Une autre vie parmi des milliards

Si la vie n’avait pas voulu de nous

Si ce n’était pas le bon moment

Si c’était trop tôt

Bien trop tôt encore

Ou pas l’enfant désiré

La fille ou le garçon

Si l’enfant-né que nous étions

Avait ce quelque chose de différent des autres

Une couleur

Un handicap

Dans la course

Un aspect chétif

Chez le coiffeur

Et si en grandissant

Il avait à supporter cette image

Qu’on se faisait de lui

Ce regard qu’on lui portait

La compassion ou le rejet

Il y avait toujours cette solution de renaître

Avec cette envie de voir le monde autrement

Avec cette envie peut-être bien aussi

De nous voir autrement

Alors, un beau jour,

J’avais osé pousser cette porte

Ou plutôt j’avais osé

Me prendre cette porte

En pleine figure

Oser être qui j’étais dans toutes ses dimensions infinies

Etre accueilli comme j’étais

Et là

Aussitôt ToTTi me tendit ses bras

Puis m’ouvrait fil après fil son coeur

Le temps de nous apprivoiser l’un et l’autre

Un peu comme le Renard et le Petit Prince

L’accoucheur de ce clown qui sommeillait en moi

Sans que je n’en sache rien jusqu’alors

S’appelait Jean-Luc Mordret

Et je lui devais un beau matin

Mes vacances au pays des cigales

Cet état d’absence à moi-même

Pour laisser place à ToTTi

Un mardi 20 juillet 2010 …

Ce matin, (1)

Monsieur ToTTi

Pointait son nez rouge

A l’extérieur de sa tente igloo

Avec sa valise bleue

Il prenait la direction du « Verger Urbain V »

Au pied du Palais des Papes


Après avoir rencontré d’autres artistes en vacances

Il était prévu que son réveil

Se fasse le lendemain en soirée

Aux alentours de 22 heures

Derrière un banc

Etait-ce le banc des amoureux

Ceux qui se bécotaient

Sur les bancs publics

A la nuit tombée

A n’en plus finir

Attirant les regards des curieux ?

Les joues gonflées

Toutes rouges

Aussi rouges que son nez rouge était rouge

Aussi rouge que son bonnet était né

Par cette belle nuit d’été provençale


Monsieur ToTTi pointait donc

Pour la deuxième fois son nez rouge

Cette fois-ci dans le « Verger Urbain V »

Sans répétition ni jeu de mots


Au pied du Palais des Papes disparus

De l’autre côté de la cour des Princes

De l’autre côté du « IN »

Dans le « OFF du OFF »

Presque comme un troubadour

Echoué dans la rue

Au fond de l’obscurité d’un visage noir

Peint sur un banc

Pour ne pas être vu

Derrière ce banc

Monsieur ToTTi


Observait les passants

Qui passaient et repassaient


Il s’émerveillait des lumières de la nuit


Doux reflets multicolores des guirlandes des cieux


Un air de fête, un air de rêve


Un goût de liberté lui était offert

Monsieur ToTTi escaladait le banc


Aventure Ô combien périlleuse


Puis se laissait glisser comme un enfant


Quel joli toboggan était ce banc

Simples rimes des anges


ToTTi pour les intimes

Posait sa valise et se reposait


Mais que faisait-il ?

Les rares spectateurs attendaient

Un geste

Une pirouette

Un mime

Une chanson

Ou des claquettes

ToTTi ne faisait rien

Rien que d’être


Il était

Et j’en restais là pour ce soir

A l’être

De mes mots

Demain

Derrière Le Lieu Unique

Ouvrirait le Bis

Demain

Y verrait-on ToTTi ?

Etait-il annoncé ?

Instants de silence suspendus

A suivre

Comme la vie

Avant que Dieu ne me rappelle à lui

Ne me cueille comme une étoile

Dans la nuit

Cité des nez éternels.

Thierry Rousse

Nantes, mardi 10 janvier 2023

« Une vie parmi des milliards »

  1. Blog « Les Vacances de Monsieur ToTTI » http://monsieurtotti.blogspot.com/

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