avais le désir d’entretenir et d’approfondir des liens. Ces confinements à répétitions m’avaient révélé l’importance des relations et du soin à leur apporter.

L’arrêt brutal du Busway suite à une voiture qui avait failli le percuter me propulsa contre une barre. Un choc inattendu, violent contre ma poitrine. Une femme était tombée dans l’allée. Plus de peur que de mal. Cet accident qui pouvait sembler banal me fit prendre, une nouvelle fois, conscience de la fragilité de la vie.

Le bonheur était fragile. Sa fragilité nous invitait à en prendre le plus grand soin.

« Comment vas-tu ? »

Thierry Rousse,

Nantes,

Lundi 30 novembre 2020

« A la quête du bonheur ».

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