Changement d’habitudes

Au supermarché

Je suis celui qui pousse mon caddy

Pousse pousse le caddy qui glisse

Je suis celui qui erre

Celui qui se demande ce qu’il fait là à cette heure

Au supermarché

Je suis celui qui regarde

Celui qui cherche

Celui qui ne sais plus ce qu’il cherche

Au supermarché

Tout est devenu si cher

Au supermarché

Je suis celui qui ne sait plus quoi acheter quoi manger

Je suis celui qui est dévoré par les lumières les regards

Assailli par les cris des spots publicitaires

Au supermarché

Je suis celui qui traverse les guerres

Celui qui recherche le repos d’un jardin

Des fruits simplement cueillis sur les branches des arbres

Au supermarché

Je suis celui qui fuit qui court qui fait son footing

Celui qui se blottit dans son caddy

Celui qui passe à la caisse et qui dit

Je n’ai rien que le vide d’un supermarché

Celui qui ne désire rien qu’un marché ordinaire

Celui qui échangerait ses mots contre une botte de radis

Contre un sourire

Je suis celui que tu ne vois pas

L’être invisible qui passe à côté de toi

Celui qui cherche l’amour dans un bouquet de fleurs fânées

Celui qui ne veut plus être acheté ni consommé

Celui qui disparaît dans un frigidaire pour attendre des jours meilleurs

Au supermarché

Je suis celui qui rêve d’une super union

D’un carrefour de cultures

O champ infini de nos songes

Au supermarché

Je pousse mon caddy contre un mur

Pousse pousse le caddy qui se brise

Au supermarché

Je n’y vais plus.

Thierry Rousse

Nantes, 25 avril et 1er mai 2023

« Une vie parmi des milliards »

L’orchidée noire des poètes

« L’orchidée noire »

Que dissimulait cette porte cochère

Un cheval

Une jument

Un carosse

Marcel II n’osait la pousser

A peine s’approcher de l’écriteau

De peur qu’un sujet ne le voit

Basculer au fond de l’eau

Pourtant il lui faudrait bien un jour

Tout connaître de son royaume

Ses tours

Ses moindres recoins

Ses coins obscurs

Et ses chandelles

En prendre possession

Déployer ses ailes de lumière

De feu ou de cendres

A cette heure

Il ne lui restait en dehors

Que son imagination

A défaut de passer à l’action

Des collines d’oliviers

Flottant sur le trottoir des Olivettes

La nuit des images centenaires

Ou des idées noires

La vie liée d’or et de sable

Peur de l’inconnu au bout des rues

Piscine de corps nus confondus

Genres éparpillés

Au fond des pupilles transies

Enlacements des bains mouvants

Des hammams et des saunas

Mondes

Equatorial

Tropical

Vertical

Diagonal

Ou horizontal

Jets et brume de désirs inavoués

Poètes maudits des auberges

Et des cours secrètes

Et des passages interdits

Ne demandant qu’à être franchis

Déchéance ou apogée

Un vers de Renaud ou de Verlaine

Les yeux de sa Muse l’interrogeait

« Tu en reprendras bien un Marcel ? »

Marcel ne quittait plus son immeuble sans sa paire

Sa deuxième aile

Qui l’équilibrait dans le vent

Un de ses vers sur le comptoir du temps

Des Sales Gosses

Des journées à vivre simplement

Sa retraite anticipée

Pour suspendre la course d’un monde perdu

Chanter rien que pour elle

S’approprier les mots de Paul

Et puis se taire

« Aime-moi

Car, sans toi,

Rien ne puis

Rien ne suis ». (1)

Thierry Rousse

Nantes, jeudi 27 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) Paul Verlaine, « Chansons pour elle », éditions Mille et une nuits

