Douze rêves de Play Mobile

1

Un

Tu étais assis

Au milieu d’un cube blanc

Seul au milieu d’un cube blanc

Play Mobile

Un

Cube

L’absolue solitude apparente

Là où rien ne pouvait divertir ton regard

Qu’un vide blanc

Là où rien ne semblait t’attendre

Play Mobile

Que d’être assis là dans un vide blanc

Play Mobile

Sur une île

Un

Sous une Lune absente

Une

Indifférente

2

Deux

Deux yeux perdus inoffensifs

Quand

Dans un instant inattendu

Tes oreilles entendirent

Le crissement

D’un ruban adhésif qu’on arrachait

Sur tes murs

Play Mobile

Un à un tes quatre murs blancs s’ouvraient lentement

Une main doucement s’approchait de tes cils

Et te prenait délicatement la main

Deux

Histoires de mains

3

Trois

Guidé par la douce main de cette inconnue

Tu parcourais le premier mur à découvert

Play Mobile

Des images découpées que tu devais recomposer

Trouver la partie manquante

L’autre moitié

La passerelle qui te mènerait de l’une à l’autre

Ce jeu t’amusait

Play Mobile

4

Quatre mains

Sur un piano transparent

Curieusement

Ton premier habitat était le monde

Un monde inhospitalier

Là où toute vie ne semblait pas désirée

Hostilité des paysages

Traits graves des visages

Comme la froideur d’un vent d’avril

Perçant le ciel de tes pas fragiles

Riant de tes fausses notes

Pouvais-tu vivre ici

Play Mobile

Habiter pleinement la profondeur des océans

L’infini espace d’un ciel sans frontières

Gravir les cimes des plus hautes montagnes

Suivre les bonnes pistes dans le désert

Et pourtant

5

Cinq

Cinq doigts

En émoi

Transis

Et pourtant

La vie était là aussi

Play Mobile

Qui t’attendait

Dans l’étonnement d’un regard

La traversée d’un oiseau migrateur

Le surgissement d’un poisson-clown

Le monde était beau

Et tu découvrais enfin sa douce chaleur

Presque trop tard

Presque trop

Presque

6

Six

Scie ta branche

Sans doute le roi

N’avait aucune envie que tu la vois

Sans doute le roi

Te préférait

Enfermé

Les yeux clos

Entre les quatre murs de ton cube blanc

A ne rien voir des beautés de la vivante

A ne rien sentir

A ne rien entendre

Que les tremblements du monde

Quand la vivante au fond

Était

Bras ouverts

Ton premier habitat

7

Sept

Sète

Port de Brassens

De cette première rencontre

La douce main t’accompagnait dans un jardin

Là où tout poussait parfaitement dans une intelligence collective

Là où tu n’avais de tes longues journées

Qu’à prendre soin de ses plus infimes graines

Là où tu n’avais de tes longues journées

Qu’à récolter l’abondance de ses naissances

Là où tu n’avais de tes longues journées

Qu’à te délecter des fruits des abeilles

De cette rencontre inouïe

La douce main t’accompagnait à ton éveil

Play Mobile

Tu apprenais à cuisiner avec elle

Dans une Cocotte Solidaire

Tu donnais à ton corps

La saine nourriture

Qui élevait sa chair jusqu’au ciel

8

Play Mobile

Ton cube blanc avait pris des couleurs

L’absolue solitude apparente

Là où rien ne pouvait divertir ton regard

Qu’un vide blanc

Là où rien ne semblait t’attendre

Play Mobile

Tu riais à présent aux éclaboussures du temps

Et les salades

Et les poireaux

Et les choux

Dansaient

Maintenant

Sur un fil

9

Neuf

Comme tout neuf

Play Mobile

Par la douce main

A toi

Qui s’était offerte

Ouverte au printemps

Comme une fleur sacrée

Play Mobile

Avec elle

Tu te faufilais entre les interminables fumées d’usines

A la quête de l’essentiel

10

Dix avait cessé d’être un collectif factice

Deux mains sur une colline maintenant enlacées dans la vie

N’étaient pas prêtes à se séparer

Play Mobile

Le jeu quittait les écrans

Pour embrasser les vivantes

11

Onze

On se bougeait à Nantes

On aplanissait les tours

A chaque détour

De la Perle à Wattignies

Du Live Bar à Marguerite

De nouveaux mondes fleurissaient

Des habitats humanistes

Occupaient de rêves les espaces publics

Et pas que

Tout bonnement leur donnaient vie

Affranchis des hautes têtes

Qui croyaient tout savoir

Affranchis des hautes têtes

Qui pensaient détenir les pouvoirs

Affranchis des hautes têtes

Qui pensaient récupérer nos semences

Affranchis des hautes têtes

Qui pensaient cultiver l’art hors du sol

Notre zone à défendre était toute une planète

Notre zone à défendre était tout notre cœur

12

Douze rêves de Play Mobile avec elle

A gratter du bout des doigts une guitare

A chanter à deux voix

A bouger nos cordes

Et nos corps

A marcher

Dans l’espace infini

A nager

Dans un cube blanc déployé

A dessiner à deux mains nos lignes

Play Mobile

Tu rêvais à quatorze ans de monter un groupe de musique

Tu t’enivrais des Beatles, des Rolling Stones, des Pink Floyd, de Bob Dylan, de Téléphone et des Doors

Tu écrivais des chansons seul dans ta chambre pour ne plus entendre les cris

Tu t’évadais dans des allées de maisons

Imaginais le bonheur à l’intérieur

Tu dansais sur les murs de tes rêves

Des mots aujourd’hui disparus

Play Mobile

Tu t’enfoncais dans la forêt obscure

Tu rêvais d’être grand

Pour parler aux oiseaux

Ton toit était invisible

Pour inviter chez toi

Tout l’univers

Play Mobile

Riz

Paille

On

Avait presque tout

Pour être heureux

Presque tout pour nous envoler jusqu’aux cieux

Et ne plus jamais être vieux

Play Mobile

Toi l’enfant

Au coeur fragile

Tu étais assis

Au milieu d’un cube blanc

Seul au milieu d’un cube blanc

Dans l’hôpital des pas de l’espérance

Play

Mobile

Thierry Rousse
Nantes, mardi 22 avril 2024
D'après « L'habitat interactif », création artistique de Thierry Rousse

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