Parenthèse italienne

 

En ce jeudi 19 novembre 2020, qu’avais-je envie d’écrire sur l’actualité ? La veille, j’avais décidé de ne parler que de bonnes nouvelles. Il m’était fort difficile de faire marche arrière. BFMTV relatait heure par heure le procès d’un meurtre atroce. Par-ci, par-là, sur les actualités en ligne et sur les journaux, j’arrivais à glaner de bonnes nouvelles. Pas suffisamment pour communiquer l’euphorie mondiale. Il aurait fallu que j’achetasse chaque jour au moins trois à quatre journaux différents pour accéder à un nombre convenable de bonnes nouvelles : « Le Monde », « Libération », « L’Humanité », « La Croix », ça se disait «  que j’achetasse » ? J’avais limité depuis le début du mois mon budget « Presse » afin d’équilibrer mes comptes. La Presse pouvait peser très lourd dans mon budget. Je m’allégeais de quelques mots et de nombreux maux. L’actualité nous appartenait qu’en infime partie. Ne pas voir les drames humains, c’était, il est vrai, un peu faire l’autruche. M’étais-je mis à faire un peu l’autruche ? Peut-être… J’avais rentré ma tête dans le sable chaud. J’avais froid en cette fin de journée. Une envie de me réfugier chez Mémé Zanine autour d’un bon potage de pommes de terre et de carottes. Un désir de chaleur, la chaleur d’une présence. Mémé Zanine m’accueillait et me contait ses histoires au coin du feu. L’histoire d’un colibri. Faire ma part. Ma petite part. Me réjouir de chaque petit pas accompli. Peu à peu, un sourire revenait. Une tendresse. La plus belle actualité était celle qu’on écrivait de notre plus douce plume. Je me souvenais d’une escapade en Italie, à trente minutes de Nantes : Clisson, la ville italienne, capitale du vignoble nantais, que je découvrais depuis la terrasse du domaine de La Garenne Lemot. Le sculpteur François-Frédéric Lemot, de retour de son voyage à Rome, de la Toscane à l’Ombrie, charmé par tant de beautés, avait choisi de les transposer ici. Au début du XIXème siècle, il dessinait en cette contrée, dernier rempart de la Bretagne, dévastée lors des guerres de Vendée, son Italie. Tuiles rouges, pins, vignes, villas, rochers, grotte, temples antiques, obélisque… paysages vallonnés où se glisse toujours paisiblement la Sèvres. Tout était là. Son rêve devenait réalité, et le mien, aussi. Il ne me restait plus qu’à m’asseoir. Emma me souriait. Nous regardions tous les deux l’eau couler. C’était simple finalement le bonheur. Un instant de silence. Regarder l’eau couler, une feuille, une fleur, un nuage, un reflet… Les nouvelles étaient bonnes. Jazz à Fip accompagnait nos soirées bleutées au bord de l’eau. Le déconfinement se ferait tout doucement, vague après vague. La vie s’écoulerait, le temps, les rêves, d’un ruisseau à l’autre. Une feuille, une fleur, un nuage, un reflet… Tout à côté, c’étaient les cris du Hellfest, un travelling qui nous faisait rire. A cette heure, je préférais une musique classique. Piano et violon. L’actualité n’avait plus d’emprise sur mes pensées. Mon journal changeait de bord et de rives. Je voyais le monde d’un autre point de vue. Du point de vue de Roméo, peut-être, déclamant des vers à sa Juliette au balcon de Vérone ? Ou, du point de vue de Cyrano, à Bergerac, écrivant ce qu’il ne pouvait vivre ? Je m’asseyais contre un arbre, blessé au coeur. Une flèche m’avait transpercé. La nouvelle était bonne. La paix était revenue dans la contrée. Nous étions venus, un dimanche, nous y ressourcer et semer nos graines de tendresse. Les roses poussaient bien le long des remparts. Le PMU, Petite Maison Utopique, nous avait ouvert ses portes sous les halles. Une artiste en contrebas sculptait un visage. Le château protégeait son joyau. Clisson, la belle italienne, à mille pas à vol de colibri. Plus douce était la vie…

Thierry Rousse,

Nantes,

Jeudi 19 novembre 2020.

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