Le chien, le chat et la perle magique

Le Grain de Sable et la Perle magique

Genèse d’une création – 2ème épisode-

J’avais la forme de « Pêcheurs d’histoires », il me restait à trouver le contenu…

Quelles histoires raconter, quelles histoires mettre en scène ?

Je séjournais en ce début d’année 2016 sur Paris et l’océan déjà me manquait.

Je me promenais dans les bibliothèques, les librairies, et je choisissais, porté par le « hasard », des recueils de contes en lien avec l’océan, la rivière.

Je me nourrissais en quelque sorte  de ces histoires. Un mot pouvait me toucher dans une histoire, ou un début d’histoire.

Ce fut le cas pour : « Le chien, le chat et la perle magique ».

Les tout premiers mots parlaient à mon cœur, résonnaient au fond de moi, je n’avais pas à réfléchir, je me laissais emporter par le courant de ces mots jusqu’au moment où ces mots cessaient de me parler, de résonner en moi, où je les quittais avec respect, gratitude.

Cette histoire coréenne rapportée par Kim Seon-hui, Kim Ji-won, Lee Seul et traduite par Rodolphe Meidinger commençait ainsi :

« Il était une fois un vieux couple qui vivait dans un village. (…). Comme le vieil homme était pêcheur, il sortait tous les jours sa barque en Mer jaune pour ramener du poisson. Le couple n’était pas bien riche, et le vieil homme ne ramenait pas toujours suffisamment de poissons.

Un matin, comme d’habitude, il jeta son filet dans les eaux calmes de la Mer jaune. Et, ce matin-là, il ramena dans son filet un très gros poisson. Il le sortit de l’eau, tout joyeux de sa bonne prise, et au moment où il allait le jeter au fond de la barque, il vit que le poisson pleurait. Il le regarda d’un air incrédule, mais celui-là versait véritablement de grosses larmes.

-Que ce poisson doit être triste ! se dit le vieil homme. Il a vraiment l’air malheureux. Va ! Retourne chez toi ! lança-t-il en relâchant le poisson dans les eaux de la Mer jaune.

Ce jour-là, il ne ramassa plus rien d’autre dans ses filets. Il n’y aurait qu’un peu de riz à manger, mais ce n’était pas grave parce qu’il avait le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien. »

Je m’arrêtais  sur ces mots, je les goûtais maintes fois comme une saveur agréable, inépuisable, sans cesse renouvelée. Quelque chose d’essentiel que ces mots voulaient bien me glisser à l’instant présent dans le creux de mon coeur: « Il n’y aurait qu’un peu de riz à manger, mais ce n’était pas grave parce qu’il avait le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien. »

Et si dans ces mots pouvait être contenu l’essentiel d’une vie : avoir le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien ?

Alors, le reste, le matériel semblait devenir secondaire.

L’essentiel n’était-il pas là dans le but de ma vie : faire quelque chose de bien ?

Me détacher du matériel, de l’ « avoir » pour me concentrer sur le sens de ma vie, de ce pourquoi je suis au monde, sur ma relation aux autres êtres vivants ?

Ce genre de vérités qu’on apprenait peut-être en vieillissant, la sagesse que nous offraient les années qui s’écoulent ? Quand s’effacent les choses, que restent-ils ? Un sentiment ?

Cette sagesse supposait un sens averti de l’observation. Qui peut voir un poisson pleurer à part celui qui prend le temps d’observer la nature dans son langage le plus subtil?

L’histoire aurait pu s’arrêter ici, le vieil homme avait déjà sa récompense, il avait gagné sa journée : ce sentiment d’avoir fait quelque chose de bien dans sa vie.

Par curiosité, je continuais néanmoins ma lecture :

« Le même soir, un jeune homme inconnu (…) vint frapper à leur porte.

(…) – Pourquoi venez-vous nous rendre visite ? S’inquiéta le vieil homme.

-Je venais juste vous rendre grâce, et vous inviter à dîner, répondit le beau jeune homme.

-Me rendre grâce ? Mais je n’ai jamais rien fait pour vous, répondit le pêcheur.

-Aujourd’hui, vous avez relâché un poisson… C’était moi !

(…) Le jeune homme emmena le pêcheur au « palais de Yong Wang le roi Dragon puisque le roi du royaume des abysses était le père du jeune homme. Ils y mangèrent un repas somptueux. A chaque plat, le vieil homme se confondait en excuses, arguant que c’était trop pour lui. A la fin du dîner, le jeune prince sortit de la manche de son hanbok une grosse perle de nacre.

