Sur le chemin jaune de la vie

 

En ce dimanche pluvieux du mois de janvier, j’avais choisi le chemin jaune. Un chemin sans automobile. Comme un retour aux sources. Marcher. Rien que mes pieds et mes yeux pour marcher. Ne pas me tromper. Etre attentif. Observer. Chercher les flèches jaunes comme autant de trèfles au milieu des landes. Toujours, chercher. Ne pas m’égarer. Les croix jaunes m’indiquaient les chemins que je ne devais pas prendre. Il me suffisait de faire confiance. Confiance. Suivre toujours les flèches jaunes. Les flèches jaunes. Je finissais toujours par les trouver, les flèches jaunes. Je marchais. Un pas. Un autre pas. Marcher, encore, marcher, rapidement ou lentement. Seul. Un chemin qui ressemblait au chemin de la vie, en quelque sorte. Ne pas me tromper. Faire les bons choix : les bons choix professionnels, les bons choix d’activités, les bons choix pour ma santé, les bons choix pour mes projets, les bons choix pour mes relations amicales, les bons choix pour mes relations sentimentales, les bons choix. Vivre semblait consister à cocher des cases. Toujours, les bons choix.

M’étais-je trompé de chemin ? Regrettais-je ce que j’avais vécu ? Avais-je la sensation d’avoir perdu une partie de mon temps à marcher ? De m’être senti isolé, à l’écart, ou de m’être moi-même mis à l’écart du monde, une portée de notes, inconsciemment en dehors du temps ? M’étais-je perdu sur ce chemin au milieu des bois sous la pluie ? Où était l’océan, cet océan tant attendu ? La douce et belle plage, pétillante de vie et de rires dont je rêvais ? Avais-je fait le bon choix ? Je touchais, là, à la partie sensible de mon être sans le vouloir après avoir planché des jours et des nuits sur mon devoir. Une page blanche comme un nuage.

Faire confiance. Tant que je suivais ces flèches, je ne pouvais pas me perdre, rien regretter de mes pas, de mes choix, rien regretté de mon chemin parcouru. Rien n’était perdu, tout est cadeau de la vie. Il suffisait de suivre les flèches jaunes du soleil latent au-dessus des nuages, le soleil qui m’éclairait, le soleil qui me réchauffait. Chanter, jouer, danser. Ne plus être seul sur les notes de la vie. M’accorder aux autres. Quel bonheur de pouvoir attendre les autres ou de nous sentir attendu par les autres, quelque part ! Quel bonheur au fond inexprimable par les mots !

Une plage. Une plage pour rire, danser, livrer son coeur, ses larmes, chanter la vie, la recomposer de nos rêves, de tous nos pas franchis, nos mots, nos actes, nos délicates attentions, nos erreurs pardonnées, nos défauts aimés, accueillis comme autant de fleurs qui s’épanouiraient un jour dans la grâce d’un élan de joie. Chanter encore, danser avec nos pieds, danser avec nos mains, ensemble, rire, parce que nos imperfections nous élevaient vers la grâce de nos êtres profonds, sensibles, la faille d’une falaise, le nuage d’un ciel infini. Tout au bout du chemin jaune, des amis retrouvés, plein d’amis retrouvés autour de Monsieur Hulot, un corps un peu trop grand et si charmant, l’allure gauche du charme de la vie, un oeil tendu vers l’horizon. Un « ça me dit de la poésie ensemble ». Le dixième comme les doigts d’une main.

Suivre les flèches jaunes de l’Amour. Je ne serais jamais déçu du chemin, de la vie. Rien ne serait perdu, tout serait gagné, un trésor inestimable qu’aucun coffre-fort ne pourrait enfermer. L’Amour déployait ses ailes, sa grâce, la grâce des anges descendus sur Terre.

J’avais retrouvé sur le chemin jaune ce qui faisait battre mon coeur, ce pourquoi, au fond, je vivais.

Thierry Rousse

Nantes, lundi 10 janvier 2022

« A la quête du bonheur »

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