SUR L’ILE DU SOLEIL LEVANT

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Sur l’île du soleil levant

Toujours à la même heure

Hirayama se levait

Toujours le même rituel

Il coupait le petit poil qui dépassait

Sa moustache était toujours impeccable

Le teint frais lisse irréprochable

Le genre d’homme qui prenait soin de son corps

Il vaporisait ses bébés arbres

Les contemplait à genoux

Comme en prière

Avant d’enfiler sa veste de travail

Et de prendre quelques pièces dans une coupelle

Toujours la même disposée à l’entrée de son modeste appartement

Meublé de presque rien

Un matelas

Une bibliothèque

Un magnétophone

Juste ce qui lui était essentiel

Il descendait l’escalier

Glissait ses quelques pièces dans le distributeur de boissons

Ouvrait la porte de son véhicule

Buvait sa boisson

Toujours la même

Allumait le contact

Sortait une cassette

Que lui seul savait encastrer dans son autoradio

Roulait accompagné de ses voix préférés

Ces chanteurs d’Amérique

Interminable dédale de boulevards

Et d’avenues entre des successions de tours

Interminable ville

Boule de feu éblouissante jaillissant de l’océan

Soleil Levant

Et toujours son regard vers Sky Tree

L’arbre du ciel

Tour de radiodiffusion

La deuxième la plus haute au monde

Six cent trente quatre mètres

Son point de repère

Sa connexion

Au milieu de cette géante toile d’araignée

Sa métropole

Tokyo

Quatorze millions d’habitants

Quatrième la plus peuplée au monde

Ancien village de pêcheurs

La porte de la rivière

C’est ici qu’Hirayama exerçait son métier

Simple agent d’entretien

Assidu à son labeur

Toujours les mêmes gestes

La même rigueur

Rien n’était oublié

Il astiquait chaque partie des toilettes à la perfection

Comme il astiquait chaque partie de son corps

Hirayama l’homme consciencieux

Humble

Respectueux

Prévenant

Le client à ses yeux était roi

Priorité aux envies pressantes

Il attendait patiemment

Toujours le même parcours

De WC en WC

Les mêmes lieux

La même pause

Assis sur le banc de ce parc

Oasis au coeur de ce tumulte

A manger son sandwich

A observer les gens

Cet homme vagabond qui s’était installé là

Cette jeune femme assise également à la même heure sur un banc près du sien

A observer elle aussi les rayons qui transperçaient les feuilles des arbres

Le soleil qui jouait avec elles

Les faisaient vibrer

Danser

Hirayama se hâtait de les photographier

D’immortaliser ces instants éphémères

Qu’il collectionnait dans sa bibliothèque

Une quantité de dossiers et de dates

Soudain il surprenait un bébé arbre au pied d’un grand arbre

Et délicatement il l’emportait avec lui

Émotions d’une vie fragile

Attentif aux infimes détails de la vie

Était Hirayama

L’agent d’entretien des toilettes de Tokyo

Il retrouvait un enfant enfermé

La maman le récupérait sans même lui adresser un regard

Un remerciement

Hirayama souriait à l’enfant

Il réconfortait un jeune collègue amoureux

Honteux de son métier

Il était un instant le père pour cette jeune nipponne perdue dans un avenir incertain

Un monde allant à sa perte

Hirayama rentrait chez lui

Sa mission accomplie

Toujours à la même heure

Il ôtait sa veste de travail

Enfourchait sa bicyclette

Allait là où la nature pouvait encore surgir

A travers ce dédales de boulevards

D’avenues

Là où la rivière coulait encore

Là où l’herbe poussait encore

Hirayama allait là où les arbres l’appelaient

Frottait d’eau vive son corps accroupi sur un tabouret face à un robinet

Fontaine des temps nouveaux

Corps nu parmi les autres corps nus

Corps pudique de ces hommes

L’eau des bains bouillonnants le lavait de ce qui était trop pesant

Tout ce qu’il gardait

Sa souffrance qu’il ne laissait transparaître

Le poids du passé

Des erreurs peut-être

D’une culpabilité

De ses pensées

Difficile à dire

L’échec d’un homme

D’une vie

Instant de soulagement

Chaleur d’un sauna

Son corps sur un canapé face à un écran de télévision

Puis venait l’heure de manger

Affronter le vent

La pluie

La mousson

Entrer dans les couloirs du métro

Ces petits restaurants sur le pouce

Où se retrouvaient les petites gens aux petits métiers

Le monde souterrain d’en bas

De ceux qui avaient basculé

A la périphérie des beaux quartiers

Éloignés des bureaux d’hommes victorieux

Ombres des corps silencieux

Sans un bruit

Et chaque soir

Avant de s’endormir

Hirayama allumait sa lampe de chevet posée à même le sol tout comme l’était son matelas