Marcel II

Marcel en avait marre d’être un être ordinaire

Un être transparent comme le vent

A peine visible des gouttes d’eau

Alors lui vint un beau matin

Cette idée géniale d’affubler son prénom

De deux traits verticaux parallèles

Marcel II était né un vingt six avril deux mille vingt trois

A Nantes dans le quartier Madeleine Champ de Mars

Tout au bout de ses dix doigts

Un quartier jadis réputé pour être le plus pauvre de la ville

Aussitôt Marcel II se sentait mieux

Ses deux ailes poussées dans le dos

Presque comme sur une île

Deux ailes qui lui donnaient un air plus élevé

La colonne vertébrale bien droite

L’ossature d’un roi

Au menton relevé

Marcel II déambulait dans les rues étroites

L’allure élégante

La tête au-dessus des poubelles

Marcel II attirait les convoitises du ciel

Et s’auto-proclamait roi de son faubourg

Oiseau sur une feuille

Au printemps

Qui sortait de sa cage

Au sort des innocents

Marcel II s’apprêtait à ses fiancailles avec Madelaine

Il était prêt

Presque prêt

Il n’avait plus qu’à la rencontrer Madelaine

Peut-être à la sortie de cette boulangerie

Qui sait

Le temps d’un été

Sur son âne

Près d’un palmier

Marcel II posait fièrement

Attendant sa retraite

Le jour où il pourrait enfin se retirer du monde des apparences

Où il déposerait sa couronne de conquêtes

Sur la chevelure de Madelaine

Comme deux vieux amants se tenant la main

Sur le bord d’un bassin

Si beaux

Deux cygnes blancs enlacés

Lieu unique de leurs baisers

Mais Marcel était le seul à savoir qu’il s’appelait Marcel II

Marcel

Marcel II

Pour le Champ de Mars il n’était encore qu’un être ordinaire

Et pour Madelaine un admirable inconnu qui mangeait des pommes de terre

Oui des pommes de terre

Sa gloire l’attendait sans doute au fond d’un Zygo Bar

Sur les planches le soir où il oserait gravir les lettres

Des mots des notes des menottes

A peine entré il quittait déjà la compétition des voix

Ce n’était vraiment pas sa voie à Marcel

Cette ébullition d’éloquence

Ces performances

Pas pour lui

Ou peut-être si

Cette nuit d’étoiles

Ces cent jours à parcourir

Si proches de son coeur

Une autre histoire à écrire

Madelaine et Marcel

Thierry Rousse

Nantes, 26 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

Chauffe Marcel chauffe

Chauffe Marcel chauffe

Les légumes

Ca change ta vie

Les légumes

Marcel

Les pommes de terre

Les panais

Les blettes

Les épinards

Les poireaux

Les choux-fleurs

Ces visages de légumes et de fleurs

Qui peuplent ta vie maintenant

Glisse ta poésie comme tu peux

Entre eux

Entre les radis noirs

Et les salades vertes

Ton frigo déborde de potagers

Marcel

Et dissimule

Ton irrésistible envie

D’un poulet rôti

Badigeonné de mayonnaise

Derrière sa falaise de légumes

Chauffe Marcel chauffe

T’es devenu le roi de la marmitte

Chauffe tout ce que tu peux

Mais pas les radis

Quand même

Marcel

Laisse un peu de cru dans ta vie

Cette poignée de radis

Qui te donnent bonne mine

Marcel

Frais-toi un passage jusqu’au comptoir du monde

Vers l’éclat des ballons qui t’appelle