-Regardez cette perle, dit le prince, c’est une perle particulière. Elle porte chance. Tenez, prenez-la, elle vous apportera fortune. »

Voici que faisaient leur apparition : le jeune homme fils d’un dragon, le roi Dragon, une perle.

Cette idée de « faire quelque chose de bien » continuait d’animer les motivations du vieil homme et cela le rendait si attachant à mes yeux : « Sur le chemin du retour, il était tout guilleret à l’idée de voir la tête de sa femme, elle allait être bien surprise en voyant cette magnifique perle qu’il lui ramenait. »

Sur ces mots, je suspendais ma lecture de l’histoire afin d’en écrire au gré de mon imagination la suite.

Que pouvait-il bien se produire après ?

Que représentaient le dragon et la perle dans la culture coréenne ?

Une recherche sur internet m’apportait vite des réponses, je m’empressais de les recopier et de me nourrir de ce que j’apprenais:

« Le dragon oriental est l’un des deux grands types de dragons et s’oppose au dragon européen dans le sens qu’il n’est pas automatiquement mauvais. »

Un gentil dragon, dans une période de violence, de menaces terroristes, de peurs en tout genre, cela me plaisait bien, une espérance, un sursaut d’espoir, de vie auquel me raccrocher, et de plus, qui venait d’une autre culture, d’un autre océan, de l’Orient.

Mes notes griffonnées par-ci par -là sur mon petit carnet bleu ouvraient les bribes de mon imaginaire.

Je vous les livre à l’état brut :

Le ventre du dragon oriental est « celui d’un mollusque et le reste de son corps est couvert de 117 écailles de carpe ».

« Le dragon chinois n’a ordinairement pas d’ailes, ce qui ne l’empêche pas de voler, grâce à la crête surplombant son crâne. »

« Sa principale source de pouvoir réside dans une grosse perle qu’il cache sous les replis de son menton ou dans sa gorge. »

« Cette perle est souvent synonyme de bonheur, d’abondance, de sagesse ou de connaissance pour celui qui la possède. »

« Contrairement à son cousin occidental, le dragon chinois ne ressemble pas à un dragon dès sa naissance. Il passera par divers stades de métamorphose qui s’étendent sur 3 000 ans. »

« L’œuf de dragon n’éclot qu’après 1 000 ans, donnant naissance à un serpent aquatique. Il acquiert, après 500 ans, une tête de carpe. (…) Il atteint finalement l’âge adulte après un autre millénaire, obtenant de facto une paire d’ailes ramifiées. »

Je me souvenais alors de cette légende chinoise que m’avait rapportée un homme retraité, passionné pour la culture asiatique, que j’avais rencontré dans le jardin oriental qu’il avait fait jaillir au cœur du bocage vendéen. (Les jardins du Loriot près de La Roche-Sur-Yon).

La carpe qui parvenait à remonter le courant se transformait en dragon.

Elle représentait pour la jeunesse chinoise la persévérance, la réussite.

Chemin de vie, transformations progressives, remonter le courant, être persévérant, réussir sa vie… Et si vieillir était se diriger vers la source, l’accès à une nouvelle vie, à une transformation intérieure, la véritable réussite de sa vie ?

Ces perspectives attisaient mon envie de créer, de raconter, de jouer.

Mais, ce n’était pas tout, j’apprenais que les dragons orientaux pouvaient « être messagers des dieux, guides des humains, gardiens des richesses de la terre, ou maitres des éléments. »

Ecologie, éducation, épanouissement personnel, quête du bonheur… tous ces thèmes résonnaient en mon cœur comme une aspiration à vivre, à écrire, à transmettre. En plein milieu de l’état d’urgence, un nouvel état d’urgence naissait au fond de moi : « avoir le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien dans ma vie ».

Le grand large m’appelait et je découvrais à ma plus grande joie ceci :

Le « dragon terrestre » est « le maitre des sources et des cours d’eau qu’il dirige à son gré. Il séjourne durant l’été dans le ciel et passe l’automne dans la mer. Il est intimement lié au climat et à l’eau. Il a d’ailleurs tendance à vivre dans ou à proximité de grandes étendues d’eau : fleuves tumultueux, au fond des océans, ou au cœur des gros nuages. »

Le « dragon coréen est associé à l’eau et à l’agriculture, amenant les nuages et la pluie. » Il « habite généralement les fleuves, les lacs, les océans. »

Passionnant, initiatique et écolo, n’est-ce pas ce dragon ?