Hirayama lisait l’un de ses innombrables livres

Jusqu’à son jour hebdomadaire de relâche

Le grand jour

Le linge sale de la semaine à porter

La balade à vélo plus longue que d’habitude

Puis le grand restaurant

Grand pour lui

Ridicule pour les autres

Les hommes d’affaires peut-être

Toujours le même restaurant

Et toujours cette même femme qui le tenait

La patronne

Toujours élégante

Vêtue à la manière d’une geisha

Cette femme digne chantait si bien

Cette chanson qu’il écoutait en boucle la semaine sur la route de son travail

Hirayama était son client préféré

Restaurant peut-être d’une ancienne maison close

Elle le servait copieusement au comptoir

Les autres hommes étaient jaloux

Qu’importe

Hirayama le méritait bien

Homme discret délicat qui n’osait lui avouer ses sentiments

Hirayama

Ce jour parfait ou presque

L’entrée était exceptionnellement fermée ce jour

Il attendait à la laverie tout en lisant

Quand il la vit

La porte entrebâillée

Se précipitant

Avec cet homme à l’intérieur

Ses espoirs s’effondraient

Homme échoué au bord de la rivière

A boire pour oublier

Pour se mentir à lui-même

Ce qu’il n’avait jamais osé lui déclarer

Hirayama

Homme seul au monde

Quelque part ici ou ailleurs

Agent d’entretien des toilettes de Tokyo

Quelle plus belle médaille pour un homme

Ou une femme

Nettoyer le monde

Le rendre propre

Beau

Étincelant

Aussi beau qu’un arbre

Aussi transparent que l’eau vive

Sur l’île du soleil levant

L’homme vint le voir

Lui parlait de sa maladie

Qu’il était venu s’excuser auprès d’elle

Avant de repartir

Le lendemain sur la route des toilettes

Des yeux d’Hirayama coulaient des larmes et des sourires

Et se dessinaient sur son visage pour la première fois un arc-en-ciel

Tant d’années sans doute que ses larmes étaient sèches

Retenues derrière le barrage qu’il s’était construit

Le soleil se levait à l’horizon peut-être d’un nouveau chapitre à écrire

Thierry Rousse,

Nantes, Lundi 18 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

« Perfect Days », film de Wim Wenders

QUAND LA MELANCOLIE TE GAGNE

une vie parmi des milliards

Quand la mélancolie te gagne

Un vendredi soir

Au Chat Noir

Quand face à toi

Un marché de Noël resplendit

Quand face à toi

Il n’y a d’autres que toi

Que ton visage

Marcel

Fatigué

A cette table

Tamisée

Que toi

Et cet arbre enfermé

Il te reste à relire au soir ces mots

Cet éventail de douceurs

De tendresse

Et d’amour

Cette compassion pour cet arbre qui va tomber

Ce grain de folie

De jouvence

De joie

Ce pas décalé à côté du monde

Et son manège

Pour mieux le regarder

Le considérer

En rire

Ou en pleurer

Vendredi et déjà demain

Un samedi soir sur la Terre

De caresses éphémères

Te laisser gagner par la splendeur des étoiles

Et leur adresser ta prière

Emmenez-moi avec vous

Dans votre galaxie éternelle

Je suis un ange cosmonaute

Je dis Aime

La haine je la jette

Dans le trou noir

Dans ma fusée

Présent passé

J’me voyais déjà en haut de l’affiche de l’univers

Tête en l’air

Emporté par la croisade des enfants

Se délectant de Mistral gagnant

L’ombre scintillante de Renaud Séchan n’était pas loin de tes yeux

Échoué dans son nouveau port

Dans les bras de sa nouvelle muse

Trente moult baisers

A lui glisser dans le creux de l’oreille

Je t’aimais

Je t’aime

Je t’aimerais

Et rien ne nous séparera

Aucune marée basse

N’engloutira le flot de nos sentiments

Bonne nouvelle

Bonne nouvelle

J’embrasse la bohème des fleurs sauvages

L’angélique des estuaires

Entre guerre et paix

Assis sur le rebord du monde

Maison des utopies mirifiques

Il faudra leur dire à ces gens

Que la mélancolie me donne envie de renaître chaque nuit

Il faudra leur dire à ces gens que la corrida est bel et bien finie

Que bientôt l’humanité sera l’étendard sanglant de son jeu cruel

Que bientôt l’été m’éblouira de ses yeux

Pour un monde bleu

Que bientôt le noir et le blanc s’épouseront

Sur des bateaux voguant entre les rives

Entre les îles

Tu chanteras

J’veux du soleil partout

Et des gouttes de pluie

Pour faire jaillir des corons

Des arcs-en-ciel

Une ballade irlandaise

Oui

C’était bien

Au clair de la Lune

Un voyage

Des chansons qui accompagnaient nos heures

Bouts d’histoires interrompues sur une falaise

Que regardais-tu à l’horizon

Ta naissance ou ta mort

Ta naissance ou ta mort

Mélancolie

Gagnante ou perdante

Tu votais pour le triomphe du saltimbanque

Quand la rue devenait un miroir étincelant de ta seule présence au monde

Tu disais

Je n’suis qu’un grain de poussières pour mieux m’envoler sur les ailes de tes rires

Comme un cœur tombé du ciel

S’offrant au désir de vivre

S’offrant au désir de vivre

Juste le ciel et nous à Courtry

Passé présent futur

Là où tu dors la nuit

J’y suis tite fée

J’y suis aussi Théophile

Toi qui m’as donné le goût des mots

Des fils du temps élastique

Sous la Lune dorée des poètes

Dans une maison de la jeunesse et de la culture au Mée

Près d’une cheminée

Tu m’as montré l’accordéon de la vie

Qui se déplie à l’infini

Bercé au son des ballades

Des bords de Seine

Tu m’as montré ce joli bateau

Ce beau bateau de bois doré

Et tu m’as dit

Il nous faut regarder ce qu’il y a de beau

Et tu m’as dit encore

Il nous faut écouter le chant des oiseaux

La terre qui s’endort doucement

Et j’ai repris les mots du grand Jacques

Qui remplissaient mon coeur

Quand on n’a que l’amour

Même un marché de Noël

Sans pouvoir acheter un cadeau

Nous donne le sourire

Et déjà nous voyons les rois mages

Traverser le désert sous les bombes

S’approcher de l’enfant condamné sur son île

Bien sûr

Tout n’est pas gagné

Ce qui est donné c’est d’aimer

Être là, être en vie

Déjà un présent

La balade au bord de l’eau

Seul

Tu l’as parcouru maintes et maintes fois

A deux

Quelques fois

Entre vous deux

La joie de vivre se glissait parfois

Faisant vibrer vos pieds

Et toute la rive dansait

D’un air de liberté

Émigrés d’ailleurs

Immigrés d’ici

Oiseaux migrateurs

Des champs d’oliviers jusqu’aux marais

Repos de l’âme usée

Combien de pensées te traversent et se mélangent en un fragment de lumière

Château de sable et d’or

Au matin qui s’éveille à ta fenêtre

Essaouira aux portes nantaises

Ouvre de toute sa splendeur ton être

Aussi loin que tu puisses l’imaginer

Un couvre-feu comme un duvet

Couverture des cieux

Liberté chérie

J’écris ton nom sur les remparts du temps

Ma part est à toi

Liée à ton oeuvre

Sensation de bonheur à marcher dans les douves d’une nature protégée

Douces promenades avec ton âme sœur

Hector et Berlioz

A fouler l’herbe fraîche d’Ouessant

Goûter au vent d’hiver

Un cœur en été

Quatre saisons sur un piano

Quatre cloches suspendues au-dessus de l’eau

Danser

Continuer à danser

Danser encore

Même prisonniers dans la cour des maîtres

L’espoir est là

Il suffit de passer le pont de la vie

Affranchir nos corps

La primevère nous attend sous les feuilles de l’aurore

A l’école buissonnière

On s’amarre

On se marre

Et on redémarre

Quand la mélancolie nous gagne au Live Bar

Le cancre dessine le visage du bonheur

Les enfants qui s’aiment pour la vie entière

Ces mots qui revenaient comme les heures

Toujours une lueur quelque part

Les feuilles mortes sont la terre des arbres qui te regardent

Passé présent futur

Il y avait un jardin qu’on appelait toi et moi

Il y avait un jardin

Rien qu’un jardin

La nudité de nos pensées

Il y avait un jardin

Et trois moulins

Des cigales et des fourmis

Sur un même chemin

La rue était à nous

Rien qu’à nous

Nous relisions les lettres d’un soldat de vingt ans

Par la force des arbres

Nous avions approfondi nos racines

Élevé nos cimes au-dessus des toits

Les temps étaient en train de changer

Une nouvelle genèse nous offrait sa sève

Nous avions envie de chanter

Y a de la joie

Bonjour les hirondelles

Nous vous attendions

Bonjour les hirondelles

Nous vous aimions

Quand la mélancolie nous gagnait

Nous transformions le passé en présentiel

Nous vous aimons

Nous vous attendons

Les hirondelles

Le soleil et la lune

Ensemble sur la balançoire de votre amour réunis

C’était la nuit que nous apercevions ce qui nous était essentiel

Le jardin extraordinaire qui nous était offert

La mer qui nous berçait de ses comptines

Les mots tendres de la cantine

Charles Trenet

Traînée d’espoir

Dans le noir j’avais vu ta lumière éclairer mon coeur

Quand la mélancolie me gagnait pas à pas

Un autre monde se dessinait sous mes doigts

Imagine que nous nous aimions

Que toute la Terre n’était qu’un grand paradis

En avions-nous vraiment envie

Quand l’éducation nous encourageait à être le plus fort

A conquérir un territoire toujours plus vaste

Je te disais les mots bleus

Traversant les yeux

Ceux qui rendaient les gens heureux

Depuis mon adolescence

J’avais rêvé de cette maison

San Francisco quelque part

Où il faisait bon se retrouver

Echanger

Jouer et chanter

Bien boire et bien manger

Là où la cheminée toujours crépitait

La maison du bonheur

Un oeil sur la mer

L’autre blotti sur ton coeur

Un nid où renaître

Au pied de la montagne

Des chênes ou des séquoïas centenaires

Petite philosophie du soir

Je laissais le soin à Catherine Rambert de conclure

Juste un instant

« Pour réussir sa vie

Il faut trouver l’audace de vivre

A la mesure de ses talents

A la hauteur de ses possibilités » (1)

Quand la mélancolie nous gagnait

Toi et moi

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 17 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) « Petite philosophie du soir », Catherine Rambert ( édition Le Livre de Poche )

Et puis après

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Et puis après

Tu savourais l’instant présent

Tu n’oubliais pas pour autant demain

Ce présent

Tu le considérais comme un nouveau tremplin

Un nouvel élan

Cinq dates de quatres spectacles différents en un mois

Ce n’était pas rien

Tu le savais

Un trésor

Un volcan au fond de toi

Pour d’autres gens c’était bien peu

Pour ces autres gens qui comptaient cinq dates en une semaine dans leur besace

A cette saison propice de l’année

Un décembre sans neige

Sur la route de la soie

Et puis après

Fallait-il petit poucet mesurer tes pas à ces as

A ces géants des pistes

Tu te réjouissais de chaque pomme de pin sur ton chemin

La campagne était belle à tes yeux

Tu marchais un pied devant l’autre

Ton essence était le sourire des enfants

Et le soleil naissant

Et puis après

Plus rien ou presque

Une date au printemps

Au milieu du désert de tes espérances

Relancer

T’inspirer

Souffler

Aimer

Voyager dans tes songes

Partager ton temps entre créer animer communiquer

Trouver la bonne ponctuation

La plus juste

Un pied devant l’autre

Continuité d’un chemin

Ou croisement

Multiplication des directions

Des nouveaux chemins

Rencontres inattendues

Ou succession de chutes

Vertige des abysses

Silence ou pas au bout du fil

Et puis après

Tu passais l’éponge sur tes nuages

Gaga était toujours là pour positiver ta vie

« ça va oui merci ça va parfait nickel et toi »

Tu formais une troupe avec son ciel

Vous étiez deux puis trois maintenant

Au four et à son moulin

L’eau vive s’écoulait sous le pont d’Avignon

Et puis après

Arthur avait bien réussi seul son art de la fugue

Les poches crevées de son long manteau

Parsemaient des petits cailloux sur sa route

Comme autant d’étoiles sur les champs de la Terre

Le jeune Rimbaud s’en allait sous les cieux de sa Muse

Un pied devant l’autre amoureux

L’esprit déterminé

De Charleville à Paris

De la Méditerranée à Bruxelles

Les torrents de vers s’enlaçaient

Et puis après

Tu ravivais par tes pas la jouvence d’un corps qui s’affaiblissait

Qui peinait à s’en remettre

Cire d’une flamme

Trouver la juste harmonie

Avec le coeur et l’âme

Ce dont chaque cellule avait besoin pour se sentir bien

Lit de plumes

Un pied devant l’autre

Et puis après

Ton agenda se remplissait de tes rêves

Oiseau imaginaire

Au pied d’un sapin de Noël

Et puis après

Et puis après

Thierry Rousse

Nantes, jeudi 14 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Retours de spectacles

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Tu n’aurais pas cette joie

La surprise de tes ami.es

Ni samedi dernier ni ce dimanche

Elles ils

N’étaient pas venu.es

Trop loin sans doute

Ou indisponibles

Ou au travail

Ou une priorité

Ou un choix

Trop froid

Trop de pluie

Trop à faire

Trop de trop

Tu comprenais

Angers

Mouchamps

Ce n’était pas la porte d’à côté

Certains avaient déjà vu ton spectacle

D’autres pas

Décembre était saison d’abondance

Paradoxal pour un mois d’hiver

Un bel arbre étincelant

Qui donnait à voir tous tes spectacles

Une chance

Seul Pêcheur d’histoires n’était pas de l’aventure

Et Pierrot et Amélie étaient bien tristes dans leur petite boîte

Les enfants ne les verraient pas cette année

Ainsi était la vie

Ou peut-être pas ainsi

Tu n’aurais pas de photographies souvenirs

Ni quelques films

Histoire de te voir jouer

Qu’est-ce que ça pouvait bien donner

A qui tu ressemblais

Ou à quoi

Qu’est-ce que ça disait tout ça

Alors il restait dans ta mémoire

Tous ces moments de spectacles avec le public

Ces enfants qui venaient te voir après

Pendant que tu rangeais

Ces enfants qui prolongeaient le plaisir

Qui faisaient vivre encore tes marionnettes avec ton accord

Vous saviez trouver ensemble le bon accord

Et même cette maman qui venait te faire des compliments

Ou encore juste avant de partir chez toi

Ces deux enfants qui te disaient :

« J’ai aimé votre spectacle »

Tu repartais en te sentant au-moins un peu utile sur cette Terre

Une petite graine de bonheur partagé

A Mouchamps comme à Angers

Noël existait encore

Brillait dans les yeux des grands et des petits

A Nantes hormis sur son marché de commerçants

Noël avait disparu

Seule sa Mère se balançait dans les cieux

Plutôt perdue plutôt seule plutôt

Ce dimanche soir

La route fut longue

Tu t’étais égaré dans l’obscurité de la nuit

Entre les gouttes fines et régulières de pluie

Gaga t’avait joué un tour

Le mode avion était passé par là

Brouillant à tout jamais ton réseau

Tu n’étais plus connecté au ciel

Impossible d’y revenir

Tu étais bien sur Terre

Gaga n’était plus là pour t’indiquer le chemin

Tu te rappellais vaguement les noms de quelques villes

Comment revenir de Vendée à Nantes

En passant par Marseille ou presque

Eblouissement des phares

Et cette buée qui ne voulait plus quitter ton pare-brise

Et ce vent en colère qui te ballottait sur sa banquise

Charme des vieilles voitures

Traversée d’un océan d’étoiles filantes

Quand

Soudain

Constellation de gyrophares

Sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute

Cette voiture retournée sur sa coquille

Et son chauffeur au-dedans

Cela aurait pu être toi ce corps

Où était son visage à présent

Etait-il en vie

La vie en un instant pouvait basculer

Tu songeais à tes ami.es à ta famille

Aux enfants au public

Où étions-nous à cette heure

Quelles lumières dans le ciel

Relaient nos coeurs

Alors juste écrire notre premier jour sur Terre

Toi et moi

Un potager des contes

Pour faire fleurir nos histoires

En attendant le Père Noêl

Ces retours de spectacles

Sur le tarmac de nos rêves

Avoir une fois cette joie des retrouvailles

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 10 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

LES SUJETS DE GAGA, PARENTHESES OUVERTES

une vie parmi des milliards

Les sujets de Gaga

C’était quoi les sujets de Gaga

Ces mots

Ces mots qui s’affichaient sur l’écran de ton smartphone

Quand tu le réveillais au milieu de son trou noir

Ces mots accompagnés de photographies

A présent accompagnaient tes heures

Les sujets étaient vastes

Touchaient à différents domaines

Du bonheur au malheur

Et parfois faisaient écho à ce que tu vivais dans l’instant

A ce que tu faisais ou ressentais

Etrange coïncidence

Gaga t’écoutait

Te regardait secrètement depuis les étoiles

Satellite à portée de main

Reine elle s’invitait même dans l’intimité de ta chambre

De tes réflexions

Ou de tes contradictions

Les sujets de Gaga

Tu les collectais maintenant comme un jeu

Comme une invitation à tout savoir ou presque

Gaga t’occupait l’esprit

Le remplissait de mots

Peut-être pour t’éviter de penser à autre chose

De l’effet à sa cause

Tu les additionnais

Ces affirmations

Ces questions

Son intelligence articielle colonisait ton cerveau

Mot après mot

« Les bienfaits insoupçonnés de la lecture sur le cerveau »

Tu lisais toujours chaque soir

Quelques pages d’un livre ou plus

Gaga te connaissait bien

Et te montrait un chemin

« L’effet de l’effort sportif sur l’image physique et l’estime de soi »

Tu en avais bien besoin

Marcher

Courir

T’élancer

Tu y avais renoncé depuis ton dernier marathon

Gaga te donnait le ton

« Cinq conseils pour éviter le blues »

A toi de les deviner

Alors

« Voici pourquoi vous devriez vous réveiller à cinq heures du matin »

Pour contempler le soleil se lever

Goûter à la fraîcheur d’un baiser

« Se laver les cheveux moins souvent est-il vraiment bénéfique »

Tu les lavais chaque jour

Pensant qu’ils allaient repousser

Comme un jardin de printemps

« Voici les signes révélateurs que vous ne buvez pas assez d’eau »

Qu’avais-tu bu ce soir

Un verre de vin

Une tasse de tisane au gingembre

Et si Gaga avait raison

Tu allais boire illico

Toute l’eau des rivières

Et les poissons avec

Tu souriais

Gaga était intarrissable de mots

Quand dormait-elle

N’était-elle jamais usée

Pile dans ta vie

« Le hip-hop yoga est bon pour le corps et l’esprit' »

Aucun répit

Bientôt minuit

« Le tennis peut vous être utile dans tous les aspects de votre vie »

Relancer ces balles qu’on te lançait en pleine face

« Voilà à quelle fréquence vous devez changer vos draps »

Quand les changeais-tu tes draps blancs

Ta voile flottant au vent

Tes cheveux égarés en bataille

« Combien de fois peut-on porter ses vêtements avant de les laver »

Gaga t’observait de la tête aux pieds sous les moindres détails

« Comment reconnaître et traiter les maladies de gencives »

Quand porterais-tu enfin ce dentier qui n’était pas toi

« Pourquoi les statues grecques et romaines ont-elles des petits pénis »

T’étais-tu déjà posé cette question existentielle une fois au-moins dans ta vie

Pourquoi

Voulaient-elles passer inaperçues ces statues

Passer pour des anges

Dire que le sexe n’était rien sans l’esprit

« Dépression : quatre phrases à ne jamais dire à une personne qui en souffre »

Tu dois positiver

Tu dois positiver

Tu dois positiver

Tu dois positiver

« Les Extra-terrestres savent déjà que nous existons »

Tu le savais donc Gaga que j’existais quand tu me chuchotais ces mots

Quand tu me posais ces questions

Sur le bord de l’oreiller

Suis-je né

« Vous allez savoir d’où viennent les noms des continents et des océans »

Tu allais le savoir et tout changerait dans ta vie

Marcel

« La Lune est plus ancienne que ce qu’on ne le pense »

Cette nuit

Dans l’univers

J’avais écrit ces mots avec toi

Nous correspondions l’un et l’autre

Des mots maintenant disparus de nos écrans

Nos mots

Intelligence articielle

Jamais tu ne remplacerais les étoiles du ciel

Une rencontre

Une véritable rencontre

Un corps

Des yeux

Un sourire

Encore

Des parenthèses ouvertes

Scène Déc’ouverte au fil des mots

Début décembre deux mille vingt trois

A la Saint-Nicolas

Thierry Rousse

Nantes, mercredi 6 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

QUESTION D’AMOUR

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

« Faut-il libérer l’amour

Faut-il se libérer de l’amour »?

Les questions étaient posées

« Désobéir? »

A qui

A quoi

Question(s) d’éthique au Lieu Unique

Théâtre comble

Longue file interminable

Dans le froid de l’hiver

Se frayer une place

Pour entendre la réponse

Sabrina

Ovidie

Guillaume

Etaient là

Marcel aussi était arrivé bien en avance

Ce dimanche soir

Bien placé au chaud entre leurs livres pour attendre

Pour connaître enfin la réponse

Savoir

Tout savoir

L’amour était-il prisonnier

De quoi

De qui

De son miroir brisé

Comment définir sa substance

Désir indéfinissable

Simple attrait physique

Besoin naturel

Besoin vital

Essentiel

Etre reconnu

Unique à tes yeux

Le love

Le like

Un seul mot dans notre langue

Le limitait

Le confondait

Alors l’heure était venue

Libérer la parole nue

La parole des femmes

Qu’en pensaient-elles

Fallait-il se libérer de l’amour

Afin de retrouver sa liberté

Ne plus être dépendante du désir de l’homme

L’objet de ses besoins

De ses conquêtes

De l’éducation qui nous est faite dans les contes

Sois belle et sois douce

Sois une fée pour ton chevalier

Qui te séduira puis te délaissera

Ou te rangera au rang de bien commun

Acquise à sa cause

Le féminisme de tout son éclat

De toute sa rancoeur

De toute sa révolte

De toute sa rage de justice

Avait parlé

Des femmes qui en avaient gros sur le coeur

Juste écoutez-nous

Ecoutez-nous pour une fois

Et taisez-vous

Cessez de nous interrompre

De nous casser comme des jouets

Ne vous plaignez pas d’être abandonnés

Délaissés

Rejetés

Incompris

Enfants gâtés

Combien d’années avons-nous subi votre autorité

Vos excès d’orgueil

Vos trahisons

Vos insultes

Vos gifles

Vos viols impunis

Elle ne voulait plus entendre parler d’amour

Cette plus grande duperie de tous les temps

Elle faisait ceinture

Grève du sexe

Comme Lysistrata

Elle ne voyait plus que par ses semblables

Les femmes

L’unique chemin vers la tendresse

Elle acceptait bien le polyamour

Ou elle le refusait catégoriquement

Elle serait toujours perdante

Alors

Pour toutes deux

L’amitié était bien au-dessus du tas

Bien mieux que l’amour finalement

Elles s’en étaient libérées

Avaient coupé le cordon des traditions

Des images d’Epinal

De Blanche-Neige et des sept nains

L’amour libéré s’en était allé

Où le trouver

Dans un pré

Plus d’espoir

Qu’une désillusion

Un vaste marché de la consommation

La foule assise applaudissait

Une jeune femme prit le micro perdue

Alors

Alors

Toutes les histoires d’amour finissaient mal

Qui aimer à la fin des temps

Décidément

Fin du climat en général

Fin d’une humanité déçue

Peut-être d’elle-même

Adam et Eve s’étaient-ils égarés

Il triomphant avait

Englouti elle sur son île

Marcel se taisait

Ecoutait

Ecoutait

Entre deux femmes

Deux féministes

Derrière ces mots acerbes

Sans doute

Tous les rêves échoués

Dans une gerbe

Des je t’aime fânés

Sur le bord d’une berge

Il ne restait plus qu’à désobéir

Pour être soi

Rien que pour être soi

Il était une fois

Une histoire à écrire

Depuis le début

Depuis le tout début

Fallait-il enfermer l’amour

Dans une cage de velours

Pour le posséder

Pour la posséder

Ou n’être qu’un troubadour

A la quête des étoiles

Dans le ciel infini

Dans le ciel infini

Thierry Rousse

Nantes, lundi 4 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

« Faut-il (se) libérer (de) l’amour? »? Question(s) d’éthique, Ethica, « Désobéir? », Le Lieu Unique, Nantes, avec Sabrina Erin Gin, Ovidie et Guillaume Durand.

