Rêves clandestins, petit grain de sable ou de folie ?

 

Londres sortait de ses trois mois de confinement. Le retour à la vie normale était annoncé sur les ondes. Je les enviais ces britanniques, eux qui  avaient déclaré la guerre à notre Duchesse avec leur variant rebelle. J’aurais bien pris ce tunnel pour rejoindre la douce Tamise brumeuse, mais l’heure était aux dix kilomètres nordiques en ma bonne vieille Gaule, autour des ronds-points gardés par les gilets bleus ou autour des stades romains transformés en gigantesques tournois de vaccinations. Les seringues avaient remplacé les cris des supporters.

Pendant ce temps, nos chefs en liesse dégustaient des truffes sur une feuille d’endive à des prix exhorbitants en des dîners clandestins dont eux seuls connaissaient l’adresse. Belles chandelles consumées ! Leurs privilèges me faisaient songer à ces cochons qui se justifiaient ainsi : « Le lait et les pommes, ainsi que le démontre la science, renferment des substances indispensables au régime alimentaire des cochons. Nous autres, sommes des travailleurs intellectuels. Jour et nuit, nous veillons sur votre bien. Et, c’est pour votre bien, que nous buvons ce lait et mangeons ces pommes…  » (*). Savez-vous ce qu’il adviendrait si le virus revenait ?

Il nous restait, gens du peuple, à accomplir des efforts supplémentaires pour l’arrêter dans sa folle ascension.

Il y avait bien pourtant sur l’allée ce p’tit grain de sable qui m’irritait. L’huître avait trouvé sa parade. L’envelopper de sa nacre. Le grain de sable était devenu une jolie perle.

Ma perle était ce refuge pour rêver aux beaux jours de la liberté retrouvée. Tous ces chemins de terre au bout des vergers où nous lirions des poèmes. Toutes ces maisons de pierre aux toits provençaux bercées par l’écoulement des oiseaux et le chant des ruisseaux. Les grenouilles seraient de la fête, vêtues de leur plus belle robe tranparente. Un cheval invisible nous guiderait. Le cercle serait, de nouveau, rassemblé. Deux tourterelles veilleraient à son bonheur. Les guerres s’apaiseraient. Le temps des chants et des danses se lèverait, sous l’éclat d’un arc-en-ciel, le sourire de nos yeux se dévoilerait.

Rêves clandestins, petit grain de folie ? Le drapeau blanc serait hissé au mât des rires, sur les fils des masques en guise de voiles.

Les jeux des enfants me faisaient oublier toutes les peines du monde, ou, presque…

Thierry Rousse

Nantes, mardi 6 avril 2021

« A la quête du bonheur »

(*) « La ferme des animaux » de George Orwell, édition Folio.

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