Et, pour couronner le tout, il  symbolise l’ « immortalité, de par sa longévité exceptionnelle ».

Riche de ces connaissances, avec une ébauche d’histoire sur les pages de mon petit carnet bleu, je quittais Paris en avril 2016 pour rejoindre mes amis demeurant à Olonne-Sur-Mer.

Ma seconde exploration commençait, celle liée au patrimoine naturel du littoral atlantique breton vendéen.

Je retrouvais l’océan et la chaleur familiale, paisible d’une maison.

Un soir de veillée, Danielle, Présidente de notre Compagnie L’Arbre à Palabres, professeur retraitée de biologie, m’expliquait à travers de jolis petits dessins le voyage des bébés anguilles de la Mer des Sargasses jusqu’aux rivières des marais, remontant le courant pour grandir. Quand les anguilles atteignent l’âge adulte, elles retournent dans l’océan pour donner vie  de nouveaux bébés anguilles, et c’est reparti ! L’anguille est un grand migrateur, capable au cours de sa vie de passer par « des milieux présentant différents taux de salinité, de la mer vers l’eau douce puis à nouveau vers la mer » et de s’orienter.

Merveille de la nature qui me rappelait étrangement la légende chinoise de la carpe qui remontait le courant de la rivière.

J’appris que l’anguille était une espèce menacée ou en risque d’extinction en Europe[].

Un jour, je fis un détour par le Musée du Coquillage des Sables d’Olonne. Sa responsable était heureuse et fière de me montrer les perles dans les huîtres exposées dans les vitrines, une « spécialité de notre musée » me disait-elle. C’était en effet magnifique, et ce fut encore plus magnifique quand j’ai appris l’origine des perles. La connaissez-vous ?

« Une perle est une concrétion calcaire, généralement de couleur blanche, fabriquée par certains mollusques bivalves (principalement les huîtres perlières). Quand un objet irritant passe à l’intérieur de la coquille, comme un grain de sable, l’animal réagit en entourant l’objet d’une couche de carbonate de calcium CaCO3 sous la forme d’aragonite ou de calcite. Ce mélange est appelé nacre. »

Etonnant, n’est-ce pas, ce pouvoir de la nature de transformer ce qui l’incommode en œuvre d’art sublime et lisse ?

Prendre le temps d’observer, d’écouter ce que nous enseigne le monde animal, la nature. Là encore je retrouvais un chemin de sagesse.

Ce que j’apprenais de part et d’autre se rejoignaient à la rencontre de l’eau salée et de l’eau douce, légendes asiatiques avec ses dragon, ses perles et patrimoine breton vendéen avec ses huîtres, leurs perles, ses marais, ses rivières, ses anguilles, ses pêcheurs…

Un clin d’œil à Clémenceau qui rapportait la culture orientale en sa terre natale de Vendée, face à l’océan, dans une modeste maison qu’il louait, à Saint-Vincent-Sur-Jard.

C’était bien là ce qui me séduisait : la rencontre des cultures, l’ouverture à l’autre, l’enrichissement mutuel, le respect de l’environnement, et ces questions essentielles : qu’est-ce que réussir sa vie ? Qu’est-ce qu’être heureux ?

Il me restait à assembler toutes les pièces éparses de mon puzzle, agencer mes bribes de notes sur mon petit carnet bleu pour en composer une belle histoire à l’écoute de  la douce musique de l’océan ! Cette histoire s’appellerait : « Le Grain de sable et la Perle magique ».

La suite? Au prochain épisode, mes Amis « followers » !

 

 

 

2- « Les Cris » de Christina Mirjol

Je dois une grande partie de ma formation théâtrale à Christina Mirjol, qui, à l’issue de ses cours d’art dramatique que je suivais, m’a proposé, en 2000-2001, d’intégrer sa compagnie théâtrale « Presqu’Il » pour jouer dans sa  nouvelle création “Les Cris”.

Jouer dans une pièce mise en scène par son auteur avec des comédiens professionnels expérimentés est sans doute, à mon sens, l’une des meilleures écoles.

Ce fut pour moi l’une de mes plus belles expériences.

