Evasion au coeur des Landes

 

Les avions cargos s’affairaient, après les masques, à charger les vaccins à destination de tous les Terriens, ou, presque… Quels pays n’étaient pas concernés par le petit virus Covid ?

Le Grand Chef et le Chef de la Santé prenaient le temps de nous préparer à ce vaccin obligatoire. Etait-il vraiment efficace ? Le Grand Chef ou le Vaccin ? Tout ce qui venait de la première puissance mondiale méritait réflexion. Les Complotistes, car, c’est de ce nom qu’on les avait affublés, criaient à la manipulation. Un virus qui nous aurait été envoyé pour mieux nous asservir et nous contrôler à coups de mesures coercitives, de masques et de vaccins. Ils en venaient à remettre en question l’utilité du masque et les conséquences tragiques de ce virus. D’ailleurs, existait-il vraiment, ce virus ? Le Grand Chef en faisait trop pour certains, pas assez pour d’autres. Tantôt il fallait tout déconfiner, tantôt tout confiner, selon la rive qu’on choisissait, Une peur en affrontait une autre. Tantôt la peur de la faillite, tantôt la peur de la mort. Je me sentais ballotté d’une rive à l’autre. Depuis quelques jours, j’avais choisi une barque abandonnée, au milieu du fleuve. Je m’entretenais avec de magnifiques oiseaux blancs posés sur une branche. Au fil de nos échanges, j’avais fini par oublier l’existence de ces deux rives. Les oiseaux blancs me prenaient sous leurs ailes. Tantôt, je remontais vers la source de mes souvenirs, les plus doux, les plus joyeux, tantôt je descendais vers l’estuaire de mes rêves, les plus fous, les plus heureux.

J’avais noté sur mon carnet trois destinations : la pointe Bretonne, le Cotentin, l’Irlande. L’Italie, Vérone, Venise, je me les gardais au chaud pour plus tard. Les Guides du Routard étaient bien placés tout près de mon oreiller. Je commençais par le Cotentin. La Presqu’Ile de la Hague était une Irlande en miniature, On y trouvait le village natif du peintre Jean-François Millet, l’ « adorable petit port du Hâble, fondé à l’époque romaine », des « hameaux aux délicieuses maisons et fermes de schiste », la maison de Jacques Prévert, Saint-Germain-des-Vaux, un « bijou lové dans un écrin de verdure » où le réseau téléphonique était anglais, les « ruelles étroites et pentues de la ravissante bourgade fleurie d’Auderville », l’usine de retraitement de l’uranium et du plutonium Areva, cinq mille emplois pour la région qui en rêva, le jardin botanique de Vauville face à la mer, mille espèces, une palmeraie, un jardin d’eau, un théâtre de bambous, une demie Lune, une Voûte bleue, il n’y avait pas à me faire scier, une flûte de Pan m’irait bien, les dunes fascinantes de Bi-bi-ville, refuge de nombreux oiseaux et la centrale nucléaire de Flamenville, Flamenville … Tout y était presque parfait… Je remontais jusqu’à la source, un souvenir au coeur des Landes. Un dimanche de « Portes grandes ouvertes ». On les nommait Zadistes. Ils avaient tenu bon face à un projet d’aéroport. La lande était sauvée. Je m’émerveillais de cette sublime forêt, me frayant un passage parmi les fougères. Les cabanes en bois des Résistants avaient été brûlées par les Brigades de la Loi. Un oiseau chantait. Des baisers s’enlaçaient. Le temps s’était arrêté. Un couple d’amoureux venu d’Espagne se recueillait au milieu de ce temple de la nature. On les nommait Zadistes. Des paresseux aux cheveux longs, à la marge du progrès économique. Des empêcheurs d’avancer. Ils avaient sauvé ce qui nous était de plus précieux. Je visitais leur ferme, leur scierie. Les Zadistes travaillaient, n’en déplaisait à notre Roi. Les serfs s’étaient affranchis. Les deux mains du travail pouvaient se joindre avec plaisir, s’aider et s’aimer. Les Oiseaux blancs se posaient sur le toit de la grange de l’Avenir. Des femmes et des hommes libres dansaient. Des enfants riaient. On donnait ce qu’on avait pour un repas délicieux. Une longue table. Des amis. La vie, enfin. Une fin d’été. Un dimanche, Au coeur des Landes. Notre-Dame, Emma, avait les plus beaux yeux du monde. Il n’y avait plus d’avions cargos. Que des oiseaux. Que des oiseaux…

Thierry Rousse,

Nantes,

Vendredi 20 novembre 2020.

« De retour chez Mémé Zanine ».

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