De Nantes à Glasgow

 

Il pleuvait sur Nantes, peut-être pleuvait-il sur Glasgow ? Mon esprit me réveillait tôt. Il faisait encore nuit. Cinq heures du matin. J’attendais un peu que le temps passe sous mon oreiller de plumes. Il passait, le temps, lentement, des perles de pluie murmuraient sur les tuiles du toit qui m’abritait. Je me sentais protégé. Mon esprit était bien réveillé, motivé à faire un tas de choses, il pressait mon corps à se lever. Celui-ci finissait par céder à ses avances matinales et descendait, pas à pas, l’escalier de bois. J’allumais la radio. Premier réflexe. La voix de Francine berçait le silence d’un jour encore endormi. Qu’il m’était agréable, parfois, de me lever avant toute cette agitation du monde ! Savourer l’instant d’une présence. La voix suave de Francine me parlait de Glasgow. Faisait-il beau ? Rien, pas un mot sur sa météo intérieure. Pleuvait-il dans le coeur de Glasgow et dans son coeur ? Les Rois s’étaient réunis sur la terre d’Ecosse pour décider de l’avenir de notre humanité. Ils rivalisaient de promesses, de coups de poings sur la table qui s’écroulait. Seraient-elles tenues ou oubliées, une fois de plus, leurs promesses des soirs d’ivresse et de brume ? L’urgence climatique s’invitait au banquet pour 2050. Premiers signes de Pompéi. J’aurais 84 ans si mon Ange gardien désirait m’accompagner jusque là, à l’aube d’une fin annoncée sur les landes du lendemain. « Il était encore temps » me glissait Francine dans le creux de l’oreille, « temps pour éviter le pire ». « Tu es gentille, ma Francine, comme si mon avenir était entre les mains de ces Rois ! ». Pouvaient-ils seulement laisser le paysan construire son habitat léger sur la terre qu’il avait achetée ? Etait-ce trop demander à leurs couronnes aux manteaux de velours brodés d’or ? J’irais bien à Glasgow avec mes sandales, nu comme François, rencontrer les vaches écossaises et m’entretenir avec elles de l’ignorance des Rois. Un pèlerinage sur l’île de William. En attendant, la pluie me tenait au chaud sous ses caresses, un toit entre nous, le toit de notre consentement mutuel. Sous ces « ploc-ploc », je m’abandonnais à mon labeur, café après thé pour rester éveillé, confiné chez Mémé Zanine, bribes d’une époque lointaine. Un an, déjà. Le monde avait-il vraiment changé ? J’écrivais mes actions pédagogiques, tout ce que je pouvais encore proposer à notre société. Longue journée de réflexion. Ma pluie était fidèle. Retour de Francine dans ma cuisine. Quelques nouvelles de Glasgow. Les Rois tournaient à la bière dans un vieux pub hanté. « Etre ou ne pas être, à toi de jouer, compair ! ». Ricard me rassurait. Non pas le vieux qui buvait, mais Matthieu pour les intimes.

« Le problème n’est pas le fait que les pensées surgissent constamment en notre esprit, mais ce qu’il advient de ces pensées: vont-elles proliférer et envahir notre esprit, ou allons-nous au contraire les laisser traverser notre esprit, comme un oiseau qui passe dans le ciel sans laisser de traces ? » (1)

Francine était partie sans laisser de traces comme un oiseau enchanté. Son silence remplissait ma nuit. « Il pleut » m’écrivait mon smartphone connecté à l’univers. « Ploc, ploc ». La pluie était restée. Je lui fis « toc-toc, c’est moi sous ton toit ! Veux-tu un parapluie pour t’abriter ? ». Fée Pluie riait aux larmes de mes bêtises: « Vous êtes bien dispersé, jeune homme ! » . Mes pensées ne faisaient que traverser sa vie. Couleraient des rivières, de vastes mers entre nos terres lointaines. Il pleuvait sur Nantes, peut-être pleuvrait-il des notes d’espérance sur Glasgow ?

Thierry Rousse,

Nantes, mardi 2 novembre 2021

« A la quête du bonheur »

(1) « Prendre soin de la vie », page 109, Matthieu Ricard, édition J’ai Lu.

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