L’ambiance des mots qui s’échangent

A la sortie du boulot

Chauffe Marcel chauffe

Dans le fond de la salle

Les paniers d’une Amap

Le sentiment d’appartenance à ton quartier

T’attend

Madelaine Champ de Mars

Chante Marcel chante

J’ai attendu Madelaine

Un Coup fourré

Les Chants d’Avril

Un Bain rouge de désirs

Plan B

Entre le Lion et l’Agneau

Ris Marcel ris

Les légumes

Le plat du pauvre

T’enrichit

Thierry Rousse

Nantes, mardi 18 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

La Cour des Comptes

Cinquante cinq ans

L’heure des comptes

Ton beurre étalé sur tes tartines

Te dire

Je fais le bilan d’un demi-siècle écoulé

Sucré salé

De Paris à la Bretagne

T’autoriser à dire

Qu’une vie est encore possible

De la mer à la montagne

Qu’il y a certainement plusieurs vies

Dans une seule vie

Dans la vie d’un corps

Du corps de Théophile au corps de Tom

Tant d’autres accords

Cinquante cinq kilos de vie

Et tellement plus

Si tu les comptes en heures

En minutes

En secondes

Câlines

Rire de tout cela

En rire

En jouir

En sourire

La famille

Les ami.es

Les partenaires de vie

Les étoiles filantes

Les fantômes

Les voyages

Les séjours

Les expériences

Les tentatives

Les réussites

Les échecs

Les films

Les musiques

Les chansons

Les lectures

Les spectacles

Les concerts

Les expositions

Les restaurants

Les invitations

Les apéritifs

Les cafés

Les bars

Les bals populaires

Les terrasses

Les guinguettes

Les randonnées

Les promenades

Les visites

Les emplois

Les missions

Les projets

Le travail

Tout le travail rémunéré

Tout le travail non rémunéré

Au loin la retraite reculée

Les études

La formation

Le chômage

Les conversations

Les messages

Les sms

Les messenger

Les whatt’app

Les mails

Les appels émis

Les appels reçus

Les nouveaux termes de la poésie ordinaire

Inventaire d’heures de minutes de secondes

Les baisers

Les caresses

Les mots doux

Les mots durs

Les prières

Les silences

Les larmes

Les rires de nouveau

Les heures gagnées

Les heures perdues

Tombées à l’eau

Le temps dévoilé

Caché

Gâché

Acheté

Consommé

Vendu

Déçu

Les réunions

Les conférences

Les débats

Les manifestations

Les grêves

Les week-end

Les vacances

Les derniers jours fériés

Les recettes

Les travaux

Les sommeils

Les rêves

Les cauchemars

Les ruptures

Les insomnies

Au bout d’un phare

A l’ouest

Les pertes

Les absences

Les vides

Impossibles à remplir

Les personnages

Les décors

Les actions

Les répliques

A jouer

Un tas d’émotions

De vérités et d’illusions

Leurs histoires

Leurs gestes

Leurs silences

Des tas de pierres sur le chemin d’un petit Poucet

Devant la Cour des Comptes

Un champ devant tes yeux où créer ta chance

Quels prophètes pourraient te guider

Révéler en toi la présence de Dieu

Edgar Morin

Jacques Higelin

Christian Bobin

Francis Cabrel

Soeur Emmanuelle

Frère Roger

Pierre Rhabbi

Il y en a tant

Tant que tu regardes du bon côté de la vie

Cinq cinq kilos d’espérance et de joie

Trinquons en choeur

Mon frère et ma soeur

A la bonne heure !

Thierry Rousse

Mercredi 12 avril 2023

Une vie parmi des milliards

Rencontre hyper sensible

J’étais ici

Vous étiez là

Vous ne bougiez pas

Pas même le bout de votre orteil

J’avais beau attendre votre réveil

Votre vie semblait enfouie dans votre sommeil

Vous étiez vêtue ou nue

Visage couvert ou découvert

En action ou perdue dans vos songes

Vous étiez là présente ou absente

J’étais ici rien qu’un passant à occuper votre espace

Quelle réalité me différenciait de vous

Vous paraissiez si vivante

Je vous regardais

A peine je vous observais

Respectant délicatement votre intimité

Vous vous taisiez

Je me taisais

Je n’osais rien vous dire

Déjà je vous aimais

Coeur enlacé dans vos rêves infinis

Sensible tout comme votre corps

A fleur de veines

Le long de vos grains de peau

Dans le sillon de vos rides

Empreintes d’un temps suspendu

Votre posture

Votre attitude

Marquaient le début d’une histoire attendue

Désirée

Je découvrais à travers votre immobilité

Mon bloc de chair comme une oeuvre d’art

Passagère

Vous m’invitiez en effet

A ce regard sur moi-même

M’aimer tel que l’artiste m’avait créé

Façonné

Bouleversé

Aux étapes de sa carrière

Je quittais votre patio

Votre lumière sur mes lèvres

Avec l’empressement de vous revoir

Attendiez-vous la nuit seulement pour vous mouvoir

Embrasser l’être de votre vie

L’être unique et multiple

Eparpillé sur le cycle des années

Un jour

Je ferai partie de vos murs fissurés

Matière inerte à l’âme vivante libérée

Rien que des kilos de soi éphémères

Exposés

Au milieu d’un musée

Des Beaux-Arts

De Nantes

Un lundi de Pâques

Sculpté

10 avril 2023.

Thierry Rousse

Nantes, lundi 10 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

Musée des Beaux-Arts de Nantes, « Hyper Sensible, un regard sur la peinture hyperréaliste »

Du 7 avril au 3 septembre 2023

Y’a quelqu’un.e

Tu te promènes avec toi-même

Un vendredi

Une fin d’après-midi

Une faim de reconnaissance

Qui te regardera

Avec élégance

Qui te dira que tu es belle

Que tu es beau

Bohême

Echoué.e au bout d’une avenue

Qui n’en finit pas de descendre

Quarante pieds au bord d’un fleuve agité

Quai de la Fosse

Croisière de guerre

Trêve

Port d’attache

Instant de repos

Tes kilos d’os, de chair et de muscles

Sur le comptoir pesés d’un rhum arrangé

Parenthèse d’un routard

Lève-toi et marche avant qu’il ne soit déjà trop tard

Prends ce tramway qui t’élève sur sa butte terminus

Scintillement d’un lac

Apprécie cette belle vue

Après la chevauchée des monticules de poubelles

Et des longues cités emmurées d’errances

Respire sur un autre monde bienvenu

Opulence d’un regard plein sud

Calligraphie sur ta peau de soie

Pluies de lettres qui dansent

Entre tes courbes sensuelles

L’amour enlace ton corps d’émoi

Souvenir d’un dernier éclat d’étoiles

Avant le crépuscule du cube noir

ONYX

L’autre planète

« Là, quelqu’un » (1)

Qui aura besoin de toi

Et te laissera

Quand il n’aura plus besoin de toi

Qui te photographiera

Qui disposera ton portrait

Sur sa table de chevet

Son travail achevé

L’être seul te renvoie à ta solitude

Théâtre de la vie et des fictions

Une femme de l’autre côté

De l’autre côté de la vitre

Du temple moderne de la consommation

Juste parce que derrière les frigos il fait chaud

Juste ça pour exister encore

Allongée

Des kilos de larmes blotties

Et cachées à l’oeil des caddy qui roulent

Frénétiquement vers les marchandises

Accumulées

Là, quelqu’une

Une boîte métallique vide qui résonne

Qui sait d’où elle vient

Ce qu’elle a vécu cette femme

L’origine de sa présence ici

Des enfants interrogatifs l’observent derrière la vitre

S’approcher ou s’en méfier

L’accueillir

L’inviter

La connaître

Dormir à ses pieds

Tu te promènes avec toi-même

Un samedi

Juste avant le lever du soleil

Tu partiras

Discrètement

Juste avant de souffrir

Une nouvelle séparation

Un nouveau déchirement du coeur

Juste avant ça

De ces ruptures qui déchirent les abîmes de l’âme

De ces mots durs

Ta dernière consolation fut

Y a quelqu’un.e

Thierry Rousse

Samedi 8 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) « Là, quelqu’un » d’Eddy Pallaro, L’Atelier des fictions, Théâtre ONYX, Saint-Herblain, le 7 avril 2023

