Que peut la poésie

Que peut la poésie

Un marathon de midi à minuit

Lire en diagonale

Les mots du journal

Les maux du monde

Fracassants

Immondes

Pauvres rimes

Que peut la poésie cette nuit

Que ces pauvres rimes

Que ces pauvres rimes

Qu’être impuissant devant l’horreur

Relire les livres d’histoire à cette heure

Mille neuf cent quarante huit

Création de l’Etat d’Israël

Sept cent mille Palestiniens sont contraints à l’exode

Tu te vois là depuis soixante dix ans dans un couloir

Là où on te fait bien comprendre que tu es de trop

Que tu es l’être indésirable

Parqué dans l’oubli

Dans ce placard où tu ne sais même pas

Si toi et ta famille en sortiront vivants

Tous les jours cette menace qui plane sur vos têtes

Déferlement de bombes en plein sommeil

Immeubles qui s’effondrent

Que tu aies cinq, dix, seize, trente, quatre vingt dix-huit ans

Que tu sois enfant, adolescent, adulte

Que tu sois handicapé ou enceinte

La bombe ne te considère pas

Tu n’existes pas pour la bombe

Que tu sois coupable ou innocent

La bombe veut juste se venger

Dire que son gouvernement est le plus fort

Qu’il est chez lui

Sur sa terre

Le gouvernement qui ment

Pauvre rime

Que peut la poésie

Que peut la poésie

Que peut engendrer

La violence sinon la violence

De nouvelles bombes humaines

Massacres chez l’occupant

Une partie de ping-pong aux balles tâchées de sang

Qui n’en finit pas

Qui n’en finit pas

Blanches colombes décapitées

Des deux côtés de la frontière

Océan de larmes

Dans les kibouttz et les placards

Que peut la poésie

Que peut la poésie

Quand le droit à l’égalité des droits pourrait tout résoudre

Que peut la poésie face à ces mensonges

Sinon rétablir sa vérité

Qui se souvient encore

Que Jésus était palestinien

Qui se souvient de l’Ancien Testament

De toutes ces guerres qui existaient déjà

Triste humanité qui n’a pas su évoluer

Qui n’a pas su placer l’amour

Au premier instant de ses journées

Midi à minuit

Marathon de poésie

Téléphone subitement coupé

Panne incompréhensible

Coupé du monde soudain

Je me retouve plongé dans la solitude

Comme toi Marcel

Seul au monde

Seul au monde

Isolé

Isolé dans ma chambre

Je marche au bord d’une rivière

Et je te regarde

Tu cours ce marathon

Tu voudrais bien

Que ce ne soit que cela

La vie

Marcel

Que cela

La vie

Qu’un goûter tranquille avec ton amie

Tu ne voudrais bien n’entendre qu’un « je t’aime »

Dans la brise de vent

Entre les feuilles de l’automne

Sentir sa main dans la tienne

Un « je t’aime » qui soit toute une vie au long d’un fleuve

Que cela

Que des oeuvres d’art façonnés de caresses

De baisers

De sourires

Dans une utopique maison

Parfumée de canelle et de chocolat

Fou d’amour à Trentemoult

Que cela

Moult désirs

Quand surgit du Proche-Orient

Ou d’Ukraine

Ou d’Arras

la tragédie humaine

Il te reste à fabriquer ton livre

Tes cinquante six définitions de la poésie

Tu vieillis dans la solitude

Et personne ne le voit

Et personne ne le voit

Touché

Pas encore coulé

Animal errant

Retour d’abattoir

Des mots

Ce que nous pensons des éclairs

Du silence

Verbes à l’infinitif

Longue liste

Tu te perds dans ces mots

Midi

Minuit

Et dehors le soleil

L’éclat de l’eau

La grande aventure

Miroir sur ton intimité

Commencement de la vie

Trente six minutes

Cinquante cinq secondes

Ecrire avant de disparaître

Tu es l’avenir

Tu es l’avenir

Jeunesse brisée

Tantôt

Tantôt

Tantôt

Tu as perdu tous ses mots d’amour

Dans toi

Dans le déluge de toi-même

Son visage s’est effacé de ton écran

Une fin d’été

Alors

Brûler

Danser

Danser pour exister

Rien que cela

Rien que cela

Que peut la poésie

Un marathon de midi à minuit

Juste pour oublier le temps

Juste pour oublier les temps maudits

Et dire les mots

Et dire les mots qui font du bien

Je t’aime

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 15 octobre 2023

Festival Midi Minuit Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *