Sur le Bateau-Vivre

 

Face à l’océan

Un week-end de Pâques

Face à l’océan

J’arrivais là où mes croyances s’arrêtaient

Face à l’océan

J’arrivais à la fin d’un chemin tout vert

Face à l’océan

J’arrivais enfin au pied d’une mine d’or

Face à l’océan

J’avançais dans les flots d’une marée galopante

Face à l’océan

Juste face l’océan

Et puis rien

Une ligne de brouillard

Un cheval

Une voile

Peut-être un bateau

Une cité sur l’eau

Et puis rien

Habitée ou déserte

Une planche

Ou mieux un radeau

Un radeau

Et puis rien

Un bout de forêt perdue

Un homme

Peut-être une femme

Ou un enfant

Ou l’humanité entière

Ou Dieu

Et puis rien

Rien que le songe d’un marin solitaire

Au milieu de l’univers

Pas un mot

Au fond de son bateau brisé.

J’étais là face à lui

Face à un premier soleil d’un été printanier

J’étais là sous un ciel d’un bleu épuré

J’étais là face à ce marin si fier de sa Bretagne natale

J’étais là

Mon mensonge cherchait un coin d’ombre

A l’abri d’un rocher résistant à la tempête du monde

J’étais là

Et puis rien

Qu’une plage de silence.

J’avais laissé Monsieur Hulot

Mes jeux de mots et mes rires

Traînant au large mon âme pensive

D’un pas hésitant je libérais mes pieds sur le sable

Nus dans le flot incessant des vagues.

Libre

J’aurais pu être heureux, je me disais

Si une main avait été là

Partager de nos regards enlacés

La beauté qui nous aurait réunis

Le champ des baisers et des caresses

Le ruisseau des délicates attentions

J’aurais pu être heureux, je me disais

Si j’avais su recevoir la main de la sirène

Qui s’était offerte un soir à la mienne.

C’était là la complainte de mon marin solitaire qui méritait ses larmes

Au fond d’une bouteille à la mer

De la Martine, la Martine à la mer, la fille de Vannes

Qui embarquait le temps de ses vacances sur le Bateau-Livres.

Heure suspendue entre les pages de cette épicerie littéraire inattendue

Mes doigts étaient bien incapables d’écrire un mot l’un après l’autre sur la terrasse du temps

Rien qui n’allait, rien qui rimait

A la veille d’un second tour décisif

Entre deux têtes d’affiche

Rivalisant d’éloquence trompeuse

Quand la tendresse, au fond, était le seul bien essentiel

L’unique richesse à laquelle je croyais.

J’étais là dans le Morbihan avec mon passé

Là dans la vie avec mon présent

Là ignorant devant mon avenir

Là, juste là

Ne pas rêver ma vie mais la vivre simplement

Tout simplement

Tout simplement

Le chant d’un oiseau

D’un soleil couchant

La présence d’un chat

Qui bondissait sur ma table

Pour écrire ses miaulements

Que pouvais-je bien lui répondre ?

Rien

Sinon contempler ensemble les vignes qui renaissaient de l’hiver

Aller faire un tour, un vrai

Regarder l’eau couler sous le pont Caffino

Embarquer sur le Bateau-Vivre.

Thierry Rousse

Vertou, lundi de Pâques, 18 avril 2022

« Au coeur des vignes »

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