Réconfort d’un feu

 

Le froid avait l’art de pénétrer tout notre corps jusqu’à notre âme, jusqu’à notre coeur. L’art de nous attirer vers des pentes glissantes, une image de la déchéance, une vulnérabilité, une misère matérielle et affective. L’art de nous dire : « Tu es seul, si seul , profondément seul». Le corps, l’âme, le coeur ne parvenaient point à se réchauffer. Une dégringolade vertigineuse. Je pensais à ces enfants, ces femmes, ces hommes, ceux qu’on nommait « les migrants » , expulsés avec force de leurs tentes sur la Place de La République, à Paris. Où dormaient-ils à cette heure ? Dans le froid ? Sous un carton ? Sous un pont ? Cachés dans les bois à la périphérie comme des bêtes qu’on traquait ? Où en était notre République ? Le migrant était-il assimilé à un potentiel terroriste ? N’avait-il pas fui son pays parce qu’il était menacé par des terroristes ? Ne méritait-il pas notre accueil, notre protection, notre aide ? La bonne nouvelle, parce qu’il y avait toujours de bonnes nouvelles, c’était qu’un grand nombre d’entre nous avions à coeur d’aider notre semblable. Cette devise de « faire à l’autre ce que j’aimerais qu’on me fasse » donnait sens à ma vie. Une loi de l’attraction. Faire le bien attirait le bien.

J’avais le sentiment que, ces derniers temps, trop d’expressions comme « nous sommes en guerre », « nous allons nous battre », « nous allons gagner », finissaient par propager la peur, la violence, la méfiance, les sombres pensées, un état de tensions permanent. L’air était devenu irrespirable et il était temps d’en changer. Ouvrir la fenêtre sur le chant d’un oiseau.

Je recevais au seuil de ma porte des brindilles, des brindilles pour allumer un feu. Sans brindilles, les bûches ne pouvaient s’embraser. Le fort avait besoin du faible pour resplendir. Le feu m’apprenait la vie, l’amitié, l’amour. Une flamme s’entretenait sinon elle s’éteignait. Elle sollicitait mon attention, ma présence, lui donner juste ce dont elle avait besoin, brindille après brindille, branche après branche, bûche après bûche. Suffisamment l’alimenter en bois sans l’étouffer, sinon, elle mourrait. Le froid de nouveau reprendrait alors sa place.

Pour l’heure, la chaleur avait soudain habité tout mon corps, toute mon âme, tout mon coeur. Je me sentais riche, riche d’amour, riche de l’autre. Je me sentais ensemble. Je me disais : « C’est cela, faisons des feux ensemble, retrouvons-nous, réchauffons-nous ! Cessons de nous faire du mal, apprenons à nous faire du bien ! » . N’étions-nous pas tous des migrants sur cette Terre qui nous accueillait ? Connaissions-nous nos origines ? Avons-nous oublié que nos ancêtres étaient des nomades ? Qu’ils cueillaient sur le chemin les fruits de la vie ? Avions-nous oublier de regarder le ciel ? Etions-nous devenus à ce point fous pour piéger les oiseaux avec de la glu ? Il était temps de faire resplendir l’amour, ouvrir nos bras, danser, chanter ! Il était temps de faire revenir les beaux jours…

Thierry Rousse

Nantes,

jeudi 26 novembre 2020

« De retour chez Mémé Zanine »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *