Entre les deux extrêmes

Alors

La ferions-nous cette tarte aux pommes

Comme au bon vieux temps

Je te sentais pas vraiment partante

Tu n’avais pas vraiment l’élan

L’envie

Marion

Tu me disais que ça coûtait cher

Quoi déjà

Faire cuire une tarte aux pommes

Que ça coûtait cher

Qu’Il n’y aurait pas de tarte aux pommes

Ni de bon vieux temps

Alors

Je repartais sur la route avec ma pâte brisée

Et mes pommes rouges sur les joues

Pas de tarte aux pommes

Ni de bon vieux temps

Alors

Ferait-il seulement beau demain

Déjà Gaga annonçait la sortie des escargots

Ah quel sale temps Madame La Pluie pour les tartes aux pommes

Hein Bobby

Quand toi

Marion

Tu t’insurgeais

Regarde Marcel

Les communistes ont déroulé leurs banderoles sur les grilles du jardin des Plantes

Non au fascisme

Vive l’internationale

Et déjà

Un peu plus loin

Je voyais

Des graffitis tracés sur les murs des églises

Hier les Juifs

Hier Les camarades

Montrés du doigt

Et aujourd’hui

Qui serait pointé du pied

Qui

Qui serait le bouc émissaire

De notre malaise

L’étranger indésirable

Et qui

Qui serait le complice du pire

Le bon apôtre au service de l’ordre et de la sécurité

France

Travail

Famille

Patrie

L’humain

L’humain qui avait oublié ses origines nomades

Et qui proclamait comme un coq tout fier sur son tas de foin

Nos frontières grâce à moi sont bien gardées

La loi est la loi

Et la loi c’est moi au fond de cette impasse

Alors

Qui

Qui s’indignerait

De tous ces morts en mer

De tous ces refoulés aux pays des guerres

De tous ces enfants de passage

Alors

Qui

Qui ferait l’Autruche

Qui jouerait en défense

Qui jouerait en attaque

Qui

Alors

Pouvions-nous encore lire de la poésie de Palestine aujourd’hui

Demain

Marion

Arrêterait les boucs émissaires

Et tous

Tous les résistants

Ses lutins les tortureraient

Les déporteraient

Les fusilleraient sur le Mont-Valérien

Les gazeraient dans les camps de l’horreur

Et puis

Et puis

Alors

Rien qu’un silence de rigueur

Pendant qu’un chanteur insouciant déclamerait

Y’a de la joie

Y’a de la joie

Les joues gonflées de l’apparence du bonheur

Alors

Qui

Qui était capable d’ignorer le malheur

Hein

Belle Marion

Pour sa propre promotion

Ou

Par peur de finir comme eux

Comme ces boucs émissaires du désordre généré par ceux qui le décriaient

Qui serait à la tête d’une Europe flamboyante

Etaient-ce ces visages hideux

Haineux

Que tu voulais me montrer

Aujourd’hui

Ou la tarte aux pommes qui coûtait trop cher à tes yeux

De nos vies intimes à l’histoire terrible d’une cuisine

Allions-nous

Renoncer aux extrêmes

Allions-nous la faire cette tarte aux pommes

Bon sang

Allions-nous goûter à la fraternité

Le long des rivières

Allions-nous être

Mes ami.es

Aujourd’hui vraiment ami.es

Aujourd’hui

Vraiment uni.es

J’observais

De sombres spectres rôdaient dans la ville

J’observais

De sombres spectres rôdaient dans la ville

En cette fin du mois d’avril

Et déjà le premier mai

Un brin de muguet pour ton cœur

En mai fais ce qu’il te plaît

Tu me disais

Qui serait à la tête du cortège pour la paix et la justice

Qui

Je marchais

J’observais toujours

Encore et encore

Des révoltés cagoulés tout de noir vêtus

Taguaient les enseignes des commerces et des banques estimés complices des guerres et du profit

En éclataient en mille morceaux leurs carreaux

Cassaient le mobilier urbain

Justifiant ainsi l’arrivée des légionnaires de l’ordre et de la sécurité

Ces révoltés cagoulés déroulaient le tapis rouge à leur cible

Les deux pôles se rejoignaient ainsi

A gauche et à droite

J’étais pris en sandwich entre ces deux extrêmes

Marcher pour la paix

Avait-il encore un sens

Quand la tête du cortège estimait bon s’exprimer par la violence

Un premier mai dans les fumées piquantes d’un nouveau fascisme latent

Le banquet paysan et ses longues tablées au miroir d’eau

Était bien impuissant

Un triste avenir se dessinait dans le chaos présent d’une eau trouble et tremblante

Alors

La ferions-nous cette tarte aux pommes comme au bon vieux temps

Irions-nous goûter aux années folles d’antan

Irions-nous nous perdre fous d’amour

Dans un décor de cinéma

Dans ces ruelles colorées

De Trentemoult

Irions-nous nous enivrer de je t’aime

Brodés à même nos peaux

Sur les tambours de soi

A tous les étages d’une maison d’utopies magnifiques

Silence

Allions-nous effeuiller à l’autre bout

Dans cette librairie la marguerite

Nous enlacer sous les coucous imprévisibles

Hors du temps

Échanger nos mots de baisers

Alors

Était-il déjà trop tard

Entre ces deux extrêmes

Étais-je déjà fiché à tes yeux

Bohême de la liberté

Sous les coups de la torture

J’écrivais partout ton nom

Pour ne pas te perdre

Alors

Je suivais tes traces

Alors

Je m’éblouissais de ta face

Alors

J’écrivais

A Nantes

La résistante

Pour toutes ces portes

Qui s’ouvraient

Un peu de poésie

Toute la grandeur de la vie

Si fragile

Alors

Alors

La ferions-nous cette tarte aux pommes

Comme au bon vieux temps

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 4 mai 2024
"Une vie parmi des milliards"

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