Comme mes partenaires, Raymond Dehéras, Anne Fourniret-Longhini, Jean-Pierre Garnier, Boris Gillot, Joëlle Mezza , Maïté Bareyt, Catherine Baumier, Michèle Thuilliez, j’avais plusieurs “cris” à jouer dans une configuration scénique bien définie :

« On rentre, on s’assoit sur des chaises, quelqu’un crie, un autre se lève, traverse, est rejoint au milieu, disparaît. Un autre crie assis. Celui-là crie longtemps. Cet autre -là se tait. Les chaises sont chiffrées, disposée,  il faut dire dans une drôle de suite. Incompréhensible. Avec des gens assis. Nous. Le public. Une étrange d’assemblée. Des numéros en vrac. Quelqu’un sourit, et là, quelqu’un crie de nouveau, puis un énergumène qui depuis le début brandit nerveusement un livre à tout propos, jette au milieu des numéros. Derrière les portes, beaucoup de cris sont audibles, affirme-t-il, tout à coup alors qu’on est assis sur les chaises, tranquilles ; dans la rue, dans les gares, et au bout de notre interminable couloir. Quand on ferme la porte, poursuit-il, le paillasson est dérangé. Sur ce, une multitude de cris s’amoncellent pêle-mêle  pendant qu’un chien  furieux, on ne sait pourquoi, au pied de sa chaise, aboie. Quelques 70 cris. Enfin, ça s’arrête là. Sans raison. Mais bon. C’est pas trop tôt ! »
(Extrait du dossier de presse)

Je me souviens de ces personnages étonnants comme Gérard ou le condamné que je vous invite à rencontrer avec d’autres en lisant « Les Cris » de Christina Mirjol ( édition du Laquet).

Les chaises disposées formaient un rectangle. Les spectateurs venaient s’asseoir entre nous. Nous nous levions tour à tour pour jouer seul, à deux, ou tous ensemble au-milieu du rectangle ou en dehors. L’écrivain appelait nos cris dans un ordre différent à chaque représentation.

Les répétitions se déroulaient à Paris dans le 19ème arrondissement. Nous étions dans une démarche de recherche, un laboratoire de création guidé par Christina Mirjol, auteur et metteur en scène, en lien avec Edmont Saffar, scénographe.

Christina me demanda si je pouvais jouer avec mon chien. Surpris et heureux, je dis aussitôt « oui ». Mon chien, fidèle compagnon qui me suivait partout, fut ravi, prenant plaisir à venir jouer parmi nous !

Je jouais avec mon chien dans le spectacle « Les cris » de Christina Mirjol.

« Les Cris » ont pu être joués en différents lieux :

La Comedia, Paris, 14-15-16 décembre 2001
Les Dix jours du théâtre, Dammarie-lès-Lys, 20 mai 2001
Festival de Nangis, du 9 au 13 mai 2001
Les Rencontres de Villenauxe-la-Petite (Patrimoine et Culture en Bassée),Everly, 24 mars 2001
Expression libre, Villiers-sous-Grez, 3 février 2001
Lire en Fête,  Association Internationale Culture Sans Frontières, 14 octobre 2000
Les Rencontres théâtrales de Marne-la-Vallée, Ferme du Buisson, 9 mai 2000
Librairie Equipages, 12 mai 2000

De beaux souvenirs de théâtre !

Le texte a été monté depuis par de nombreuses compagnies.

Je vous invite à découvrir « Les Cris » et Christina MIrjol en allant visiter son site.

http://www.christinamirjol.com

A bientôt mes Amis lecteurs pour un nouvel article!

 

1- Naissance des Pêcheurs d’histoires

 

Spectacle Jeune Public

Naissance des « Pêcheurs d’histoires »

Le Grain de sable et la Perle magique

Thierry Rousse conte des histoires au bord de la mer avec des figurines et des planches illustrées. Pêcheurs d'histoires, conte et théâtre d'objets "Le Grain de sable et la Perle magique"
Pêcheurs d’histoires

Une aventure qui a débuté en mai 2016 d’une envie, l’envie de jouer au bord de l’océan et de parler de ce qui me relie à la mer. La première image qui me vient de la mer est des souvenirs de vacances en famille à Collioure, au Pouliguen et à Pornic. Enfant, j’aimais jouer sur la plage au bord de la mer, me raconter des histoires avec des figurines. En créant à l’âge de 49 ans le concept des « Pêcheurs d’histoires », j’ai souhaité retrouver cette part d’enfance en moi, ce plaisir de jouer, rêver, raconter une histoire, d’abord pour moi-même, puis pour les autres, mes proches et les camarades rencontrés. Vivre un instant de joie, d’évasion, de voyage. Raconter une histoire en m’amusant avec des figurines et des planches illustrées en guise de décors dans un théâtre miniature en bois. Installer un rapport de proximité avec mon public. J’avais le concept, il me restait à trouver une histoire..