L’expertise aux pieds d’argile

Qui te dira qui tu es

Ce que tu vaux

Ta légitimité

A qui tu la dois

A qui te la donnera

Des pieds d’expertise

Une liste de noms

Tes références

Ton pedigree

T’accoler à ces faire-valoir

Juste pour paraître

C’est bien peu pour ton être

Tu as attendu tout ce temps pour écrire

Une vie parmi des milliards

Le temps de vivre

D’additionner

De débiter

D’argumenter

Tu feras comme eux

Juste pour exister

Juste un peu

Consommation d’appelations

Des pieds d’expertise te diront

Ce qu’est le conte

Ce qu’est le clown

Et qui tu es

Des pieds d’argile façonnés

Qui te dira ce qu’est le souffle

L’innomable

L’innombrable masse inconnue

Au musée des castes des soumis

Petit tu resteras petit

Au bout d’une longue tablée d’été

Au Wattignie

Tu jetteras ces derniers mots juste avant l’oubli

Pieds de nez aux pieds modelés

Beaux-Arts des vivants

Corps dénudés

Exercices d’articulations

Apogée de notoriétés

Des coupes d’élégance

Quels mots t’écraseront de leur apparence

Chapeau pointu

Fourmi des rues

Dans la rue

Vis-la

Villa

De tes lilas

Lis la vie

Lie-la à ta vie

La vie

Tu n’as besoin de personne qui te dises qui tu es

D’aucune excellence

Que la jouvence de ton être nu

Tu n’as besoin de personne qui te façonne

Juste à laisser passer la lumière

Juste à laisser passer la lumière

Invisible

Vider la corbeille de ta tête

Les spam inutiles

Et sourire

Au monde

Jardin des délices

Fleuve des tranquillités

Sobriété essentielle

Regarder dans tes yeux

Le ciel

Que ce qui compte

Les rires des enfants

Que ce qui compte

Les rires des enfants.