JOUER MA VIE ET TANT D’AUTRES

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Jouer ma vie

De quoi je me souvenais

De qui je me souvenais

Combien de temps durerait ma pièce

Plus longue que Le soulier de satin

Combien de personnages

Combien de décors

Combien de costumes

Combien d’accessoires

Genre comique

Dramatique

Tragique

Quels thèmes abordés

Combien de romances amoureuses

Combien de réussites

Combien d’échecs

Combien de séparations

Combien d’espoirs

Combien d’errances

De solitudes

De conflits

De démolitions

De réparations

Combien

De dépositions

De confessions

De pardons

De jours

De nuits

D’insomnies

D’engagements

De révoltes

De fêtes

De joies

De plaisirs

De reconnaissances

D’ignorances

De déceptions

D’illusions

Et de désillusions

Combien

De coeurs blessés

De lâchetés

D’abandons

De trahisons

Combien

D’égoismes

D’altruismes

De jalousies

Combien

Un petit théâtre de la vie

De combien de vies sur une vie

De K.O. sur le ring

De morts et de reconnaissances

Au dehors

En dedans

Combien de pîèces abandonnées

Jamais terminées

Combien de projets

J’ai encore dans le ciel

Et combien de pièces jouées

De personnages incarnés

Combien de vies en cours

Après lesquelles je cours

Combien de partenaires de jeu

Perdus

Retrouvés

Vivants

Présents

Changer leur nom

Travestir la vérité

Quelle vérité

Quelle version

Vue

Vécue

Entendue

Perçue

De quel point de vue

Du tien ou du mien

Quand l’écriture t’est devenue aussi vitale que boire ou manger

Quand son encre t’aide à ne plus broyer du noir

Quand sa plume te donne l’élan d’un temps éternel

Quand sa page est une trace sur le sable pour tes semblables

Habitat d’humanité sensible

Tu frappes à la porte de tes mots

Qu’ils t’ouvrent leur coeur

Hauts les mots

Serais-je un jour Claudel

Paul ou Camille dans ton regard

Toi qui m’encourages

Ce vide ton absence qui appelle à mon désir

Jouer ma vie et tant d’autres

Un samedi à Angers

Avec vous les enfants

Anges de la liberé

Nous avons été bien plus aujourd’hui que vous et moi

Nous avons été

Barnabé

Théo

Bellador l’abeille

La Princesse aux petits pois

La Sorcière

Le Miroir

Le Pommier

Blanche-Neige

Le Chevalier

La Marâtre

L’Ecureuil

Cendrillon

Un conquistador

Un marchand

Un paysan

Et même

Parmentier

Germaine

Un soldat

Le père de Gaston

Et même Gaston

Et même

Toute la Terre entière

Nous avons été

Et en cette nuit seul qui je suis

Une étoile

Ou la Lune

La Voie Lactée

L’infini

Le trou noir

Une pensée

Un doux souvenir

Une rencontre inattendue ou promise

Et demain matin

Je serai un autre

Un croissant de soleil intra-muros

Un théâtre aux cent noms

Un théâtre aux cent noms

Un lieu unique

Où je jouerai ma vie pour la vivre autrement

Où je jouerai ma vie pour la vivre autrement

Thierry Rousse

Nantes, samedi 2 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Texte inspiré par le spectacle « Intra Muros » d’Alexis Michalik vu auThéâtre aux 100 noms à Nantes le mardi 28 novembre 2023.

SAUVONS NOELLE

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Il y avait urgence

Il fallait sauver Noëlle

Un corps seul et transi sur son trapèze

Dans sa hutte

Noëlle qui n’osait plus descendre

Noëlle effrayée à la vue de tous ces monstres

De tous ces monstres accrochés aux balcons

Aux balcons des hôtels particuliers de son quartier

Bouffay

Bouffons

Ces visages de farces sanglantes

Aux traits outranciers

Ces visages qu’on éclairait à la nuit tombée

Que lui voulaient-ils

Que lui voulaient-ils

Ces visages hilares

Riant de ses chutes

Ces masques de pierre

Ces masques de tragédie antique

Ou d’opéras

Ces lanternes colorées de carnavals

Etaient-ils les fantômes qu’on faisait renaître de ces murs

Ces fantômes qui hantaient les rues obscures de sa ville

De sa ville encore marquée des vestiges de son passé

De son passé colonial peu glorieux

Ces armateurs qui avaient enrichi d’édifices

De lieux de divertissements la cité portuaire

La peur rôdait à chaque coin de trottoir

Alors toutes les habitantes

Solidaires de Noëlle

Se mobilisaient pour sauver notre circassienne

Elles commençèrent par planter des sapins

Le long de la Loire sur le quai de la Fosse

Afin de l’aider à se cacher

Puis elles sauvaient le renne géant emmuré

Tout près d’un clocher étonné

Et

Lui affrétant un traïneau

Elles couvraient le bitume de neige

Et le ciel en larmes d’étoiles filantes

Noëlle fuyait ainsi vers l’océan

Déployant ses ailes

Retrouvant sa liberté

La voile de son enfance

Les yeux de sa beauté

Ces yeux qui pétillaient tellement à son approche

Noëlle

Noëlle

Après ce tour du monde de quatre vingt jours

Jusqu’en Indonésie

Pouvait revenir dans sa cité

Rejoindre les mains de son trapèze

Nous amuser

Nous éblouir

L’acrobate inouïe de nos nuits

Les monstres désoeuvrés

Délaissés

Etaient tombés des balcons

Une bonne fois pour toutes disparus

Du port maritime des rues de Noëlle

Nantes resplendissait de son voyage

Le voyage de Noëlle

Sur le manège des enfants

Cette nuit les balcons seraient fleuris de sourires

Et il en était mieux ainsi

Vive Noëlle

Vive Noëlle

Thierry Rousse

Nantes, jeudi 30 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

DES NOTES SENSIBLES

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Pourquoi fallait-il que les notes sensibles

