Refuge pour la fin d’un monde

Samedi premier avril

Deux mille vingt trois

Fin d’un après-midi

Je quittais Malakoff

Et sa Libre Usine

Je me dirigeais

Vers la Maison des Utopies Magnifiques

Rien que cela

La Maison des Utopies Magnifiques

J’avais bien l’étoffe d’un voyageur

Qui embarquait à Haubans

Et regardais dans la grisaille du temps

Les arrêts défiler

Je franchissais la frontière

Sans le savoir

Sous le pont d’un Chemin de Fer

Et surgissais à Berlin

Les arrêts continuaient à défiler sans arrêt

Gare Sud

Lieu Unique

Monteil

Hôtel Dieu

Commerce

Je descendais à Commerce

Déjà un long périple de noms

Et filais comme un petit poisson

Jusqu’à Gare maritime

Mes nageoires aussitôt prenaient le large

A l’avant d’un bateau

Et je traversais

Encore une autre frontière bien agitée

Entre la terre et la mer

Tel un exilé

Je m’enfuyais

Je quittais un monde bruyant

Dans le silence

Du regard des amoureux

Qui s’embrasent

Etincelles de joie

De sourires

J’avais l’étoffe d’un roi

Maintenant

Qui accostait fièrement à Trentemoult

Et cherchait la Maison des Utopies Magnifiques

Rien que cela

La Maison des Utopies Magnifiques

Parmi les cours des pêcheurs

Dédale de coeurs

Serpentant les heures

J’osais poser mes mots

Au seuil de cette maison

Et trouver un bon réseau

Qui ferait écho

A ses images et ses sons

Petit Poucet

Refais tes lacets

Dans quel terreau

Les mots que je semais

Avaient-ils une chance de naître

Dans quel repaire

Quel refuge

Pour la fin d’un monde annoncé ?

Mes mots n’avaient-ils d’autre but

Que de plaire

Echouer sur la rive d’une oreille attentive

D’autre but que de se briser ou se perdre

Interroger

Provoquer

Se répandre dans l’air

Tout simplement s’extraire

D’une bouche ou d’une âme

Peut-être d’un esprit inconnu

Venu de la rue

D’autre but que de consoler

Réchauffer

Soigner les blessures

Et doucement être aimés

Farah quittait son utopie à regrets

Les vies se croisaient

Parfois se rencontraient

Et les mots continuaient à résonner

Dans les coeurs

A l’extérieur de cette utopie

Je courrais

Montais dans le dernier bus

Qui m’attendait à la croisée des chemins

Un livre entre les mains

« Arcadie »

« Nous nous sommes refugiés à Liberty House parce que le désastre était imminent . . . » (1)

Thierry Rousse

Nantes, 2 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) « Arcadie » d’Emmanuelle Bayamack-Tam, éditeur POL

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