Thierry Rousse

Jeudi 6 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

Lettre à mon clown ToTTi

Te dire

Prendre le temps d’écrire

Prendre le temps

Où est le temps

Prendre l’invisible entre mes mains

Et te l’offrir ToTTi

Laisser mes mots à l’état brut

Sortir de leur coquille

ToTTi

J’aimerais tant que tu reviennes, oui, dans ma vie

ToTTi

Tant te laisser le temps de renaître

Dans cette précipation des jours

Des tâches qui s’additionnent

Où entre deux

Je ne trouve plus même le temps pour toi

Que l’épuisement de mon corps

Te dire

Que tu m’as surpris en Avignon

Par ton audace

Ta détermination

Un jour

Et un autre jour encore

En deux mille dix

Te dire que tu m’as aidé à grandir

Peut-être à être libre

Peut-être à laisser mes larmes couler

Peut-être à laisser sortir de mes trippes

Toute l’agressivité du monde

Et son amour aussi

ToTTi

A danser sur toi-même

A tracer des ronds

Dans un rectangle

A n’avoir plus peur de rien

Pas même de Richard III ni de la cour des Papes et des jardins des Rois

A jouer tout ce que tu désirais jouer et plus encore à être

Sous les cieux

ToTTi

Ton écharpe livrée au mistral

A regonfler la vie de ton souffle

A l’essuyer de ses blessures

Ballons perdus

Crevés

Sous les cigales

A savoir que seul nul ne peut briser un mur

A savoir qu’à plusieurs ce mur peut s’effondrer

ToTTi

Les frontières des quartiers

Aussi

Que tout peut s’embrasser

La mixité des différences

Aussi

De Paris à Marseille

Aussi

De Nantes à la Vendée

Aussi

Des vents de liberté et de beauté

Des nez de la rue

A trop s’être pris de portes fermées

De réflexions

Désobligeantes

ToTTi

Ton premier jour sur la Terre

Cris de peur ou de joie

ToTTi

Quel monde je vois à travers toi

Curieux et passionnant

Je veux te donner ce temps essentiel

Pour que tu puisses exister

Pas au Paradis du ciel blanc

Mais ici

Gris ou bleu

Bien ici

Sur le bitume des villes

ToTTi

Tu relèves la tête

Et c’est toi que je suis

ToTTi

Toi mon soleil

Toi l’éveil de mes nuits

ToTTi

Ce n’est qu’un début

Entre toi et moi

Un perpétuel début

Poème présent

Insaisissable

ToTTi

Lâcher de sable

Falaise

Sur le comptoir d’un bar

Lieu Unique

Strip-tizz pour deux

Chaises flottant sur l’océan

Deux chaussures qui se rencontrent

Sur un chemin improbable

ToTTi

Tu sais à qui tu dois la vie

Et je te la dois aussi

Allée

De silence

Ce vide

Est bien pour toi

ToTTi

Qui sais rire de tous les bides

Toi l’alchimiste

De l’imperfection des mots

C’est à toi maintenant

Jette-toi à l’eau

Et nage jusqu’à moi

Pour nous sauver

Loin du sol

Dans les collines du Lubéron

Et bien encore

Sur les monts de Pagnol

ToTTi.

Thierry Rousse

Mercredi 5 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

Refuge pour la fin d’un monde

Samedi premier avril

Deux mille vingt trois

Fin d’un après-midi

Je quittais Malakoff

Et sa Libre Usine

Je me dirigeais

Vers la Maison des Utopies Magnifiques

Rien que cela

La Maison des Utopies Magnifiques

J’avais bien l’étoffe d’un voyageur

Qui embarquait à Haubans

Et regardais dans la grisaille du temps

Les arrêts défiler

Je franchissais la frontière

Sans le savoir

Sous le pont d’un Chemin de Fer

Et surgissais à Berlin

Les arrêts continuaient à défiler sans arrêt

Gare Sud

Lieu Unique

Monteil

Hôtel Dieu

Commerce

Je descendais à Commerce

Déjà un long périple de noms

Et filais comme un petit poisson

Jusqu’à Gare maritime

Mes nageoires aussitôt prenaient le large

A l’avant d’un bateau

Et je traversais

Encore une autre frontière bien agitée

Entre la terre et la mer

Tel un exilé

Je m’enfuyais

Je quittais un monde bruyant

Dans le silence

Du regard des amoureux

Qui s’embrasent

Etincelles de joie

De sourires

J’avais l’étoffe d’un roi

Maintenant

Qui accostait fièrement à Trentemoult

Et cherchait la Maison des Utopies Magnifiques

Rien que cela

La Maison des Utopies Magnifiques

Parmi les cours des pêcheurs

Dédale de coeurs

Serpentant les heures

J’osais poser mes mots

Au seuil de cette maison

Et trouver un bon réseau

Qui ferait écho

A ses images et ses sons

Petit Poucet

Refais tes lacets

Dans quel terreau

Les mots que je semais

Avaient-ils une chance de naître

Dans quel repaire

Quel refuge

Pour la fin d’un monde annoncé ?

Mes mots n’avaient-ils d’autre but

Que de plaire

Echouer sur la rive d’une oreille attentive

D’autre but que de se briser ou se perdre

Interroger

Provoquer

Se répandre dans l’air

Tout simplement s’extraire

D’une bouche ou d’une âme

Peut-être d’un esprit inconnu

Venu de la rue

D’autre but que de consoler

Réchauffer

Soigner les blessures

Et doucement être aimés

Farah quittait son utopie à regrets

Les vies se croisaient

Parfois se rencontraient

Et les mots continuaient à résonner

Dans les coeurs

A l’extérieur de cette utopie

Je courrais

Montais dans le dernier bus

Qui m’attendait à la croisée des chemins

Un livre entre les mains

« Arcadie »

« Nous nous sommes refugiés à Liberty House parce que le désastre était imminent . . . » (1)

Thierry Rousse

Nantes, 2 avril 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) « Arcadie » d’Emmanuelle Bayamack-Tam, éditeur POL