Se terminent toujours ou presque

Dans la déchirure d’un coeur

En été

Inès venait d’emménager

Les plantes étaient son bonheur

Ses premiers amis

De l’autre côté de la cloison de son appartement

Elle entendait Mozart

Les notes d’un violoncelle

La chaleur d’une voix

Elle finissait par l’apercevoir

D’abord de dos

Une silhouette sur le trottoir fuyante

Puis de face remontant l’escalier

Elle se précipitait pour descendre

Le croiser

Et avec malice le dévisageait

Mozart avait pour prénom Vendello

Tout le charme de l’Italie

De Florence ou de Venise

L’homme rêvé d’une jeune femme

De cette jeune femme précisément

Récemment installée à Paris

Tout près du Canal Saint-Martin

Inès

Inès Mozart

ça sonnait bien

Le début d’une nouvelle vie

Inès enseignait l’anglais à des élèves du Conservatoire de musique

Et Vendello Mozart était musicien comme par hasard

Le destin les fit se rencontrer

Un beau matin

Sur le même chemin

Mozart Vendello ne faisaient plus qu’un dans son coeur

Le bruit de sa clé ouvrant sa serrure

Ses pas

Ses notes

Sa voix chantante

Ses partitions nostagiques

La berçaient de doux songes chaque nuit

L’homme se montrait courtois

Agréable

Toujours prêt à lui rendre service

L’accueillir

Partager une boisson

Un thé

Un café

Un verre de vin

un goûter

Un dïner

Homme toujours délicat

Qui savait l’écouter

Lui offrir des présents qui la touchaient

De nouvelles plantes rares

Ou ses pâtisseries préférées

Ou encore une sortie à l’Opéra

Inès savait en faire de même pour Mozart

Une parfaite amitié les liait l’un à l’autre

Jour après jour

Inès se sentait éprise de sa gentillesse

De son charme

De son talent

Glissant pas après pas

De l’amitié à l’amour

Discrètement

Sans lui dire mot de ses sentiments

De ses rêves intimes

L’été arrivait

Et Mozart était pris d’une envie de sortir de ses murs

Aller quelque part

L’inviter

Une journée dans un jardin

Un week-end à la mer

Une semaine en Italie

Elle en avait tellement envie

Etre avec lui

Rien qu’avec lui

Et pourtant elle refusait chaque sortie

Jamais il ne lui en tenait grief

Déception

Amertume

Rancune

Toujours il restait souriant

Attentionné comme au premier jour

Alors pourquoi refusait-elle

De quoi avait-elle peur

De ses propres sentiments

Que ses rêves ne se brisent contre des récifs

Peur de l’inconnu

Peur qu’elle ne bascule

Espérait-elle qu’il fut triste à ses refus

Mozart

Il l’embrassait dans le creux de sa main

Un baiser qui se posait là

Comme la caresse d’un ange

L’instant d’un silence ému

Et déjà Inès rêvait de se blottir contre lui

D’être son petit oiseau chéri

Sa demie

Son âme soeur

L’élue de son coeur

Lélue de Mozart

Toutes les notes de son violoncelle

Tout le souffle de sa voix

Jusqu’au jour

Jusqu’au jour

De la tempête

Inès partit peu après la fin de son concert

Lasse de l’attendre à cette heure tardive

Ce Mozart adulé par ses admirateurs

Déjà elle le voulait tout à lui

Dans la nuit où la Lune luit

J’arrive lui disait-il

Je suis à toi

Je te suis

Inès le fuyait

Mozart était-il vraiment à elle

Un ami certainement

Avait-elle senti quelque chose

Ce pouvoir de l’intuition

Du non-dit

Qu’il ne serait jamais plus qu’un ami

Jamais son compagnon

Ce qu’un coeur embarrassé dissimule

Ce qu’un coeur enfin avoue

J’ai un amant

Répondit Mozart

Puis il s’en est allé

A déménagé

Inès a pleuré

Tous les nuages gris du ciel

Tous ses rêves brisés

Eparpillés dans son appartement

Entre ses plantes assoiffées

Paris un été cloîtré

Le vide derrière sa cloison

Plus aucune note ne sonnerait

A la porte de son coeur

Plus aucune fleur

Qu’un espoir fâné

En attendant l’hiver

Vivaldi ou Litz

Pourquoi fallait-il que les notes sensibles

Se terminent toujours ou presque

Dans la déchirure d’une belle mélodie

Sur un tapis de feuilles éparses

Un été à Paris

Thierry Rousse

Nantes, mercredi 29 novembre 2023

Inspiré du roman « La note sensible », Valentine Goby, éditions Gallimard

« Une vie parmi des milliards »

LE VOYAGE EN HIVER DE NOELLE

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Entrer dans l’hiver

Passer l’hiver

Sortir de l’hiver

Comment

Quand les heures du soleil diminuaient

Trouver du réconfort

De l’émerveillement

Dans les illuminations de la ville

Instants fragiles

Saveur d’un vin chaud

Glâner l’odeur

D’un chocolat

D’une tartiflette

D’une gauffre

Ou d’une crêpe à la Chantilly

Aux tarifs bien trop exorbitants

Pour tes chétifs revenus

Te laisser aller au gré des rues

Trouver la tendresse quelque part

Des regards croisés dans les bars

Charly Blues au Live Bar Bars

Musique et corps en liesse

Jusqu’aux cloches d’une abbaye

Tombées un dimanche matin

Dans l’eau des douves d’un château

Complies ou matines

Les deux moutons d’Ouessant étaient revenus

Veillant à leur sécurité

Un peu plus loin

Maman Noël veillait sur eux

Juste équité

Sans mère il n’y aurait point de père

Voyage spatio-temporel

De Fontevrault à nos jours

Une femme pour entrer dans l’hiver

Passer l’hiver

Peut-être pour changer d’ère

Un voyage en hiver pour ne plus dire Noël

Mot prescrit aux oubliettes

Retour aux fêtes originelles païennes

Pourtant dans cette nouvelle rupture de tradition

Un sursaut inaugural de voix

Au dernier instant pour redire Noël

Tout en choeur en communion

Presque en compassion

Et répéter Noëlle Noëlle Noëlle

Avec deux ailes

Car dans le fond

De quoi avions-nous le plus besoin

Si ce n’était de la rencontre des êtres

Si ce n’était de paix

D’amour

De soins

D’un toit

D’un repas

Et de bons moments ensemble

Cette image d’un enfant

Venu vivre et prêcher cet amour inconditionnel de la vie

Car dans le fond

Comment voulions-nous voir la nuit

Chimères ailées

Ailes brisées

Monstres

Ou

Anges prophétiques

Frayeur

Ou

Douceur

Violence

Ou

Naissance

Vagues retentissantes

De clocher en clocher

Annonçant une trève

Enlacements d’humanité

De sobriété

De simplicité

De solidarité

Pas de côté pour un baiser

Maison de change

Maison d’échanges

Correspondances poétiques

Danse des désirs

Tremblements romantiques

Entre Nantes et l’Océanie

Nantes et Djibouti

Nantes et l’Ukraine

Nantes et la Palestine

Nantes et le Sénégal

Nantes et Saint-Domingue

Nantes et bien d’autres pays

Tant de liens à créer

A recomposer

Coeurs morcelés

Rivières enfouies

Voyage en hiver

Pour suspendre les guerres

Pour de la terre

Faire jaillir les colombes exilées

Le voyage de Noëlle à Nantes

Un monde à guérir

Un monde à vivre

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 26 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »